Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mardi 7 novembre 2017 à 16h30
Commission des affaires sociales

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

La question de Mme Fabre rejoint en partie celle de Mme Lecocq. La sensibilisation, la formation et la montée en compétence des acteurs sont essentielles.

Comme toujours en matière de conduite du changement, il faut que les acteurs aient les moyens de s'approprier celui-ci. J'ai déjà parlé de la mission Simonpoli-Gateau, mais le rôle des branches dans la valorisation des compétences est également très important. Dès que la loi de ratification et, surtout, l'ensemble des ordonnances seront publiés, nous devrons renforcer la sensibilisation des entreprises mais aussi des salariés et des organisations syndicales : les carrières des élus seront mieux reconnues et une formation sera proposée.

J'ai moi-même rencontré beaucoup de directeurs des ressources humaines, en quelque sorte pour les responsabiliser, ils ont tous reconnu que c'était effectivement, aujourd'hui, un point faible du dispositif et qu'il fallait y remédier ; on ne peut pas demander un renforcement du dialogue social sans garantir et valoriser les perspectives de carrière de ceux qui s'impliquent. De même, les organisations syndicales rencontrent aujourd'hui des difficultés pour recruter au sein des jeunes générations et les inciter à s'impliquer. Nombreux sont les salariés qui exerceraient volontiers un mandat mais ne veulent pas prendre, pour la vie, une voie sans retour. Jusqu'à présent, dans les faits, c'est ce qui se passe – même si, en droit, ce n'est pas le cas.

Tous les concours et tous les efforts de sensibilisation seront les bienvenus, notamment sur le terrain. Des communications nationales, c'est bien, mais le plus efficace, c'est quand même le travail de terrain. La discussion doit avoir lieu dans les entreprises, dans les organisations syndicales. C'est évidemment là une invitation lancée à toutes les bonnes volontés.

Dans le domaine des transports, monsieur Lurton, beaucoup de négociations ont lieu au niveau de la branche entre patronat et syndicats, qui s'accordent pour ne rien changer. Nous ne pouvions pas créer, par voie législative, une situation différente selon les branches et nous avons considéré qu'il n'était pas souhaitable de modifier les ordonnances. Pour de nombreuses raisons, que je ne détaillerai pas ici, l'habitude était prise, dans ce secteur, d'appeler primes des tas de choses qui étaient en fait plutôt des compléments de salaire – quand l'attribution d'une prime est automatique et générale, c'est plutôt un complément de salaire qui cache son nom qu'une prime. Ma collègue Élisabeth Borne, ministre chargée des transports, et moi avons donc incité organisations patronales et syndicales à intégrer ces compléments de salaire dans les minima de salaires ; c'était plus cohérent, plus logique. Elles se sont engagées à renégocier leur convention collective pour le faire. Ainsi, la situation est parfaitement conforme à ce que les ordonnances prévoient. Nous n'avons pas d'autres demandes d'accords de branche, car tout le monde a bien compris qu'il s'agissait là d'une spécificité de la branche des transports, qui ne justifiait pas une exception ; il s'agissait simplement d'appeler par leur nom des compléments de salaire.

Compte tenu du renforcement du rôle des branches, les accords d'entreprise permettront-ils bien de faciliter les variations d'activité ? Oui. Pour répondre à la demande des partenaires sociaux, notamment des organisations syndicales, nous avons décidé que relèveraient de l'accord de branche nombre de sujets qui en relevaient déjà ou qui relevaient de la loi. Ils concernent l'encadrement du travail, mais non l'encadrement de l'activité de l'entreprise. Tout le monde comprend très bien que les minima sociaux, les classifications, les règles de la mutualisation en matière de prévoyance ou de formation professionnelle ne peuvent pas varier d'une entreprise à l'autre ; des minima ou des classifications définis entreprise par entreprise n'auraient d'ailleurs pas de sens. Ces questions sont de la compétence de la branche. Nous avons ainsi donné une nouvelle compétence aux branches, en matière de gestion et qualité de l'emploi, et nous avons renforcé son rôle en matière de carrières syndicales et d'intégration de travailleurs handicapés. En revanche, ce qui est lié à l'activité directe des entreprises, laquelle requiert une forte adaptabilité et beaucoup de réactivité, ne peut être décidé au niveau de la branche. Il faut pouvoir saisir un marché très rapidement, organiser le temps de travail, se mettre d'accord avec les organisations syndicales et les élus du personnel sur l'organisation, il faut former les salariés, voire en recruter. Ce n'est pas au niveau de la branche que l'on peut faire preuve de cette agilité, puisqu'un accord requiert un ou deux ans de négociations et qu'il s'applique ensuite uniformément partout.

Il est plus approprié de traiter au niveau de la branche certains sujets qui touchent aux droits et à la protection des salariés, au rôle des uns et des autres ou à des intérêts communs, comme la mutualisation de la formation et de la prévoyance. Au niveau de l'entreprise, le dialogue social doit permettre de s'adapter très rapidement et de faire preuve de cette agilité qui permet de créer de l'emploi – si on ne peut pas saisir des marchés, faute de pouvoir s'adapter rapidement, on ne peut pas saisir les chances de créer des emplois.

J'ai oublié de répondre à une question de M. Quatennens. La récente étude de la DARES conforte tout à fait notre réforme, monsieur le député : 50 % des établissements, notamment ceux qui comptent moins de dix salariés, invoquent le poids de la réglementation comme un frein à l'embauche, et plus de six établissements sur dix utilisent les CDD comme un moyen de tester les compétences du salarié et, surtout, de limiter les risques en cas de ralentissement de l'activité.

Avant les ordonnances, le recours parfois très important aux CDD et à l'intérim, donc à la flexibilité externe du travail, résultait souvent du sentiment qu'une adaptabilité interne était impossible. Maintenant que par le dialogue social, on peut avoir cette adaptabilité interne, nous en attendons des effets sur l'emploi, non seulement quantitatifs mais aussi qualitatifs. Le recours aux CDD et l'intérim doit vraiment être lié à un surcroît d'activité ou à des circonstances temporaires, et non servir d'espèce d'assurance de flexibilité parfois excessive, mais nous y reviendrons dans quelques mois, quand nous parlerons de l'assurance chômage.

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