Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mardi 7 novembre 2017 à 16h30
Commission des affaires sociales

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Finalement, madame la députée Peyron, nous avons décidé de limiter la durée des mandats à douze ans au total. Ainsi, il sera possible de faire six mandats de deux ans. Nous avons en outre prévu qu'il serait possible, à la suite d'un accord majoritaire, d'aller au-delà. Dans certaines PME, il est effectivement difficile de trouver des candidats. Le pire serait d'en manquer à l'issue des douze ans, mais l'idée est effectivement que les élus du personnel puissent reprendre une carrière professionnelle hors mandat, ce qui est aujourd'hui très difficile. Il s'agit aussi de traiter l'une des probables raisons de la désaffection de nombreux salariés pour les syndicats. Au bout d'un moment, quelqu'un qui n'exerce plus son métier n'est plus considéré par les autres comme autant représentatif ; même s'il les écoute attentivement, il ne fait plus tout à fait partie de la même communauté. Il est de l'intérêt de tous que les mandats ne soient pas des mandats à vie – ce n'est pas à l'Assemblée nationale que je dirai le contraire. Il faut donc donner aux délégués les moyens de poursuivre leur carrière.

La formation est effectivement un sujet très important. En ce qui concerne la formation des élus, nous avions une espèce d'usine à gaz, qui ne fonctionnait pas bien. En gros, les entreprises devaient s'adresser à une organisation paritaire pour demander le remboursement du maintien de la rémunération. Le système était très lourd, très compliqué et ne pouvait réellement s'appliquer. Nous avons un peu simplifié : la formation est prise en charge et l'employeur maintient le salaire. Cependant, comment parvenir à plus de dynamisme dans les petites PME ? C'est l'un des objets de la mission Simonpoli-Gateau.

Je compte beaucoup, aussi, sur les observatoires départementaux – quand je parle d'appui au dialogue social, cela consiste aussi à veiller à ce que l'ensemble des acteurs puisse avoir accès à la formation. La loi garantit le droit à cette formation ; encore faut-il que l'organisation de celle-ci permette le plein exercice de ce droit par tous.

Oui, monsieur le député Vercamer, nous avons prévu que le plafonnement des dommages et intérêts aux prud'hommes ne s'appliquerait pas dans le cas des atteintes à des libertés fondamentales, du harcèlement ou de la discrimination. L'actualité de ces dernières semaines le montre : avec le harcèlement, il s'agit non pas simplement de perte d'emploi mais aussi d'atteintes à l'intégrité de la personne. Cela peut avoir des conséquences lourdes et durables. Il nous a paru nécessaire de distinguer ces situations.

Peut-être certains avocats conseilleront-ils à tout le monde de s'engager sur ce terrain, mais le juge se fonde sur des faits. Je ne suis donc pas certaine que la tentation se fasse sentir bien longtemps. Et, comme nous l'avons bien vu dans le cas des ruptures conventionnelles, chaque fois que le droit est clair pour les deux parties, cela pousse à la conciliation. Attendre deux ans un jugement aux prud'hommes, comme c'est parfois le cas, peut être extrêmement pénalisant pour le salarié, qui a perdu son emploi et ne peut se projeter, et pour la petite entreprise, qui ne sait plus si elle peut embaucher ou non. De ce point de vue, les barèmes sont une bonne chose. Dans les cas de discrimination ou de harcèlement, il faut raisonner autrement et le juge se prononce selon les faits.

La question évoquée par Mme Martine Wonner me tient vraiment à coeur. En 2010, Henri Lachmann, président de Schneider Electric, Christian Larose, de la CGT, et moi-même avons rendu un rapport sur le bien-être et l'efficacité au travail. Nous avons procédé à de nombreuses auditions et montré qu'il y avait un lien entre, d'une part, le bien-être et la prévention des risques sociaux et, d'autre part, l'efficacité au travail. Il ne faut pas opposer les deux, bien au contraire. Hélas, nombreuses sont les entreprises où cette réalité n'est pas parfaitement assimilée, car il n'est pas si simple d'évoquer le sujet. La prévention des risques psychosociaux tient pour partie aux comportements mais aussi, dans une mesure très importante, à l'organisation de l'entreprise, à des éléments structurels, de la gouvernance au management et au signalement des risques. La démarche préventive est essentielle, même si ce n'est pas notre objet principal cet après-midi. Je suis également très attentive à la médecine du travail, qui s'oriente désormais beaucoup plus vers la prévention. C'est une bonne chose, mais beaucoup de postes sont vacants, faute non de financement mais de candidats. Ma collègue Agnès Buzyn et moi-même allons nous pencher sur le sujet, car ce sont souvent des tiers neutres qui aident. Lorsque la prévention est satisfaisante dans une entreprise, c'est parce qu'une organisation syndicale, le médecin du travail, le management ou les salariés eux-mêmes signalent des risques. Une prise en charge assez rapide évite alors que la situation ne devienne grave. Quoi qu'il en soit, je mets l'accent sur la prévention ; cela vaut aussi pour la politique de santé. Les risques physiques régressent, mais la prévalence des risques psychosociaux augmente, non sans rapport avec l'évolution des métiers et de l'organisation du travail. Nous allons travailler sur le sujet, car je crois comme vous, madame la députée, que c'est la prévention qui importe le plus en cette matière.

Quant aux élections dans les entreprises comptant entre onze et vingt salariés, nous avons voulu privilégier le pragmatisme. Aujourd'hui, seule une entreprise sur cinq de cette catégorie a un élu. Les autres étaient jusqu'à présent tenues d'organiser des élections même en l'absence de candidat – et le mandatement ne fonctionne pas, il n'a jamais fonctionné. Nous avons renversé cette logique très formelle et un peu incompréhensible, tant pour les salariés d'ailleurs que pour les entreprises de petite taille : c'est seulement si un candidat potentiel se déclare que l'employeur doit organiser des élections, le candidat étant bien sûr protégé contre le licenciement. Le droit est donc préservé.

Pourquoi y a-t-il si peu de délégués syndicaux dans les petites entreprises – 4 % seulement dans les entreprises de moins de cinquante salariés ? D'abord parce qu'il est très difficile pour les organisations syndicales d'aborder les salariés dans 1,3 million d'entreprises. Concrètement, il n'y a pas de contact direct. Nous allons faciliter les choses en prévoyant de rendre accessible dans toutes les entreprises l'adresse non seulement de l'inspection du travail – souvent son adresse électronique – mais aussi des organisations syndicales du département.

Par ailleurs, la culture de la négociation porte en elle-même une vertu : on croit à la négociation. Nous avons permis aux entreprises de moins de cinquante salariés de pouvoir négocier, même si elles n'ont pas de délégué syndical. Sans cette mesure – c'était un comble – les salariés des petites entreprises auraient eu un moindre pouvoir de représentation et de négociation que dans les grandes. La progression de la taille des entreprises et de la culture de la négociation nous amèneront à constater, dans quelques années, une augmentation du recours aux organisations syndicales.

Mais, encore une fois, cela ne se décide pas par décret ou par la loi : cela se fait grâce au changement permis par la loi. C'est cette dynamique que nous avons voulu encourager.

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