Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du mercredi 29 juillet 2020 à 15h00
Bioéthique — Article 1er

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

Il ne vous aura pas échappé, mesdames et messieurs les députés, que j'ai pris, en tant que ministre, ce texte en cours de route : il a été préparé par Agnès Buzyn, qui m'a précédé dans mes fonctions actuelles, ainsi que par Frédérique Vidal et Nicole Belloubet, alors garde des sceaux. Il a également été discuté entre le Président de la République et les membres du gouvernement de l'époque. Je crois profondément que le travail qui a été réalisé sur ce texte, avant qu'il ne vous soit proposé, a permis de mesurer pleinement les enjeux inhérents à ces sujets qui provoquent des débats d'envergure, voire un clivage, parce qu'ils font appel à la conscience ou aux inclinaisons naturelles de chacun, ainsi qu'à des choix idéologiques.

J'ai été amené, auparavant, en tant que parlementaire, à me prononcer sur plusieurs enjeux du texte, notamment sur la question, qui est arrivée par voie d'amendement parlementaire, de la PMA post-mortem. Ceux qui étaient comme moi, lors de la première lecture, membres de la commission spéciale le savent : ma religion n'était pas faite a priori en la matière. J'ai écouté, j'ai lu, j'ai regardé, j'ai débattu avec vous, et s'il est possible d'hésiter sur certains points d'un texte d'une telle nature, en raison de marges d'incertitude, ma conviction profonde au moment de voter était forgée et elle demeure la même aujourd'hui : je suis opposé à la PMA post mortem sur la forme et sur le fond, même si je comprends qu'elle puisse faire débat et qu'il ne me revient pas de contester la légitimité de qui que ce soit en la matière.

À mes yeux, il y a des progrès qui n'en sont pas : je ne parlerai donc jamais comme d'un progrès de cette méthode pour les femmes et, encore moins, pour les enfants. Nous parlons d'une femme qui se retrouve veuve, à la suite d'un traumatisme, qui peut avoir été brutal, comme un accident, ou d'une maladie, alors qu'elle était engagée dans une PMA. Cette femme est marquée par le deuil et la douleur : elle peut être forte, libre, indépendante, elle peut ne subir aucune pression, il n'en reste pas moins qu'elle se trouve dans une situation particulière. Tous ceux qui ont connu un tel deuil et la souffrance qui l'accompagne savent qu'il s'agit d'un moment très particulier, je le répète, qui demande qu'on arrête quelque temps le cours normal de sa vie pour récupérer et repartir plus fort.

Que nous disent par ailleurs les chiffres ? Que plus de 80 % – hélas – des PMA engagées se soldent par une fausse couche, c'est-à-dire par un échec. Plus de 80 % des femmes qui s'engageraient dans une démarche de PMA post mortem auraient donc à subir dans les semaines ou les mois qui suivent la mort de leur conjoint une fausse couche, précoce ou tardive. Il n'est pas possible de considérer qu'il ne s'agit pas d'un traumatisme supplémentaire.

On peut bien sûr arguer qu'une femme est libre de ses choix et que, si elle veut prendre le risque de subir un nouveau traumatisme, on n'a pas le droit de l'en empêcher. Je considère, malgré tout, qu'on prend le risque de fragiliser encore plus cette femme.

Un autre élément m'a permis de me forger une conviction : c'est, paradoxalement, le plaidoyer d'une femme qui avait malheureusement perdu son mari, mort d'une maladie chronique. Elle avait demandé à bénéficier d'une PMA avec les gamètes du défunt. Elle avait alors lu la lettre que son mari avait laissée à son intention. J'en retiens, en toute pudeur et en toute prudence, un seul paragraphe, sans porter aucun jugement : « Je souhaiterais vivement que ma femme puisse utiliser les embryons que nous avons conservés, parce que, de là-haut, je serais le plus heureux de voir tout cela. » Il est possible de considérer ces lignes comme une marque d'amour ; on peut aussi considérer qu'une femme, qui vient de perdre un mari qu'elle aimait du fond de son coeur, subit une pression réelle lorsqu'elle les lit, même si elles ne constituent pas une pression familiale ou sociale.

L'avis du Gouvernement, comme l'avis, monsieur le rapporteur, de la commission spéciale en première lecture et en deuxième lecture, et comme dans l'hémicycle en première lecture – c'est la quatrième fois que nous débattons du sujet – demeure formellement et fortement défavorable. Je tiens à ajouter que d'autres éléments du texte sont au moins aussi importants, qui concerneront des milliers, voire des millions de Français.

2 commentaires :

Le 10/08/2020 à 10:31, Laïc1 a dit :

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Créez des référendums pour les réveiller alors. Sinon ils se réveilleront en votant RN...

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 10/08/2020 à 10:33, Laïc1 a dit :

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Science sans conscience n'est que vote RN à l'arrivée.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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