Intervention de Jean-Michel Fauvergue

Séance en hémicycle du vendredi 20 novembre 2020 à 21h00
Sécurité globale — Article 25

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Fauvergue, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Je vous remercie tous et toutes de vos interventions et de vos témoignages. Vous avez tous évoqué des affaires éparses, certes réelles, mais qui n'illustrent pas la réalité globale et quotidienne. Je conçois que cet article puisse être une source d'angoisse mais je vais vous expliquer pourquoi il a été rédigé et comment se passent les choses.

Depuis 2015, les policiers et les gendarmes sont autorisés à porter leur arme hors service, sur la base du volontariat et sous les conditions suivantes : être à jour de leur entraînement au tir et porter leur carte de service pour certifier leur statut s'ils interviennent hors service. Ils peuvent entrer dans des établissements recevant du public, en se signalant ou non, mais ils doivent se signaler à l'entrée des établissements équipés d'un portique, et l'entrée leur est parfois refusée. Voilà la situation actuelle.

Elle est dommageable : au Bataclan, par exemple, où une fouille était effectuée à l'entrée, il était interdit de porter une arme de service. Or, le soir de l'attentat, il se trouvait dans la salle au moins trois policiers : un couple de commissaires et un agent de police. Pendant le massacre, ils n'ont pas pu intervenir. L'un d'entre eux a reçu une balle dans la colonne vertébrale et est handicapé ; son épouse et le troisième policier sont indemnes.

Dans de telles situations, on peut supposer que si ces policiers avaient été armés, ils auraient pu intervenir dès le début de l'attaque. Il y a eu plus de 95 morts au Bataclan. En intervenant d'emblée et par surprise, puisqu'ils se trouvaient à proximité des tireurs – il est certes difficile d'intervenir face à des gens munis de kalachnikovs et de gilets explosifs, mais ce n'est pas impossible puisqu'un commissaire de police de la brigade anti-criminalité l'a fait alors qu'il n'était armé que de son arme de poing – , ils auraient sans doute pu sauver dix, vingt, trente, quarante, cinquante, soixante, soixante-dix, peut-être quatre-vingts vies, et éviter quatre-vingts familles éplorées – du moins peut-on le penser.

La situation actuelle n'est guère logique : lorsqu'un policier ou un gendarme en civil intervient sur la voie publique et fait face à un agresseur – qu'il s'agisse d'un terroriste ou d'un tueur de masse à l'américaine – qui tire et fait des victimes autour de lui, il peut profiter de l'effet de surprise, faire cesser l'action et sauver des vies. Nous parlons là des policiers et des gendarmes qui ont choisi, sur la base du volontariat, de porter leur arme hors service pour se défendre et pour défendre leurs concitoyens – car policier et gendarme sont en effet des métiers de passion qu'on exerce vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il ne s'agit naturellement pas de travailler en permanence ; les temps de repos sont nécessaires. Mais croyez-moi, on est dans la peau d'un flic ou d'un gendarme vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Or assurer la sécurité des personnes et sauver des vies, telle est la finalité du travail de flic.

J'ai discuté avec les trois policiers présents au Bataclan, qui sont psychologiquement marqués non seulement parce qu'ils ont vu les gens s'effondrer autour d'eux et par le danger qu'ils ont couru, mais aussi parce qu'ils avaient la rage de ne pas être en mesure d'intervenir. Lorsqu'on a vécu cela, on se dit que le problème est réel.

L'objectif de cet article n'est pas de multiplier les armes partout ; j'y suis opposé. Je ne suis pas favorable à une société à l'américaine, sachez-le, et peu de policiers et de gendarmes le sont. Nous sommes pour la préservation du modèle français, dans lequel les armes officielles – je ne parle évidemment pas des armes de la pègre – sont réglementées et leur nombre n'augmente pas. L'article ne vise qu'à autoriser les policiers volontaires, entraînés et portant sur eux leur carte de service, à intervenir hors service dans des lieux clos.

Le signalement à l'entrée peut être valable dans certains établissements mais dans d'autres, mieux vaut garder l'anonymat. Il ne faut donc pas en faire une règle.

Certains d'entre vous ont cité l'exemple de policiers ou de gendarmes en état d'ivresse qui sont entrés armés dans des lieux de nuit où se vendent des boissons. Il va de soi que c'est une faute de service et que dès lors qu'un policier est armé hors service, le règlement lui interdit de boire. S'il est pris armé hors service et en état d'ivresse, il fera l'objet d'une procédure administrative ; si de surcroît il a commis des actes répréhensibles, il tombera sous le coup d'une procédure disciplinaire.

En somme, la possibilité d'intervenir rapidement pour sauver une vie, dix vies, trente vies et autant de familles, est importante. Des policiers municipaux se trouvant à proximité sont intervenus en situation d'attentat terroriste, où l'intervention doit être rapide. Si des policiers et des gendarmes en civil, munis de leur arme de service, sont prêts à intervenir, alors je vous garantis qu'ils sauveront des vies…

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