Intervention de François Pupponi

Séance en hémicycle du lundi 12 octobre 2020 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2021 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

Après le panorama complet dessiné par mon collègue Charles de Courson, je concentrerai mon propos sur quelques choix de votre gouvernement concernant les leviers de la relance.

Alors que la France affiche un retard important par rapport à ses objectifs climatiques, vous faites de la rénovation énergétique un outil majeur de la relance. Nous approuvons cette orientation opportune, d'autant plus qu'à la dimension écologique de ce chantier s'ajoute, rappelons-le, une dimension sociale essentielle. Au reste, lors de l'examen des projets de loi de finances rectificative présentés depuis le mois de mars, nous vous avions demandé d'accélérer en ce sens.

Toutefois, afin de lutter contre la précarité énergétique de 4,5 millions de logements, vous consacrez 2 milliards d'euros au dispositif de MaPrimRénov' sur deux ans. Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, ce montant apportera-t-il une contribution suffisante pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ? Nous en doutons. Je vous rappelle que le bâtiment représente 43 % de la consommation d'énergie et qu'il existe près de 5 millions de passoires thermiques en France.

S'il est vrai que vous consentez un effort non négligeable dans le domaine de la rénovation, rien n'est en revanche prévu dans le PLF pour la relance de la construction neuve. Or les conditions de logement n'ont jamais été aussi déterminantes que durant le confinement. Pour certains, l'habitat est devenu à la fois le lieu de vie, le lieu de travail et le lieu d'enseignement. De fait, le mal-logement est apparu comme une inégalité criante. Dans le même temps, le secteur de la construction a subi l'arrêt des chantiers durant la période de confinement : au lieu des 400 000 logements qui auraient dû être construits en 2020 et 2021, seuls 300 000 seront mis en production. Or rappelons que, selon les économistes, un logement construit équivaut à deux emplois ; je vous laisse faire le calcul. Comment pouvez-vous imaginer une relance économique des territoires sans remplir le carnet de commandes des entreprises de proximité, notamment celles du bâtiment ?

Si les problèmes fondamentaux du logement restent inchangés – déficit chronique de l'offre par rapport aux besoins et prix excessif des logements dans les zones tendues – , la crise économique que nous traversons doit offrir l'occasion de transformer et d'amplifier la politique du logement en alliant exigence économique et impératif écologique.

Lors de l'examen des budgets rectificatifs pour 2020 qui ont été adoptés depuis mars, nous avons proposé des mécanismes pour accompagner et relancer ce secteur durement affecté, notamment en renforçant le dispositif Pinel et le prêt à taux zéro. Nous proposerons en outre plusieurs améliorations visant à encourager la construction de logements sociaux, qui a connu un coup d'arrêt depuis 2017, mais aussi à accélérer la rénovation du parc social.

Le deuxième point sur lequel je m'attarderai porte sur les mesures annoncées par le Président de la République au sujet du renforcement de la laïcité. L'ensemble des mesures présentées, cette promesse républicaine, ne pourront prendre corps que si nous en manifestons la volonté collective et si nous déployons une série de politiques publiques. Après ces déclarations d'intention, que j'approuve, certaines collectivités attendent désormais les moyens financiers et humains supplémentaires qui leur sont nécessaires pour agir. Le budget 2021 doit être celui qui leur donnera les moyens de mettre en oeuvre les recommandations du plan banlieue, resté jusqu'à présent l'angle mort du quinquennat. Je serai très attentif, durant le débat parlementaire, à ce qu'aucun quartier ne soit oublié et à ce que la promesse présidentielle soit tenue. Oui, il faut lutter contre ceux qui veulent se séparer de la République, mais la République ne gagnera pas cette bataille en se contentant de mots ; il faudra aussi des moyens, et je suis convaincu, monsieur le ministre délégué, que vous en avez aussi la volonté.

Je conclurai mon propos en évoquant le volet territorial, plus précisément un territoire cher au groupe Libertés et territoires : la Corse. Comme le souligne l'INSEE dans une note de mai 2020, l'île fait partie des territoires les plus affectés par la crise du covid-19 : l'activité économique y a chuté de 35 %. En effet, les secteurs surreprésentés sur l'île, en particulier le tourisme, sont aussi ceux qui figurent parmi les plus touchés. Cette crise sanitaire d'une ampleur et d'une brutalité inédites pour l'économie corse impose au Gouvernement de prendre des mesures fortes, efficaces et immédiatement applicables. Depuis le mois de juin, un plan spécifique pour la Corse est annoncé ; il serait temps qu'il voie le jour. Certes, la troisième loi de finances rectificative pour 2020 contient quelques ajustements fiscaux bienvenus pour la Corse, comme la prorogation du crédit d'impôt pour l'investissement en Corse. Certes, l'article 8 du projet de budget 2021 prévoit l'instauration d'un taux majoré de 35 % pour les dépenses d'innovation des petites et moyennes entreprises en Corse. Néanmoins, ces mesures sont insuffisantes pour soutenir une économie hyperspécialisée dans le tourisme. J'espère que nos débats permettront de véritables avancées.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.