Intervention de George Pau-Langevin

Séance en hémicycle du lundi 13 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Enseignement scolaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin :

Le projet de loi de finances pour 2018 nous propose, pour la mission « Enseignement scolaire », un budget qui demeure le plus important de la nation, et c'est une bonne chose. D'après ce que nous avons compris, ce budget est bâti selon le schéma dominant d'une école efficace qui veut que chaque élève, à la fin du primaire, sache lire, écrire et compter. Nous sommes évidemment tous pour cet objectif, mais la question est de savoir comment s'assurer de l'atteindre. Une école efficace est-elle toujours une école juste ? Le problème essentiel est-il de faire mieux réussir les meilleurs – nous le faisons assez bien dans ce pays – ou d'aider à combler les inégalités dont le système éducatif français est champion ? L'orientation qui consiste à relancer des classes de latinistes ou d'hellénistes ou encore des classes bilangues pour quelques-uns plutôt que d'apprendre plus tôt une seconde langue nous interpelle. L'efficacité scolaire est-elle toujours garante de l'équité ? L'école efficace est-elle celle du bien-être et du développement de l'autonomie des élèves ?

Le plan « 100 % de réussite au CP », avec le choix des CP dédoublés dans les REP+, ne suscite pas d'opposition car il participe d'un choix raisonné pour les élèves et les secteurs défavorisés. Toutefois, monsieur le ministre, vous qui êtes un expert, vous oubliez de rappeler que dans l'histoire de l'éducation nationale, il y a déjà eu des classes à douze élèves : ces « classes de perfectionnement », avec des maîtres spécialisés pour les enfants en difficulté, ont montré que la diminution d'effectifs n'était pas en soi une réponse suffisante pour remédier efficacement aux difficultés des élèves, et que les méthodes et le choix des enseignants comptaient aussi. Nous devons donc maintenir la formation que certains de vos prédécesseurs avaient supprimée. Pour diviser les classes par deux, il faut également disposer d'un nombre suffisant de locaux et de personnels à mettre face aux élèves. Ce que nous craignons, c'est que pour dédoubler les classes, l'on assèche le dispositif « plus de maîtres que de classes », mis en place auparavant et plébiscité par les équipes.

Par ailleurs, laisser aux acteurs le choix de conserver la semaine de quatre jours et demi ou de revenir aux quatre jours ne nous semble pas aller dans le sens de l'intérêt des enfants. Toutes les études que nous avons consultées à ce sujet soulignent combien la concentration des apprentissages sur quatre jours est néfaste pour les enfants, surtout pour les plus défavorisés d'entre eux – qui sont aussi ceux qui ont les activités périscolaires les plus étiques. L'OCDE avait noté que la réforme des rythmes éducatifs allait dans le bon sens. Nous marquons là un point d'arrêt et cela nous alerte pour l'avenir de nos jeunes. En outre, la diminution d'une matinée ne semble pas contrebalancée dans le budget par une augmentation suffisante des mesures d'accompagnement. Le montant des autorisations d'engagement prévues pour les actions éducatives complémentaires aux enseignements et la vie scolaire – un sujet sensible – est plutôt de nature à nous inquiéter. Si dans le secondaire, une mesure comme « Devoirs faits » nous semble juste et conforme aux réformes initiées auparavant, nous nous demandons en revanche si les budgets nécessaires pour un accompagnement efficace sont toujours au rendez-vous.

Le numérique est aussi indispensable pour que notre système éducatif se mette à l'heure du vingt et unième siècle. En 2017, un important effort a été réalisé dans ce domaine, notamment dans le cadre du programme d'investissements d'avenir, mais l'on ne voit pas ce qui est prévu pour continuer en ce sens en 2018. Et la grande oubliée du PLF est la médecine scolaire. Voilà des années que nous avons du mal à faire face à cette crise sanitaire, qui s'aggrave. Aujourd'hui, nous savons que les postes n'ont pas été pourvus parce que la situation des médecins scolaires n'est pas suffisamment attrayante en matière de revenus, d'indemnités et de prise en charge des frais. Comment comptez-vous revaloriser ce métier si important pour la prévention et la santé de nos enfants ? Non diagnostiqués à temps, les troubles visuels et auditifs peuvent s'opposer à la réussite scolaire.

Enfin, dans le sillage de l'intéressant rapport de Mme Lang sur la scolarisation des enfants allophones, comment l'école de la République peut-elle progresser dans ce domaine ? Comment améliorer le suivi des décrocheurs, toujours très nombreux, et la prévention de la radicalisation ?

Pour toutes ces raisons, notre groupe demeurera très vigilant sur les améliorations qu'il convient d'apporter à ce budget qui pour l'instant, s'agissant en tout cas de ses orientations, ne nous semble pas totalement à la hauteur des enjeux cruciaux qui sont devant nous.

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