Intervention de Jean-Hugues Ratenon

Séance en hémicycle du lundi 30 novembre 2020 à 16h00
Inclusion dans l'emploi par l'activité économique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Hugues Ratenon :

« Territoires zéro chômeur de longue durée » : un idéal, un rêve ou un slogan ? Si c'est sûrement un peu de tout cela pour vous, pour nous il s'agit d'un objectif à atteindre, dont rien ne doit nous faire dévier, tant le chômage maintient et précipite les individus dans de grandes souffrances. L'existence de tout être humain est fondée sur la construction d'un avenir, qui passe notamment par un emploi stable : quel avenir peut-on bâtir sans emploi ? Quel avenir pour celui qui ne parvient pas à joindre les deux bouts ? Quel avenir sans dignité ? Quel avenir pour sa famille ? Je pourrais continuer ainsi longtemps, mais vous le savez déjà très bien – si tel n'est pas le cas, c'est sûrement la marque de votre ignorance de la réalité du terrain. Croyez-moi : ceux qui sont privés d'emploi ne veulent surtout pas de pitié. Ils veulent des clefs pour sortir la tête de l'eau et éviter la noyade sociale.

Grâce aux travaux menés à l'Assemblée comme au Sénat, des avancées ont été obtenues. Je pense par exemple à l'augmentation du nombre de territoires éligibles à l'expérimentation, qui passe de dix à soixante et pourrait encore augmenter par décret. Notons aussi l'ouverture du financement du dispositif à tous les acteurs publics, sur la base du volontariat, ou encore la possibilité d'offrir des CDI aux personnes âgées de plus de 57 ans.

Mais – car il y a toujours un « mais » – le dispositif manque selon nous d'une réelle ambition, comme je l'avais souligné à la fin de l'examen du texte en première lecture. Il est rendu d'autant plus insuffisant par l'urgence économique et sociale, aggravée par l'épidémie de covid-19 : 715 000 emplois détruits au premier semestre 2020, un taux de chômage qui atteindra environ 9,5 % de la population active d'ici à la fin décembre, une pauvreté accrue, un nombre de personnes sans domicile fixe en constante augmentation, et ainsi de suite.

Faut-il s'étonner de cette situation, au vu de votre politique fiscale en faveur des plus riches ? Pour La France insoumise, la politique du bonheur et du bien-être ne doit pas être appliquée par petites miettes, avec parcimonie ! Nous aurions préféré une généralisation du dispositif, car les besoins et les moyens sont là. Les viviers d'emplois, comme la bifurcation écologique, les personnes âgées ou les aides à domicile, pour n'en citer que quelques-uns, sont nombreux : ce sont des dizaines voire des centaines de milliers d'emplois qui pourraient être créés. Nous défendons le droit opposable à l'emploi, faisant de l'État l'employeur en dernier ressort. Qu'attendons-nous pour appliquer cette mesure ? Pourquoi ne laissez-vous pas les énergies se libérer ? Pourquoi ne faites-vous pas confiance à tous les territoires ? Pourquoi voulez-vous brider l'esprit d'initiative alors que ce texte aurait pu aller beaucoup plus loin ?

Enfin, je regrette que notre proposition consistant à étendre la durée de l'expérimentation à huit ans en outre-mer n'ait pas été retenue. Comment comprendre que mon amendement, qui visait à obtenir un rapport analysant les spécificités inhérentes au déploiement de l'expérimentation dans les outre-mer, accepté par l'Assemblée, ait été supprimé par le Sénat et que la commission mixte paritaire ne se soit pas battue pour maintenir cette demande ? J'y vois, encore une fois, un très mauvais signal adressé aux ultramarins – mais c'est, me semble-t-il, un réflexe presque culturel chez vous : une fois de plus, les territoires d'outre-mer sont quasiment oubliés, alors qu'ils connaissent des taux de chômage trois à quatre fois supérieurs à ceux des départements de l'Hexagone. Je ne vous cache pas ma déception, mais je me battrai pour qu'au moins, les villes du Port et de Saint-André à la Réunion – et, plus largement, tous les territoires ultramarins – bénéficient de l'expérimentation.

En conclusion, il est vrai que vous faites, madame la rapporteure, un petit pas pour accompagner ceux qui sont privés d'emploi. Je vous en remercie. Par leur vote favorable, les élus du groupe La France insoumise vous encouragent à poursuivre dans cette voie, dans l'espoir que leur voix sera entendue, que vous tiendrez compte des retours de terrain, et que vous réajusterez le dispositif d'expérimentation. Nous serons très vigilants sur ce point. Je rêve néanmoins d'une nouvelle gouvernance où l'avenir sera commun, et non l'affaire d'une poignée de riches protégés par la Macronie.

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