Intervention de Pierre Person

Séance en hémicycle du mardi 14 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Person, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, chers collègues, la création, la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture sont au coeur de la politique du Gouvernement. Emmanuel Macron avait fait de ce triptyque un des axes de son programme : nous appliquons aujourd'hui la promesse qui a été faite aux Français.

Conséquence de ce choix politique : le budget français de la culture restera le deuxième budget de la culture en Europe. Depuis cinquante ans, les politiques culturelles ont développé l'offre et les équipements de manière remarquable, partout sur le territoire français. On relève ainsi soixante-treize scènes nationales, dix-huit salles d'opéra, quatre-vingt-dix-sept scènes de musique, 1 218 musées, ainsi qu'un réseau très dense de salles de cinéma et de librairies. Nous bénéficions d'un maillage d'équipements culturels unique au monde. La vitalité de la création artistique est exceptionnelle en France et il faut s'en féliciter.

Toutefois, le constat est flagrant : les inégalités d'accès à la culture sont persistantes malgré toutes les politiques menées en la matière. Selon la dernière étude de 2008, les pratiques culturelles en France demeurent intimement liées au niveau de diplôme et à la position sociale. Dans notre pays, les milieux sociaux les plus favorisés sont ceux qui ont les pratiques culturelles les plus intenses. Depuis les années soixante-dix, les fortes inégalités sociales et territoriales en matière d'accès à la culture demeurent, malgré les profonds changements liés au numérique ou à la massification scolaire.

Les chiffres sont saisissants : près d'un quart des Français n'a pas fréquenté l'année précédente d'équipement culturel. De plus, la majorité d'entre eux déclarent n'avoir que très peu d'intérêt pour la culture en général : ils lisent peu de livres, n'écoutent de la musique que rarement, n'ont jamais utilisé internet pour les trois quarts d'entre eux. Leur mode de loisirs reste largement centré sur la télévision.

Les milieux socio-professionnels les plus favorisés cumulent les avantages qui facilitent leur accès à la culture, tandis que les barrières persistent pour les plus défavorisés. Ces barrières sont polymorphes : principalement salariales, elles peuvent être géographiques dans les zones rurales, comme intimement liées à l'éducation de l'individu.

Le budget qui vous est présenté est construit sur ce constat. Au coeur de sa politique, il y a la volonté de démocratiser l'accès à la culture. À cette fin, nous devons prioriser le socle qu'est l'école : l'enjeu de l'accès à la culture se joue dès l'enfance. C'est pour cette raison que le ministère s'est fixé pour objectif que 100 % des enfants aient accès à l'éducation artistique et culturelle, qui sera renforcée à destination de la jeunesse, en particulier au bénéfice de ceux qui ont le moins et qui vivent dans des territoires où l'offre culturelle est faible.

Sur le champ particulier de la lecture, les études montrent que les inégalités entre élèves se sont creusées : si le rapport à la lecture a baissé généralement, l'écart entre les classes populaires et les populations plus diplômées s'est accentué. Une majorité au sein des classes populaires a perdu tout contact avec les livres. Afin de lutter contre l'accroissement de ces inégalités, de nouveaux moyens seront déployés pour financer le développement de la lecture : 13,4 millions d'euros y seront consacrés, soit une augmentation de 8,4 millions par rapport à 2017.

À cet égard, nous ne pouvons que saluer, en termes de méthode, la mission confiée à Erik Orsenna. En tant qu'ambassadeur de bonne volonté auprès de tous les acteurs, élus et professionnels intervenant dans le champ de la lecture publique, il lui reviendra de convaincre ces derniers d'une extension des horaires d'ouverture des bibliothèques.

Enfin, le Passeport culture sera un outil essentiel d'accompagnement de l'autonomie des jeunes. Il complétera le parcours d'éducation culturelle de l'enfant et de l'adolescent, en aidant au financement des activités culturelles. Ce dispositif sera doté d'une enveloppe de 5 millions d'euros pour 2018, afin d'atteindre 104 millions d'euros de financement de l'État en fin de quinquennat, montant qui sera complété par des financements privés.

La mise en oeuvre de ces politiques correspond à un changement de paradigme : le ministère de l'éducation nationale et le ministère de la culture travailleront conjointement à mettre en oeuvre ces priorités. Au niveau local, nous favoriserons le développement des conventions entre les établissements scolaires et les établissements culturels locaux afin de renforcer leurs liens. En 2018, nous poursuivons l'effort engagé à destination des conservatoires municipaux visant à les inscrire au coeur de nos politiques prioritaires.

La démocratisation de la culture ne passera que par des acteurs engagés. La France a massivement développé une offre nationale autour de grands opérateurs. À ce sujet, il convient de valoriser les actions hors les murs remarquables que mène la Philharmonie de Paris, notamment le programme Démos à destination des jeunes habitants des zones relevant de la politique de la ville ou des territoires ruraux. Soutenus par les crédits de l'État à hauteur de 1,5 million d'euros par an, trente orchestres se déploient sur notre territoire, et potentiellement cinquante nouveaux jusqu'en 2022.

Cependant, la démocratisation ne pourra se faire sans nos établissements nationaux et leur implication est trop souvent disparate. On peut ainsi regretter le faible nombre d'opérateurs qui ont signé un contrat pluriannuel d'objectifs. Il nous faudra dans le futur mieux objectiver la gestion des établissements publics, en valorisant ceux qui se rationalisent, mutualisent leurs fonctions, démocratisent leur accès et favorisent, via l'émergence de ressources propres, un modèle économique équilibré.

Mes chers collègues, j'approuve sans réserve le budget qui est alloué pour 2018 à la création, à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture. C'est un budget sanctuarisé, conformément aux promesses de campagne du Président de la République, pour qu'enfin, dans notre pays, la culture devienne un droit pour tous.

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