Intervention de Bastien Lachaud

Séance en hémicycle du vendredi 4 décembre 2020 à 9h00
Délais d'organisation des élections — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

Ces textes visent à adapter les modalités des élections partielles dans la période de crise sanitaire. Comme pour le report de l'élection sénatoriale des Français de l'étranger, il s'agit de tenir compte, dans l'organisation des élections, des possibilités matérielles de campagne électorale. En effet, le désastre du premier tour des élections municipales à la veille du confinement constitue un bon exemple de ce qu'il ne faut pas faire.

Déconnectées du contexte électoral national, qui informe les citoyens de la tenue d'une élection et, surtout, de ses enjeux, les élections partielles ne suscitent habituellement qu'une faible participation.

Lors des dernières élections législatives partielles, qui se sont déroulées en période de covid-19, nous avons pu constater les abîmes dans lesquelles est tombée la participation. En effet, il est d'autant plus compliqué de faire campagne qu'on ne peut que difficilement inviter les citoyens à des débats publics. Et il est aussi rendu plus difficile de faire connaître son programme aux citoyens qui n'utilisent pas les outils numériques quand on ne peut aller physiquement à leur rencontre. Les modalités numériques de campagne ont tendance à exclure des pans entiers de la population de la participation active aux élections, et cela nous semble représenter un problème démocratique.

Par temps de covid-19, les campagnes ont également tendance à favoriser les candidats les plus riches. Le portage de plis au domicile des personnes est très coûteux et n'est pas à la portée d'un candidat qui ne dispose par d'un fort apport financier. Il est vrai que les candidats riches sont, de toute façon, favorisés dans une élection, mais au moins les candidats ayant peu de moyens peuvent-ils, en temps normal, tenter de compenser ce désavantage par des actions peu coûteuses et touchant directement les citoyens.

Il semble donc raisonnable de reporter les élections partielles à un moment où il est possible d'organiser matériellement une véritable campagne politique. Car une élection ne se résume pas à un vote, elle recouvre aussi tout le processus de conviction des citoyens, de débat autour de programmes politiques. Il est donc indispensable d'organiser ces élections à un moment où toutes les conditions sont réunies.

Il est toutefois discutable qu'une fois encore le Gouvernement décide seul du moment où les conditions sanitaires sont réunies pour tenir une campagne électorale. Certes, il est assisté du Conseil scientifique, mais cela ne procure pas des garanties démocratiques suffisantes. L'arbitraire n'aide pas et soulève le soupçon que le Gouvernement pourrait s'arranger avec les conditions sanitaires.

Notons tout de même que toutes les élections partielles ont été des déroutes cinglantes pour la majorité. Le Gouvernement sera-t-il donc tenté d'utiliser son pouvoir de fixer la date des élections à des fins électoralistes ? Quoi qu'il en soit, il est préférable d'en ôter la possibilité et le soupçon. Je le répète, il faut que les décisions soient prises démocratiquement et la consultation des groupes politiques apparaît nécessaire pour écarter un soupçon d'opportunisme électoral dans le choix de reporter ou de maintenir une élection.

Je souhaite enfin souligner les difficultés qui pourraient advenir à partir d'avril 2021. En effet, à partir de cette date, les comptes de campagne pour l'élection présidentielle de 2022 seront ouverts.

Faisons une hypothèse : que se passera-t-il si d'aventure un candidat ou une candidate à une élection partielle – législative, régionale ou départementale – décidait ensuite de se présenter à l'élection présidentielle ? Les frais de campagne occasionnés pendant l'élection partielle devraient sans nul doute être portés, pour partie, au compte de la campagne présidentielle puisque, par exemple, un meeting d'importance participe non seulement à la renommée d'un candidat à l'élection partielle, mais aussi à la diffusion de son programme présidentiel.

Que faudra-t-il faire ? La CNCCFP accusera-t-elle les comptes de la campagne présidentielle d'être insincères ? Ou faudra-t-il rouvrir a posteriori les comptes de l'élection partielle pour y enlever les sommes qui devaient en fait être imputées au compte de la campagne présidentielle ? Il convient d'être très clair sur ce point, de manière à prévenir des situations qui, pour l'heure, sont des fictions, mais qui pourraient tout à fait advenir.

Rappelons en conclusion que si nous en sommes là, c'est parce que le Gouvernement s'est montré jusqu'ici incapable de gérer la crise sanitaire. Le rapport de la commission d'enquête parlementaire, qui parle d'improvisation, de retards, d'opacité, de mensonges, ou encore d'opportunisme, est édifiant. La démocratie a été gravement abîmée pendant cette période.

La confiance du peuple dans ses institutions politiques, dont le niveau n'était déjà pas très élevé, est au plus bas. Le peuple est dans une colère froide. Et la confiance ne sera pas restaurée par des incantations ou de vaines promesses. Elle ne le sera que par la certitude que le peuple est réellement souverain et que les décisions qu'il prend lors de scrutins sincères sont appliquées. Aucune de ces conditions n'est réunie à l'heure actuelle.

Il est donc particulièrement urgent pour la démocratie d'établir une assemblée constituante en vue d'une VIe République ; c'est l'élection présidentielle de 2022 qui le permettra.

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