Intervention de François Pupponi

Séance en hémicycle du vendredi 6 novembre 2020 à 21h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Cohésion des territoires

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

La mission « Cohésion des territoires » contient deux belles ambitions, qui sont d'ailleurs toutes les deux au coeur de mon engagement politique. La première : favoriser l'accès de tous les citoyens à un logement décent et accompagner les parcours résidentiels. La seconde : réduire les multiples fractures qui traversent notre pays.

S'agissant du logement, tout d'abord, vous avez consenti, dans le cadre du plan de relance, un effort important et ambitieux – nous le saluons – en faveur de la rénovation énergétique. Le montant alloué est conséquent. C'est une avancée que nous demandions depuis un certain temps.

En revanche, la relance de la construction dans le neuf demeure lacunaire et c'est pour les acteurs du secteur comme pour moi une réelle incompréhension, madame la ministre déléguée. Sans surprise, les élections municipales et l'épidémie de covid-19 ont porté un coup d'arrêt aux chantiers au second semestre 2020. En dépit d'un rebond en septembre dernier, la filière du bâtiment pronostique un recul de l'activité du logement neuf de 23 % en 2020 par rapport à 2019.

Toutefois, ces chiffres inquiétants ne relèvent pas exclusivement de la conjoncture. Ils s'inscrivent dans une dynamique globale de baisse des chiffres de la construction depuis le début du quinquennat. À la mi-2017, sur douze mois, 500 000 permis de construire étaient accordés, dont 300 000 dans le secteur collectif. À la mi-2020, toujours sur douze mois, ces niveaux étaient redescendus à 400 000 et 240 000 respectivement. C'est selon nous la conséquence d'un manque de vision stratégique dans votre politique du logement – pour le neuf, s'entend, car nous n'avons pas de critique particulière à formuler en ce qui concerne la rénovation.

Tout d'abord, vous avez pris un ensemble de décisions portant atteinte aux outils d'accession à la propriété ; je pense à la suppression de l'APL accession en 2017 mais aussi à la réduction de la quotité du prêt à taux zéro – PTZ – dans les zones B et C. Quant au dispositif Pinel, nous attendons toujours vos propositions de modernisation, même si vous avez annoncé la pérennisation du PTZ et du dispositif Pinel en 2022. C'est une bonne nouvelle, mais il faut aller plus loin.

En ce qui concerne le logement social, la baisse du montant des APL et la réduction de loyer de solidarité, ou RLS, bien que tempérées par le pacte d'investissement, pèsent tout de même 1,3 milliard d'euros sur les finances des bailleurs sociaux. Quant à la décision du Gouvernement de s'attaquer de nouveau à la trésorerie d'Action logement par une nouvelle ponction de 1 milliard d'euros et peut-être ensuite une deuxième ponction, elle est également regrettable. En fin de compte, ce sont les capacités d'investissement des acteurs du logement social que vous attaquez.

Il serait temps que la construction neuve, occultée depuis 2017 et ignorée par le plan de relance, soit replacée au centre des politiques publiques, faute de quoi nous nous exposons à terme à une grave pénurie de logements et à une crise économique profonde du secteur. Le logement – nous pouvons en attester car nous avons également fait des erreurs en la matière sous la précédente législature – représente entre un et deux points de croissance au cours d'une législature. Ne pas relancer le logement aura des conséquences économiques dramatiques et globales.

C'est sur cette question cruciale que nous redoutons toujours une recrudescence des difficultés de paiement de loyers et une demande accrue de recours à l'hébergement.

Aussi je suis convaincu de la nécessité d'abonder le fonds de solidarité logement en conséquence, afin qu'il puisse faire face à une hausse importante des recours qui sera, nous en sommes convaincus, la conséquence de la crise du covid-19.

Je n'ai pas de critique particulière à adresser à votre politique de la ville. Les crédits sont là, ils sont reconduits ; la péréquation continue à un rythme que nous saluons, mais une absence nous inquiète : alors que le Président de la République a annoncé le mois dernier un grand plan de lutte contre le « séparatisme », et la présentation d'un projet de loi, ce projet de budget ne lui donne aucune traduction budgétaire. Comment ce grand plan, dont nous avons tous salué l'annonce et qui est, l'actualité le montre, fondamental pour l'avenir de notre pays, sera-t-il financé ? Y aura-t-il des actions spécifiques ? Il n'y a rien à ce sujet dans ce projet de loi de finances.

Un dernier mot, enfin, sur l'aménagement du territoire. Je salue l'augmentation des crédits qui lui sont alloués. L'Agence nationale de la cohésion des territoires – ANCT – , par exemple, bénéficie d'une légère hausse de ses crédits mais la question se pose de savoir si son budget de 60 millions sera suffisant pour financer sa montée en puissance.

De même, les maisons France Services bénéficient de moyens renforcés – 28 millions d'euros de plus qu'en 2020, mais là encore on peut se demander si cela sera suffisant pour assurer le développement, que l'ensemble des acteurs locaux jugent nécessaire pour compenser la fermeture des services publics.

Le sort que le Gouvernement et la majorité réserveront à nos amendements, notamment à ceux de mon collègue Jean-Félix Acquaviva sur la Corse, déterminera notre vote sur ce budget.

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