Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du lundi 13 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous nous retrouvons ce lundi pour examiner ce projet de loi de finances rectificative en nouvelle lecture, une semaine exactement après son examen en première lecture par notre assemblée.

Mon propos sera organisé en trois points.

Premier point : comment a-t-on pu en arriver là ? Comment expliquer à nos concitoyens que l'État français ait mis en place en 2012 une contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés non conforme à la Constitution ? Comment comprendre, par ailleurs, qu'il ait fallu attendre le 6 octobre 2017, date de la décision du Conseil constitutionnel, pour s'apercevoir – en les prenant de plein fouet – des conséquences de ces cinq années de prélèvements indus ?

Pourquoi n'y a-t-il pas eu de réaction aux signaux, aux alertes, aux questions des quelques personnes ayant, à cette époque, réagi, fait état de leurs craintes, de leurs doutes ? Je pense notamment, à ce propos, à Gilles Carrez et Charles de Courson, qui étaient intervenus dès 2012 sur ce sujet, en alertant contre les risques.

Quelles sont les raisons de l'insuffisance des analyses, au niveau de l'État, à propos de l'arrêt « Groupe Steria SCA » de la Cour de justice de l'Union européenne, en date du 2 septembre 2015, qui délie l'objectif principal du régime d'intégration fiscale et les avantages directs qui lui sont rattachés ?

Vous avez vous-même, monsieur le ministre, qualifié cette affaire de « scandale d'État » – ces mots sont forts. Vous avez commandé un rapport à l'Inspection générale des finances pour faire la lumière sur le sujet, ce dont je vous remercie. Ce rapport nous a été remis aujourd'hui. Je n'ai pu en parcourir que quelques passages ; cependant certains points m'étonnent.

Par exemple, aux pages 30 et 31, nous apprenons que « Par une note au ministre datée du 19 juin 2015, la DLF [ la direction de la législation fiscale ]– a alerté le cabinet du ministre des finances et des comptes publics » mais que « malgré le caractère alarmiste de cette note [… ] aucune adaptation du dispositif n'est envisagée ». J'insiste sur le fait que c'est Marie-Christine Petit elle-même, cheffe de l'Inspection générale des finances, qui qualifie cette note d' « alarmiste ».

Il n'y aura toutefois pas de réaction jusqu'au 11 octobre 2016, soit près de quinze mois plus tard. Pourquoi cette inertie de quinze mois sur un problème majeur ? Au regard de l'importance des sommes en jeu, cette question ne doit pas rester sans réponse.

Vous avez fait état, monsieur le ministre, de pistes de travail pour qu'une situation de cette nature ne se reproduise pas : je m'en réjouis. Je me réjouis également des propositions incluses dans le rapport de l'IGF, notamment celle d'un renforcement de la sécurité juridique par le moyen d'un inventaire et d'un suivi des contentieux en matière fiscale.

Deuxième point : l'extrême rapidité de la procédure retenue pour le présent projet de loi de finances rectificative pour 2017. Pour solder ces 10 milliards d'euros, le Gouvernement, qui avait déjà provisionné 5,7 milliards d'euros, a décidé de mettre en place deux surtaxes exceptionnelles assises sur l'impôt sur les sociétés. En quelques jours, dans une grande précipitation, un projet de loi de finances rectificative prévoit de mettre à contribution les grandes entreprises pour trouver 5 milliards d'euros dans l'urgence.

Nous avons eu moins de deux jours francs pour amender le texte en première lecture, et seulement trente minutes, après l'échec de la commission mixte paritaire, pour amender le texte issu du Sénat avant son examen par la commission des finances de l'Assemblée. Gilles Carrez l'a dit et répété : nous n'avons jamais connu d'examen mené à tel point au pas de charge ! Ce ne sont vraiment pas des conditions propices pour que le Parlement effectue un travail sérieux.

Le Gouvernement n'a pas fait preuve de la même rapidité pour actualiser le scénario macroéconomique sous-jacent au projet de loi de finances rectificative, alors que vous-même, monsieur le ministre, avez déclaré le 2 novembre dernier que les derniers chiffres de la croissance sont très bons, et ajouté que la croissance cumulée atteint d'ores et déjà 1,7 %. Une hypothèse de croissance à 1,8 % est donc probable, ce qui se traduirait par un effet positif de 1,4 milliard d'euros sur le solde public.

Mais vous imposez, sans tenir compte de cet effet bénéfique, une surtaxe exceptionnelle aux 320 plus grandes entreprises françaises, qui devrait rapporter 5,4 milliards d'euros. Monsieur le ministre, il est encore temps : êtes-vous disposé à revoir les prévisions et hypothèses macroéconomiques avant de fixer les taux de ces contributions exceptionnelles ?

Troisième point : cette contribution sera profondément injuste pour certaines entreprises. De plus, elle n'envoie pas un bon signal. Alors que les entreprises demandent de la lisibilité et de la stabilité, alors qu'elles souhaitent pouvoir anticiper, prévoir, le Gouvernement change les règles du jeu en cours de partie.

Enfin, je voudrais vous poser une question, monsieur le ministre : la mise en place d'une contribution valable pour une seule année n'aura-t-elle pas une influence sur les choix comptables et fiscaux des entreprises pour l'arrêté des comptes 2017 ? Le groupe LR avait proposé de lisser ces deux contributions sur deux années, afin d'éviter une taxation trop brutale en 2017 et d'amoindrir les effets d'optimisation fiscale. Monsieur le ministre, avez-vous pris en considération les facteurs comptables par lesquels les entreprises pourraient optimiser leurs bases fiscales entre 2017 et 2018 ?

En espérant avoir des réponses à mes questions, je veux rappeler, en manière de conclusion, que l'impôt doit être juste, équitable, stable et équilibré : plus que jamais, nous devons y veiller.

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