Intervention de Hervé Saulignac

Séance en hémicycle du lundi 27 juillet 2020 à 16h00
Bioéthique — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Saulignac, rapporteur de la commission spéciale :

Le projet de loi relatif à la bioéthique sera donc examiné avant la trêve estivale. Je m'en félicite car il consacre des droits nouveaux. Si la crise que traverse notre pays appelle évidemment la mobilisation de toutes nos forces, elle ne doit pas imposer de mettre entre parenthèses ce qui a été engagé au mois d'août 2019 par notre assemblée, à moins d'instiller le doute sur les intentions de celles et ceux qui défendent ce texte. Gageons que la navette parlementaire se poursuivra dans les meilleurs délais, pour que nos travaux s'achèvent dès 2021.

En ce qui concerne le titre dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur, le texte adopté par le Sénat s'est soldé par des améliorations notables qu'il faut saluer. Je ne m'attarderai pas sur les quelques différends qui demeurent à ce stade entre nos deux assemblées. Je préfère me réjouir qu'en commission spéciale, nous ayons fait le choix d'adopter plusieurs articles dans leur rédaction issue du Sénat ou assortis de quelques ajustements rédactionnels. Cela montre que le texte auquel nous avons abouti a atteint son juste équilibre.

Cette deuxième lecture a surtout été l'occasion pour notre commission spéciale d'approfondir deux sujets importants, introduits au Sénat par la voie d'articles additionnels. Je pense tout d'abord à l'article 7 bis, relatif au don du sang, que le Sénat a ouvert aux mineurs de 17 ans et à certains majeurs protégés. Par ailleurs, notre commission spéciale, après des débats passionnants, a fait le choix de réaffirmer solennellement le principe déjà posé dans la loi en 2016, qui dispose que « nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle ».

Malgré cette disposition, chacun sait que, dans la pratique, un délai d'abstinence spécifique est encore imposé aux hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. Depuis avril dernier, ce délai est réduit à quatre mois, ce qui constitue évidemment un progrès. Mais la discrimination demeure alors que son fondement s'est étiolé au fil du temps – si tant est que l'on puisse admettre qu'une discrimination soit fondée. Comment expliquer qu'un homme, en couple depuis de nombreuses années avec un autre homme, soit exclu du don de sang s'il a eu un rapport sexuel avec son conjoint dans les quatre derniers mois ? Dès lors que le comportement sexuel comporte un risque identique pour un donneur, qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel, comment admettre que le questionnaire préalable au don traite différemment les uns et les autres ? Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, vous aviez d'ailleurs fait la même analyse en 2013 dans un rapport. Je vous cite : « L'erreur consiste à se limiter à la sexualité alors même que c'est le comportement sexuel qui peut être à risque, quelle que soit l'orientation sexuelle par ailleurs. » Je suis, évidemment, on ne peut plus d'accord avec cette affirmation.

Bien sûr, le principe de précaution doit être respecté. Le don du sang n'est pas un droit et il est de notre devoir d'assurer la sécurité des receveurs. C'est bien cette double exigence que doit satisfaire le législateur : rechercher l'universalité du don et assurer la sécurité sanitaire du receveur. Nous devons nous appuyer sur des faits scientifiquement avérés. Une note publiée en avril dernier par Santé publique France a estimé les conséquences de l'alignement des critères. Le risque résiduel lié au VIH atteindrait, pour les dons, 1 sur 4,3 millions, soit un niveau de sécurité trois fois plus élevé qu'il y a vingt ans. La même étude estime par ailleurs que cet alignement correspondrait à 3 122 donneurs supplémentaires. Le temps est donc venu pour la représentation nationale de dire que ce risque est désormais si faible que plus rien ne s'oppose à la suppression du délai d'abstinence spécifique aux hommes homosexuels, conformément à un État de droit inclusif que vous avez appelé de vos voeux tout à l'heure, monsieur le garde des sceaux.

Nous avons adopté très largement en commission un amendement cosigné de manière transpartisane par une centaine de députés et soutenu par cinq présidents de groupes. Je les remercie toutes et tous et vous invite à confirmer ce vote dans quelques heures.

Sur un tout autre sujet, le Sénat a également adopté un article additionnel relatif au don du corps à la science, à la suite du scandale macabre qui a entaché le centre du don des corps de l'université Paris-Descartes. Cet article 7 ter vient combler un vide juridique inquiétant. En effet, alors que la loi encadre strictement le don d'organes, elle ne dit absolument rien sur le don du corps à la science. En commission, nous sommes allés plus loin que la simple autorisation administrative prévue par le Sénat, avec pour objectif de mettre fin à certaines pratiques pour le moins hétérogènes selon les centres. Ainsi, rien n'est prévu par le droit sur le devenir des corps donnés. En particulier, tous les centres n'acceptent pas de rendre les cendres à la famille.

Sur un sujet moins fondamental mais qui a également son importance, de nombreux établissements semblent mettre à contribution les familles des donateurs en leur facturant des frais de participation, qui correspondent en réalité aux frais de transport des corps vers l'établissement. La commission spéciale a adopté, à mon initiative, un amendement allant dans le sens d'une plus grande clarification de ces questions.

De nouveaux débats passionnants nous attendent sur l'ensemble de ces sujets. C'est donc avec enthousiasme mais aussi, vous l'avez compris, avec une forme d'espérance que j'aborde cette deuxième lecture.

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