Intervention de Mathilde Panot

Séance en hémicycle du lundi 12 octobre 2020 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

C'est avec tristesse que nous sommes aujourd'hui réunis en ta mémoire. Nous sommes tous ici pour te rendre un dernier hommage. Tu es partie bien trop tôt, bien trop vite, chère convention citoyenne pour le climat.

Je me rappelle les moments heureux, quand tu provoquais un élan d'enthousiasme, quand le Président de la République parlait de toi comme d'une « expérience humaine unique au monde ». Je me souviens qu'en juin il t'avait dit : « Je veux que toutes vos propositions soient mises en oeuvre au plus vite. » Tu en étais si fière, et nous en étions heureux avec toi.

Mais très vite nous avons compris que si, pour beaucoup, tu étais la promesse d'un espoir, pour d'autres tu n'étais qu'un faire-valoir. Je veux d'abord parler à ceux qui t'appréciaient et saluer tes auteurs, les 150 citoyens tirés au sort qui ont accepté de jouer le jeu et qui ont cru de bonne foi à la promesse du Président de la République de reprendre tes 149 propositions « sans filtre ». Pourtant, à peine celles-ci formulées, le Président de la République t'en avait retiré trois. C'est à ce moment-là que tu as commencé à décliner.

Le Président de la République refusait ta proposition de taxer les dividendes à hauteur de 4 %. Selon lui, cette mesure pouvait « décourager l'investissement ». Tu étais lucide. Tu savais bien, toi, que les actionnaires de Total, qui ont reçu 1,8 milliard de dividendes, ou ceux des banques n'ont qu'une seule obsession : se gaver. Mais, hélas, ton idée aurait ruiné tous les efforts du Président de la République. La distribution de dividendes a bondi de 62 % de 2017 à 2018. Les ultra-riches de notre pays ont perçu le quart de cette montagne d'argent et, pendant ce temps, 1 million de personnes basculent dans la pauvreté. Ce budget n'a que faire de cette crise sociale terrible, inédite depuis la seconde guerre mondiale. Les uns crèvent, pendant que les autres croulent sous les billets verts. Le Président est parvenu à ses fins.

Je garde aussi en mémoire ta proposition de moratoire sur la 5G. Tu t'interrogeais sur les enjeux sanitaires, démocratiques et écologiques de cette technologie. Tu posais cette question cruciale : « Avons-nous besoin de la 5G ? ». Mais le Gouvernement ne t'a pas écoutée. Il t'a traitée d'Amish qui s'éclaire à la lampe à huile, avant de lancer les enchères.

Tu laisseras derrière toi un grand vide. J'ai une pensée émue pour la baisse de la TVA sur les transports en commun, le moratoire sur les zones commerciales, les conditionnalités écologiques des aides aux grandes entreprises ou le malus sur les véhicules les plus polluants. Tu te disais qu'avec les multinationales et les grandes entreprises polluantes, il n'était plus possible de se limiter à l'incitation. Tu voulais un investissement massif dans le ferroviaire, une taxe sur les engrais chimiques qui nous empoisonnent et une régulation de la publicité, mais la majorité en a fait le deuil.

Le comble, c'est que c'est la ministre de la transition écologique qui t'a donné le coup de grâce. Tes mesures écologiques, c'était « Ciao, bye bye ! ». On s'en doutait déjà avec le vote pour l'empoisonnement généralisé causé par les néonicotinoïdes. Tu disais dans ta dernière lettre que tu avais pris conscience de l'urgence écologique, que la terre peut vivre sans nous, mais que nous ne pouvons pas vivre sans elle. Pour la ministre, il faut remettre l'urgence climatique à plus tard, même si « plus tard », c'est déjà trop tard.

Les effectifs du ministère de la transition écologique parlent d'eux-mêmes, avec 8 200 postes supprimés depuis 2017 et encore 1 000 postes en moins pour l'année à venir dans ce budget. C'est logique : une fois qu'ils t'ont enterrée, ils n'ont plus besoin de fonctionnaires pour mettre en oeuvre tes mesures.

La vérité, convention citoyenne pour le climat, c'est qu'ils n'aiment pas la démocratie : même après t'avoir encensée, ils n'ont pas voulu t'écouter. Ce budget est une cérémonie d'enterrement – une de plus. Ils veulent garder intact le monde d'avant, conserver le train de vie des riches qui détruisent la planète et relancer la machine à produire du malheur en masse.

Collègues, épargnez-nous une bonne fois pour toutes vos jérémiades quand on parle d'Emmanuel Macron comme du président des riches ! Vous ne dupez plus personne. Il vous reste à comprendre une chose : une politique écologique sans justice sociale n'existe pas. Voilà ce qu'un projet de loi de finances digne de ce nom aurait exigé : organiser collectivement la planification écologique, bâtir des causes communes fédérant le peuple, comme l'eau, l'air, la terre ou la santé et, une bonne fois pour toutes, partager les richesses.

Je voulais terminer ton oraison funèbre par cette phrase d'Almeida Garret : « Je demande aux économistes politiques, aux moralistes : avez-vous déjà calculé le nombre d'individus qu'il est nécessaire de condamner à la misère, à un travail disproportionné, à la pénurie absolue, pour produire un riche ? »

Repose en paix, chère convention citoyenne pour le climat. Nous ne t'oublierons pas ! L'histoire, quant à elle, monsieur le ministre délégué, retiendra votre insulte à la démocratie.

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