Intervention de Guillaume Pepy

Réunion du jeudi 9 novembre 2017 à 9h35
Commission des affaires européennes

Guillaume Pepy, président du directoire de SNCF et président-directeur général de SNCF Mobilités :

Merci de nous recevoir et de nous donner l'occasion de nous exprimer sur nos activités, notamment dans la perspective de l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs. Notre responsabilité de manager est de préparer l'entreprise publique qu'est la SNCF à cette perspective afin d'éviter un échec, comme cela s'est produit pour le fret ferroviaire, dont le trafic a diminué depuis la mise en place du cadre concurrentiel. L'objectif que nous devons viser est triple : augmentation du nombre de voyageurs, augmentation du taux de satisfaction des voyageurs et diminution des dépenses pour la collectivité.

Il faudra veiller à ce que la concurrence soit équitable pour les nouveaux entrants, mais aussi pour l'entreprise historique. Concernant les salariés, la concurrence ne doit pas être synonyme de dumping social. Il faut une harmonisation des règles sociales. Elle commence à s'organiser, puisqu'il existe désormais une convention collective. Mais il va maintenant falloir statuer, y compris au Parlement, sur le transfert des personnels. Concernant la SNCF, il faudra tenir compte du fait qu'elle est soumise à des charges que ses futurs concurrents n'auront pas, comme, par exemple, un taux de cotisation pour les retraites très élevé, des règles particulières pour l'interruption du contrat de travail, la fiscalité ou les obligations de service public non compensées.

Je voudrais insister sur l'importance des modèles économiques. L'introduction de la concurrence dans le secteur du fret s'est soldée par un échec, car il n'existait pas de modèle économique. Les vingt opérateurs privés qui ont intégré le secteur depuis dix ans ont perdu de l'argent. Notre principal concurrent, ECF, filiale de la Deutsche Bahn, a perdu 200 millions d'euros en France en dix ans et a dû faire un plan social. Les pouvoirs publics se sont saisis du problème. La ministre des Transports, Mme Élisabeth Borne, a fait du modèle économique du TGV un de ses chantiers prioritaires. Nous pensons que c'est une sage décision. De même, il faudra rétablir la robustesse du modèle économique du fret pour que les entreprises concurrentes réussissent à créer plus de trafic ferroviaire de marchandise, alors qu'actuellement c'est l'inverse qui se produit.

La SNCF devra parallèlement entreprendre des efforts puisqu'elle s'est engagée vis-à-vis de l'État à réaliser 2,6 milliards d'euros de performance d'ici 2020. Cela se déclinera sous la forme d'une amélioration industrielle (« faire mieux avec moins de moyens »), d'une augmentation des recettes commerciales et d'une réduction des frais de gestion administrative. La SNCF est en ligne avec la trajectoire du contrat de performance, mais il reste beaucoup à faire d'ici 2020.

La SNCF a des objectifs sectoriels très clairs. Concernant le Transilien, qui représente 70 % des voyageurs en France, la présidente de la région Ile-de-France, Mme Valérie Pécresse, et nous-mêmes, partageons la même priorité de modernisation accélérée avec comme levier principal le changement de matériel pour le RER. Il est prévu un investissement de dix milliards d'euros d'ici 2023 pour l'achat de matériel neuf. Pour les TER, les régions réclament « mieux, moins cher ». Pour répondre à cette exigence, la SNCF a mis en place le plan « Cap TER 2020 » qui doit aboutir à proposer un meilleur service (fréquence, régularité) à un coût moindre pour les régions. Pour le segment du fret, la SNCF doit s'adapter très rapidement, car l'enjeu est européen. La moitié des trafics sont européens et la SNCF doit impérativement se développer pour continuer à être en mesure d'assurer ces trafics européens. Actuellement, la Deutsche Bahn est le premier opérateur européen, la SNCF, le deuxième, nous ne devons pas nous laisser distancer. Les gares constituent un actif très important du système ferroviaire français. La SNCF est actuellement engagée dans un plan de modernisation considérable. Les grandes gares ont toutes été rénovées en dehors de la gare du Nord, qui le sera à partir de l'année prochaine. La prochaine étape concernera les gares moyennes.

L'organisation des différents chemins de fer en Europe a-t-elle un impact sur la concurrence ? Autrement dit, faut-il suivre le dogme de la Commission européenne selon lequel il faut dégrouper les chemins de fer pour établir la concurrence ? L'exemple allemand démontre l'inverse. C'est le pays européen où la concurrence est la plus développée et où l'opérateur historique est le plus intégré. Le modèle français est constitué d'un pôle réseau et d'un pôle transporteur dont les deux dirigeants forment un directoire. J'affirme que l'organisation française n'est en rien un obstacle à l'introduction de la concurrence.

Il existe deux modèles de concurrence pour les TGV en Europe : le modèle de la franchise dans lequel le réseau TGV est séparé en plusieurs segments qui font, chacun, l'objet d'un appel d'offres et le modèle « open access » qui permet à des acteurs d'opérer librement en France sous réserve qu'ils remplissent diverses conditions, notamment en termes de sécurité. Ce dernier modèle permettrait sans doute un fonctionnement plus efficace.

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