Intervention de Patrick Jeantet

Réunion du jeudi 9 novembre 2017 à 9h35
Commission des affaires européennes

Patrick Jeantet, président délégué du directoire de SNCF et président-directeur général de SNCF Réseau :

La SNCF dispose d'un réseau de 30 000 kilomètres à deux vitesses : le réseau TGV développé depuis trente ans et le réseau classique qui a fait l'objet de maintenance, mais a été oublié en matière de renouvellement. Il y a dix ans, la SNCF n'investissait que 500 millions d'euros par an pour le renouvellement du réseau contre trois à quatre milliards par an pour la Deutsche Bahn. Il y a un retard considérable à rattraper. Je salue la décision du Gouvernement de concentrer ses actions sur ce réseau classique sur lequel s'effectue la très grande majorité des transports quotidiens.

La SNCF a signé avec l'État trois contrats de performance : un contrat opérationnel avec SNCF Mobilité, un contrat opérationnel avec SNCF Réseau et un contrat de cadre stratégique de l'ensemble. Le contrat conclu avec SNCF Réseau est important car il donne une visibilité à dix ans des travaux de rénovation à réaliser sur les 15 000 kilomètres du réseau le plus structurant. Cette visibilité est nécessaire car, en matière d'infrastructures, il est impossible d'établir une gestion calée sur des annuités budgétaires. Une stratégie d'asset management doit se concrétiser par une visibilité sur les montants nécessaires aux investissements. Le réseau étant partagé, il faut prévoir les chantiers trois ou quatre ans à l'avance, ce qui est impossible à faire avec des annuités budgétaires qui souvent obligent à déprogrammer des chantiers vers la fin de l'année. Ces contrats de performance ne règlent pas l'équilibre financier du système ferroviaire sur le long terme. C'est l'objet de la mission confiée à M. Jean-Cyril Spinetta. Le Gouvernement a annoncé que plusieurs points qui nous semblent très importants seraient traités, notamment la dette et l'avenir des gares, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence.

Il y a deux sujets liés à l'Europe très importants. Le premier sujet est technique et concerne essentiellement l'ERTMS. Les systèmes de signalisation actuels ont été inventés dans la première moitié du vingtième siècle. Ils ont fait leurs preuves, mais ils sont très rigides et ne maximisent pas l'utilisation des infrastructures. Avec l'ERTMS niveau 2, il sera possible de changer radicalement l'organisation et la commande contrôle des trains. La prise en compte des accélérations et des freinages réels des trains permettra une remise en situation nominale plus rapide après chaque incident. Le nombre de minutes perdues sera divisé par deux. La qualité de service s'en trouvera grandement améliorée. De plus, il sera possible de réduire l'espacement entre les trains et donc de faire circuler davantage de trains sur le réseau. La transition entre les systèmes existants et ce nouveau système est un enjeu essentiel. Le système ERTMS 2 représente l'avenir du réseau ferré classique existant, qui représente 30 000 kilomètres de voies, à un double titre.

D'abord, ce système garantira une utilisation bien meilleure des parties du réseau les plus fréquentées et les plus saturées, tant du point de vue de la qualité de services que de celui de sa capacité. Il est donc essentiel de le développer. Mais la transition entre les systèmes nationaux existants et ce système européen implique d'investir dans ERTMS 2 tout en poursuivant la maintenance et l'entretien du système de signalisation existant. Or, d'une part, le nouveau système est onéreux, ainsi que le relève le rapport de la Cour des comptes européenne ; et d'autre part, le système de signalisation existant, vieillissant, tombe souvent en panne – les deux tiers des incidents survenant sur le réseau trouvant en effet leurs origines dans un problème de signalisation. Il est donc extrêmement important que l'Union européenne soutienne financièrement l'installation d'ERTMS niveau 2 pour pouvoir le déployer relativement rapidement sachant que le transport ferroviaire s'inscrit dans un temps lent.

Ensuite, ce système fixera un standard européen non seulement en matière d'interopérabilité entre les systèmes nationaux, mais encore en matière de standards industriels de ces systèmes. Aujourd'hui, nous disposons en effet de systèmes de signalisation propres à chaque pays qui constituent autant de marchés nationaux de dimension limitée. La standardisation au niveau européen des systèmes industriels permet de développer un marché à cette échelle, et donc à terme de baisser le coût du ferroviaire et de le rendre plus compétitif.

S'agissant de l'ouverture à la concurrence, le groupe SNCF l'expérimente depuis longtemps, qu'il s'agisse de la concurrence intermodale avec la voiture, avec l'avion ou bien de la concurrence intramodale concernant le fret, même si cela n'a pas constitué une grande réussite. Aujourd'hui, ainsi qu'en atteste notre double présence ce matin devant votre commission, l'autonomie et l'indépendance en matière d'attribution de sillons et de gestion des facilités essentielles sont un fait, même si nous nous trouvons dans un groupe unifié. L'autonomie et l'indépendance des équipes dans la gestion du réseau sont primordiales : elles permettent de tenir compte de chaque entreprise ferroviaire sans en privilégier l'une au détriment de l'autre.

Le quatrième paquet va ouvrir le transport de voyageurs à la concurrence. Pour SNCF Réseau, cette ouverture à la concurrence constitue une occasion de changer d'état d'esprit en faveur d'une culture client plus prononcée, alors qu'historiquement – il faut bien admettre – nous avons davantage privilégié l'attribution, l'administration et la gestion des sillons. Un tel basculement de culture est extrêmement important pour aider à rendre le système plus vertueux. Notre objectif est de disposer de davantage de trains sur le réseau et de trains de meilleure qualité.

J'en terminerai avec la question de la gouvernance organisée en trois EPIC. Tout d'abord, il faut bien avoir à l'esprit le caractère de « système » du transport ferroviaire, et ERTMS 2 en est un bon exemple. Le système de signalisation existant – fait de courants de voies, de signalisation latérale avec des feux, etc. – repose principalement sur des éléments au sol, c'est-à-dire qu'il incombe à SNCF Réseau. Le système ERTMS 2 constituera un changement radical puisqu'il comportera nombre de composants embarqués à bord, avec des ordinateurs de bord, des calculateurs sophistiqués et des télécommunications entre le bord et le sol. Ce nouveau système regroupera donc des installations au sol et des installations de bord, dont le coût n'est pas négligeable. Du point de vue technique, cela rend indispensable une bonne articulation entre les entreprises ferroviaires et le gestionnaire des infrastructures. Aussi le rôle de l'EPIC, dit de tête, est-il très important pour s'assurer que l'on ne va pas développer des systèmes incompatibles. La gouvernance mise en place revêt donc tout son sens dans cette perspective. Certes, elle peut présenter l'inconvénient d'ajouter une superstructure et donc des coûts non négligeables. Mais, avec Guillaume Pepy, nous avons lancé un grand programme de productivité, qui vise à baisser, à l'horizon de quatre ans, de 20 % les coûts sur l'ensemble des chaînes de services support. Concernant SNCF Réseau, je me suis engagé dans le contrat de performance avec l'État à réaliser un gain de productivité d'1,2 milliard d'euros d'ici dix ans et de 500 millions d'euros dans les cinq premières années.

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