Intervention de Gilles Lecuelle

Réunion du lundi 6 novembre 2017 à 15h05
Commission des affaires sociales

Gilles Lecuelle, secrétaire national en charge du secteur dialogue social, Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres, CFE-CGC :

Nous avons eu plusieurs occasions de nous exprimer sur ces ordonnances, je pense que vous connaissez notre position sur la plupart des éléments. La CFE-CGC n'est pas, par principe, opposée à une modification du code du travail et de la gestion des entreprises. C'est dans cet état d'esprit que nous avions abordé la discussion de ces ordonnances, avec une vision optimiste des éléments que nous pourrions tirer des débats. Elle n'a pas duré. Nous avions grand espoir de construire l'entreprise du XXIe siècle, avec un dialogue social digne de ce nom et une nouvelle gouvernance permettant de remettre au coeur du débat le salarié, qui crée la richesse de l'entreprise, et le faire participer à la stratégie et l'économie de l'entreprise. Nous sommes déçus.

Notre déception vient notamment de la non-réalisation des objectifs qui avaient été fixés. Le premier était de créer de l'emploi. Force est de constater qu'en facilitant le licenciement économique, en prenant en compte le niveau national pour le périmètre du licenciement économique dans les entreprises multinationales, en prévoyant un système de rupture conventionnelle collective, nous allons à l'inverse de l'objectif de créer des emplois.

Pour l'autre objectif, renforcer le dialogue social, nous avons la même déception et nous faisons le même constat. Les ordonnances réduiront le nombre de délégués dans une entreprise en fusionnant toutes les instances. Alors que la loi Rebsamen permettait de le faire par la négociation, on l'impose par la loi. Toutes les mesures sont prises pour diminuer les moyens en expertise, en faisant cofinancer les expertises au niveau de cette instance. Tout a été prévu dans les entreprises de moins de vingt et de moins de cinquante salariés pour mener un dialogue social sans organisations syndicales. Tout ceci n'est pas de nature à valoriser le dialogue social, et nous sommes loin de l'objectif.

D'autres éléments nous dérangent. Pour nous, tel qu'il est, ce projet n'est pas mûr. Par exemple, le collège unique a été supprimé à partir de vingt salariés, tandis que le décret prévoit que jusqu'à vingt-cinq salariés, il n'y a qu'un élu. Entre vingt et un et vingt-cinq salariés, il n'y a qu'un élu mais deux collèges. Comment fait-on ?

Nous avons également de grandes craintes à propos de décrets qui ne sont pas encore sortis, car ils contiendront des éléments importants pour nous. On ne sait même pas si un décret traitera de la subrogation des salaires pendant les congés de formation économique. La subrogation est remise en place, mais nous ne savons pas comment.

Nous avons contesté les éléments périphériques de rémunération, car il existe un risque fort de dumping social. Le projet de loi n'est pas encore ratifié que déjà deux branches importantes ont trouvé moyen d'y déroger : les transports et les dockers. Cela veut dire que sur le terrain, les chambres patronales aussi ont constaté qu'il y avait un risque important de dumping, et ces deux branches ont déjà corrigé le problème, ce qui confirme notre point de vue.

Le risque juridique a déjà été évoqué par mes collègues.

Pour le référendum dans les TPE, un risque juridique important existe en ce qui concerne la confidentialité du scrutin. Nous l'avions signalé lors d'une concertation, mais cela n'a malheureusement pas été repris. Le projet prévoit que l'employeur peut organiser le référendum par tout moyen. Si l'on s'en tient au texte, il est possible d'organiser un référendum à main levée, rien ne l'interdit. Même si l'employeur n'est pas dans la salle, voter à main levée devant ses collègues pose un problème, certains ont parfois un peu de mal à tenir leur langue…

Le Conseil constitutionnel a émis des réserves sur les accords de maintien dans l'emploi et de préservation et de développement de l'emploi, en raison notamment du délai pour licencier le salarié. Cette mise en garde n'a pas été prise en compte par les ordonnances, il y a donc un vrai risque.

Par ailleurs, la Charte sociale européenne prévoit : « En vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaître : (…) b. le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée. » Or, selon nous, la barémisation au niveau des prud'hommes pose un problème au regard de cette disposition.

Un mot enfin de l'aspect moral. À l'évidence, la barémisation prud'homale va servir les employeurs qui licencient de manière abusive plus que ceux qui travaillent de manière sérieuse. Le périmètre d'appréciation des licenciements économiques est d'actualité avec les révélations sur les « Paradise papers », qui montrent qu'il est possible d'assécher une filière française avec des moyens fiscaux. Pour nous, ces ordonnances encouragent les entreprises qui utilisent le vice tandis que les entreprises vertueuses n'auront rien à y gagner.

Nous nous associons donc aux demandes de nos collègues : il faut reprendre différents points, notamment les parties consacrées aux instances représentatives du personnel et à l'organisation du dialogue social quand il n'y a pas d'organisation syndicale.

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