Intervention de Staffan de Mistura

Réunion du mercredi 11 octobre 2017 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Staffan de Mistura, envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la Syrie :

Le départ de Bachar al-Assad est-il ou non une priorité ? Pendant six ans, tout semblait tourner autour de la nécessité de son départ, vu comme une manière de résoudre tous les problèmes. Première observation : rien n'a prouvé que les départs de Saddam Hussein et de Mouammar Kadhafi ont résolu tous les problèmes de leurs pays respectifs. Deuxième observation : Bachar al-Assad n'est pas parti ; il est là et assez sûr de lui-même. Au lieu de répondre, je vais demander aux Syriens de le faire, en leur donnant la garantie qu'ils ne seront pas arrêtés, battus et tués s'ils ne sont pas d'accord avec M. al-Assad. Cela signifie que les élections doivent être gérées par l'ONU. Si Assad acceptait les élections, nous pourrions anticiper et travailler dans le but d'obtenir un partage du pouvoir dans ce pays.

Les réfugiés doivent naturellement participer aux élections. Ce n'est pas difficile. Évidemment, c'est une perspective qui mécontente Bachar al-Assad. Quand je lui en ai parlé, il a dit que les votants devaient être dans le pays et avoir une carte d'identité. Il n'en est pas question. Les réfugiés sont des citoyens syriens qui sont partis et qui ont beaucoup souffert. Nous les connaissons puisqu'ils sont enregistrés par l'ONU en tant que réfugiés. Ils doivent participer et nous devons leur donner l'occasion de le faire. Qui doit diriger la Syrie ? Les élections devraient permettre de répondre à cette question mais il ne faut pas qu'il y ait une période de vide. Comme on a pu le constater en Libye et ailleurs, tout vide est aussitôt rempli par Daech ou par les drapeaux noirs d'al-Nosra.

Les Russes ont déployé des batteries de missiles S-400 – qu'ils sont d'ailleurs en train de vendre partout avec un certain succès – pour deux raisons principales. Tout d'abord, ils veulent éviter que les Turcs ne changent encore une fois d'avis. Ensuite, ils veulent rappeler aux Occidentaux qu'il y aurait un prix à payer si ceux-ci avaient la tentation d'être trop actifs en Syrie. Au temps où il évoquait sa fameuse ligne rouge, Obama aurait pu intervenir parce que les capacités de réponse étaient minimales. Actuellement, ce n'est plus le cas. J'imagine que ces batteries de dernière génération, assez efficaces, sont installées là-bas pour équilibrer les rapports de force.

Les Kurdes doivent faire partie du présent et du futur de la Syrie car ils représentent une partie importante de la population – je ne vais pas citer de chiffres parce qu'il en circule plusieurs. Leur participation sera essentielle lorsqu'il y aura des discussions sur la nouvelle constitution. Après ce qu'ils ont fait pour nous libérer de Daech, on ne peut pas imaginer qu'ils soient ignorés au moment où il sera question d'élections et de constitution.

Comment Daech est-il devenu aussi puissant ? Il me faudrait au moins quarante-cinq minutes pour vous l'expliquer. Un jour, dans un livre écrit par quelqu'un d'autre que moi, on trouvera beaucoup d'explications sur la manière dont ce monstre a été créé et aidé pour de mauvaises raisons. Comme tous les monstres, il est devenu dangereux pour tout le monde, y compris pour ceux qui ont contribué à le créer.

Punir les responsables, disions-nous. En Irak, j'ai visité les palais présidentiels et j'ai fait un rapport au Conseil de sécurité. Kofi Annan a pu venir en Irak et se rendre compte qu'il n'y avait pas de bombes atomiques ou d'armes chimiques dans les huit palais que j'avais visités. Paranoïaque comme il l'était, Saddam Hussein n'aurait jamais mis de l'aflatoxine dans son palais. Souvenez-vous, il en avait entreposé dans le poulailler d'une ferme. À l'époque de ces contrôles, il avait déjà tout détruit mais il ne voulait pas l'admettre car il voulait continuer à faire peur à son peuple et aux Iraniens. C'est un paradoxe tragique. Tarek Aziz disait la vérité lors de cette interview et j'ai beaucoup regretté qu'il soit mort en prison parce que, finalement, ce n'est pas lui qui avait pris les décisions les plus terribles. C'était un homme comme il y en a d'autres : il a servi son tyran.

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