Intervention de Frédérique Vidal

Séance en hémicycle du lundi 21 septembre 2020 à 16h00
Programmation de la recherche — Présentation

Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation :

Ce nouveau contrat permettra de changer la vie de milliers d'agents dans les prochaines années. Il se veut une réponse concrète à un problème concret.

En cela, il illustre parfaitement l'esprit du troisième pilier du projet de loi : faciliter la vie des laboratoires, pour mieux redonner du souffle à la recherche.

La recherche vit de deux ingrédients essentiels. Le premier est le talent – je vous ai exposé ce que nous prévoyons pour les valoriser et les attirer. Le second est le temps. Or les laboratoires sont asphyxiés sous le poids des contraintes administratives et juridiques. Nos chercheurs voient le temps dédié à leurs travaux se réduire comme peau de chagrin.

Cette programmation amorce donc un vaste chantier de simplification, débordant très largement le cadre législatif, pour lever avec pragmatisme les difficultés qui grèvent le quotidien de nos laboratoires. Cela passe par des mesures en apparence très modestes, comme la suppression de l'autorisation administrative préalable au cumul d'activités. Derrière la suppression de ce formulaire, nous engageons la transition vers une recherche moins bureaucratisée, vers une administration plus moderne, au service des missions académiques. Je suis convaincue que les grandes lois, celles qui changent réellement les choses, sont celles dont les ambitions s'appliquent jusque dans les plus petits détails de la vie, sur le terrain.

Redonner du temps et de la liberté à la recherche, c'est aussi introduire dans la carrière des enseignants-chercheurs plus de respiration, plus de périodes exclusivement consacrées à la recherche, grâce à l'augmentation du nombre de congés pour reconversion thématique, à l'augmentation des capacités d'accueil de l'Institut universitaire de France, ou encore des délégations au CNRS.

Redonner du temps et de la visibilité aux chercheurs, cela passe par l'adossement à l'Agence nationale de la recherche un portail unique afin de référencer tous les appels à projets, de synchroniser leurs calendriers, d'harmoniser leurs cahiers des charges, de simplifier les procédures, pour rendre aux chercheurs le temps pris à remplir formulaires et dossiers ces dernières années, trop souvent pour trop peu de résultats.

Ce temps, ce budget, cette visibilité rendus à la recherche sont autant de moyens que notre pays se donne pour envisager les prochaines décennies avec confiance et enthousiasme. D'autres ministres l'ont dit avant moi, ici même : l'investissement dans la recherche n'est pas un investissement comme les autres. C'est notre passeport pour l'avenir et c'est notre meilleure chance, parce qu'elle n'est pas affaire de hasard, mais de connaissances. Il ne suffit plus de clamer haut et fort cette conviction. Le Parlement dispose désormais d'un outil pour faire partager cette ambition d'optimisme à l'ensemble de la société et la traduire dans le quotidien de nos concitoyens.

Le projet de loi entend ainsi remettre la recherche au coeur de la vie sociale, culturelle et économique de notre pays. Cette ambition, qui constitue le troisième axe que je voulais évoquer, forme en réalité la clé de voûte du texte.

La recherche, parce qu'elle éclaire le monde, est en soi un engagement sociétal très fort, qui n'a pas besoin d'autre sens ni d'autre justification que la production de connaissances, à condition toutefois que ce savoir déborde le laboratoire pour circuler très largement dans la société.

La science ouverte, le partage des données, la formation sont des canaux privilégiés, mais ils sont loin d'épuiser à eux seuls toute la fécondité de la recherche. Des voies comme l'innovation, la culture scientifique, technique et industrielle ou l'implication de citoyens dans les activités de recherche doivent être davantage empruntées, parce que c'est ainsi que la science pénétrera notre quotidien, nourrira le débat public et stimulera la croissance de nos entreprises.

Plus que jamais, la science et la communauté scientifique doivent aller au-devant de la société, et la société revendiquer sa place auprès des scientifiques. Chacun a tout à y gagner. Au contact des citoyens et du monde économique, la recherche gagne des questions nouvelles à identifier, des problèmes à résoudre, des pistes à explorer, une réflexivité et un regard nouveaux. Au contact de la recherche publique, l'entreprise gagne une culture d'innovation plus ambitieuse, tournée vers la rupture plutôt que vers l'amélioration de l'existant. Dans la perspective de relance économique et de renouveau industriel de notre pays, nos entreprises ont besoin de ce regain de créativité et d'audace.

Il est donc essentiel que leurs relations avec la recherche publique changent d'échelle durant la prochaine décennie. C'est pourquoi le projet de loi prévoit de stimuler la recherche partenariale, en doublant les financements de l'ANR consacrés aux chaires industrielles, aux laboratoires communs, aux instituts Carnot, et en augmentant de 50 % le nombre de thèses CIFRE.

Afin d'inciter les entreprises à chercher dans les campus les ingrédients de leurs futurs succès, nous proposons de labelliser les sites qui auront su rendre leur offre de transfert plus lisible et réduire leurs délais de contractualisation.

Inversement, afin d'encourager les chercheurs et les enseignants-chercheurs à créer une entreprise ou à participer à son développement, le texte tend facilite les mobilités, institue un véritable contrat doctoral en entreprise et ouvre une voie innovation à l'Institut universitaire de France.

De la même manière, le dialogue et les interactions entre la science et la société doivent redoubler d'intensité. Ce que les citoyens gagnent au contact de la recherche, ce sont des outils pour mieux penser le monde. Or force est de constater que, si la science a effectivement le statut de bien commun, elle est loin d'en avoir acquis la familiarité et d'avoir trouvé sa place dans tous les foyers et tous les esprits. Pour que cela change, il est essentiel que son corpus de savoirs soit plus accessible et que sa méthode, fondée sur l'expérimentation et la controverse, soit mieux comprise. En retour, il est tout aussi essentiel qu'elle soit plus à l'écoute de la société et qu'elle implique davantage les citoyens dans ses orientations.

Afin de favoriser ce double mouvement, le projet de loi prévoit notamment de favoriser les recherches participatives, d'accélérer la diffusion de la culture scientifique, de développer des opérations de proximité du type « une classe, un chercheur » et d'engager un travail pour une meilleure reconnaissance de cette mission dans les carrières des personnels et les projets de recherche. Ce lien entre la science et la société est une artère vitale de notre démocratie. Nous avons besoin d'avoir la science en partage, parce qu'elle est ce noyau commun à partir duquel nous pouvons nous rassembler, débattre pour comprendre la complexité du monde qui nous entoure et décider en nous appuyant sur des faits plutôt que sur des opinions, sur une démarche rationnelle plutôt que sur des élans passionnels. Il faut faire science pour faire société, il faut faire science pour faire bloc, comme nous l'aura appris la crise que nous traversons.

Débattre, à travers cette loi de programmation de la recherche que nous voulons, c'est aussi débattre, au fond, de la démocratie que nous voulons, et je sais combien vous êtes attachés à la rendre toujours plus forte, plus ouverte, plus créative. Je ne doute pas que cette exigence fixera le cap des débats qui s'ouvrent aujourd'hui et permettra d'élaborer une loi ambitieuse, porteuse de confiance dans la recherche et d'inspiration pour le pays.

1 commentaire :

Le 26/09/2020 à 15:52, Laïc1 a dit :

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On va faire de la recherche pour savoir pourquoi il y a autant de contresens sur la laïcité sans que cela n'émeuve personnes. Et pourquoi les associations féministes de gauche pensent la même chose que le FN au sujet du voile supposé islamique.

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