Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du lundi 30 novembre 2020 à 21h00
Amélioration du système de santé par la confiance et la simplification — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Annoncées au plus fort de la première vague de l'épidémie de covid-19, les concertations du Ségur étaient plus qu'attendues. Quoi de plus normal, quand on connaît l'état de notre hôpital public et, plus largement, de notre système de santé, dont les failles et dysfonctionnements sont apparus, béants, dans la crise ?

Les déceptions qui s'expriment depuis le mois de juillet sont à l'aune des espoirs suscités. Un premier ensemble de mesures d'ordre budgétaire a été inscrit au sein du PLFSS pour 2021, qui vient d'être adopté ; en dépit d'avancées majeures, des incompréhensions et des frustrations ont été relevées, concernant en particulier les revalorisations salariales, dont certaines professions médico-sociales sont toujours exclues.

Vous nous présentez maintenant une proposition de loi pour le moins hétéroclite, qui se veut une traduction des mesures non budgétaires du Ségur. Je dois dire que je l'ai abordée avec circonspection, puis, à l'issue de son examen en commission, avec une franche interrogation : pourquoi procéder ainsi ? Pourquoi cette précipitation alors que des concertations sont en cours ? Certes, ce texte remédie à certaines situations dont nous avons été saisis : je pense notamment à la réintroduction du service comme unité fonctionnelle ou aux dispositions permettant davantage d'adaptations locales. Cependant, encore une fois, pourquoi l'examiner au moment où un comité de suivi du Ségur vient à peine d'être installé ; pourquoi les travaux de celui-ci n'ont-il pas préfiguré cette proposition de loi ? S'agissant d'un sujet aussi important, structurant, la concertation est la clé de la réussite ; or presque tous les acteurs concernés nous ont confié leur surprise et leur déception.

Madame la rapporteure, les nombreuses modifications introduites en commission montrent que vous avez souhaité prendre en considération les retours des acteurs de terrain : je vous en remercie. La suppression de l'article 1er, où figurait une mesure phare du texte, révèle l'absence de consensus sur le sujet et par conséquent la nécessité de poursuivre la discussion avec tous les professionnels. Le groupe Libertés et territoires reconnaît néanmoins que vous avez su faire preuve d'écoute en proposant de retrancher de cet article les dispositions visant à créer une profession médicale intermédiaire, laquelle n'était en fait qu'une coquille vide aux contours peu précis. Ainsi la nouvelle version du chapitre Ier est-elle plus satisfaisante : nous espérons qu'elle permettra de développer la pratique avancée et les protocoles de coopération, dossiers qu'il faut faire progresser.

Notre groupe insiste également sur la nécessité d'une réflexion concernant la formation et la rémunération des auxiliaires médicaux concernés. Il en va de même pour les sages-femmes, qui voient leurs compétences élargies : c'est une bonne chose, mais nous ne pouvons étendre ainsi continuellement leur champ d'intervention sans améliorer leur statut. Il subsiste de nombreux freins à la pleine reconnaissance de leur statut médical, en particulier à l'hôpital, ce qui contribue à leur mal-être, voire à leur colère. Je rappelle que leur situation n'a pas été traitée dans le cadre du Ségur.

Le chapitre III, « L'attractivité du poste de praticien hospitalier dans les établissements publics de santé », poursuit quant à lui un but intéressant, mais il ne propose pas de solutions concrètes en vue de fluidifier la procédure de recrutement. Celui-ci restera d'ailleurs insuffisant tant que nous n'aurons pas réglé le problème de la rémunération et des conditions de travail, ce qui m'amène au dernier point de mon intervention : la gouvernance. Le Ségur a rappelé l'ampleur des carences de l'hôpital public en matière de prise en compte des besoins du territoire et de représentation des acteurs de terrain. À force de décisions plus administratives et budgétaires que médicales, l'organisation de certains établissements a perdu en cohérence et ne répond plus aux besoins des patients.

Dès lors, les dispositions concernant le développement des GHT demeurent problématiques, dans la mesure où elles ne laissent pas suffisamment de place à l'initiative locale. Il faut laisser la main aux acteurs de terrain et aux élus locaux ; il faut surtout ne pas forcer l'intégration lorsque celle-ci n'est pas souhaitée par les intéressés. De manière générale, la gouvernance doit conduire à une meilleure représentation des personnels médicaux et paramédicaux, et associer davantage les usagers comme les élus. Notre groupe formulera des propositions en ce sens, afin que la démocratie sanitaire soit réellement exercée. C'est ainsi que nous pourrons effectivement réintroduire de la confiance en vue de l'amélioration de notre système de santé. Le groupe Libertés et territoires se prononcera sur ce texte à l'issue des débats, car le sujet est bien trop important pour se satisfaire d'approximations.

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