Intervention de Clémentine Autain

Séance en hémicycle du jeudi 29 octobre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Action extérieure de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClémentine Autain :

La crise sanitaire a jeté un coup de projecteur bienvenu sur l'activité de notre ministère de l'Europe et des affaires étrangères, rappelant qu'il était au service de nos concitoyens éparpillés partout sur le globe. Le covid-19, en mobilisant l'ensemble de notre réseau diplomatique, a donné à voir, hier et aujourd'hui encore, combien il est important pour la France de soigner ses ramifications consulaires.

Je tiens, avant toute chose, à saluer la mobilisation de tous les fonctionnaires qui ont oeuvré et oeuvreront, jour et nuit, pour faciliter le rapatriement de nos concitoyens. Je veux croire que la stabilisation des effectifs, inédite depuis vingt ans, revient à reconnaître leur importance en tant que chevilles ouvrières de notre action internationale.

Cette reconnaissance, tardive mais nécessaire, nous n'avons cessé de l'appeler de nos voeux. Depuis que je suis élue, avec mon collègue Jean-Paul Lecoq, nous avons inlassablement répété en commission qu'il fallait consolider notre corps diplomatique et ne plus le vider de ses forces en réduisant les personnels. J'ose espérer, si tant est que l'on puisse attendre quoi que ce soit d'un gouvernement englué dans le dogme néolibéral, que la nouvelle tendance se verra confirmée à l'avenir.

Je vous rappelle que quatre-vingt-cinq emplois auraient dû être supprimés cette année : il aura donc fallu une crise sanitaire exceptionnelle pour vous contraindre à ranger l'austérité dans le carton duquel vous vous apprêtiez à la sortir !

Je vous rappelle aussi qu'en trente ans, le Quai d'Orsay a perdu 53 % de ses effectifs. Depuis trente ans, le ministère se retrouve ainsi à faire le grand écart, soumis à une sorte d'injonction contradictoire qui le somme de faire toujours plus avec toujours moins – nous parlons de ce qu'Emmanuel Macron appelait, en 2018, la « diplomatie agile ». Dans cette gymnastique douloureuse, la crise sanitaire offre donc, d'une certaine manière, un répit. Mais jusqu'à quand, monsieur le ministre ? Ce que vous faites cette année, Bercy ne le défera-t-il pas l'année prochaine ?

Je m'arrête sur la promotion du rayonnement culturel français, qui fait partie des priorités du ministère. À la rentrée 2020, le Gouvernement s'est ému de constater une baisse de 30 % des étudiants étrangers en France en raison de la crise sanitaire. Mais comment regretter chez nous ce que nous encourageons ailleurs ? La hausse brutale des frais de scolarité pour les étudiants étrangers au nom de l'attractivité des universités ne participe-t-elle pas d'un travail de sape de notre rayonnement culturel ? La suppression de la chaîne France Ô, qui permettait à notre culture de rayonner et d'être entendue de l'océan Pacifique à l'océan Indien en passant par l'océan Atlantique, ne contribue-t-elle pas à la mise en sourdine de notre voix riche de sa diversité ?

Enfin, j'ai le sentiment, devant ce budget, de lire un ajustement conjoncturel en réponse à une crise qui ne serait que passagère. Il est question d'investir dans l'immobilier et dans la sécurité, de moderniser l'accès au numérique, mais, évidemment, tout cela devrait être au service d'une orientation politique. Il y a aussi les questions que l'on ne trouve nulle part, et que je souhaite vous poser. Où interroge-t-on l'action du ministère lorsqu'il vole au soutien de LVMH pour lui permettre de casser le rachat de Tiffany ? Où est-il question de l'action du ministère lorsqu'Emmanuel Macron, de façon particulièrement condescendante, va promettre l'improbable au peuple libanais – improbable au point que ce peuple a vu Saad Hariri devenir Premier ministre pour la troisième fois ?

Tout cela pour vous dire qu'un budget ne fait pas une politique. Si je me félicite du maintien des effectifs du Quai d'Orsay, encore faudrait-il que nous nous accordions sur la nature de leur travail et le sens de leur action, et je crois qu'en la matière, il est peu de dire que nos désaccords sont profonds. Mais comme nous ne sommes pas dogmatiques et que nous voulons que les choses avancent, le groupe de la France insoumise s'abstiendra sur ce budget, en espérant que la marche enclenchée, consistant à redresser un peu le budget et à cesser de faire fondre le personnel de notre corps diplomatique, trouve à se traduire dans le budget de l'année prochaine.

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