Intervention de Aurélien Taché

Séance en hémicycle du mardi 21 novembre 2017 à 15h00
Renforcement du dialogue social — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Taché :

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nous avons aujourd'hui à connaître du projet de loi de ratification des ordonnances prises par le Gouvernement le 22 septembre dernier. Avec ces textes, nous donnons à nos PME les moyens de se développer et de créer de l'emploi, et nous misons sur le dialogue social, car nous savons que, partout ou il est présent, les résultats sont au rendez-vous. Dans ce combat pour l'emploi, chacun assume une part de responsabilité. Avec ce texte, nous faisons confiance aux entreprises en tant que collectif humain. Nous leur disons que, maintenant, c'est à elles de jouer, qu'elles doivent s'emparer des outils que nous leur proposons pour bâtir l'entreprise de demain. Nous sommes convaincus que c'est la bonne manière de s'attaquer au chômage, de redonner du sens au travail ; nous sommes persuadés qu'une entreprise moderne et performante est une entreprise démocratique et sociale.

Pour cela, nous ouvrons la voie à un nouveau modèle de dialogue social à la française. D'abord, en donnant plus de place à la négociation collective dans la définition de la norme. Les branches, et pas seulement l'entreprise comme on l'entend parfois, verront leur rôle renforcé. L'aménagement des horaires de travail, le recours aux CDI de projet, la mise à disposition de salariés entre entreprises : tout cela sera désormais défini dans le cadre de la branche. Composée des organisations représentatives, patronales et syndicales, c'est elle qui connaît la réalité du secteur et qui constitue le bon niveau de régulation. La branche prendra également en compte les spécificités des TPE et PME, afin de mieux les protéger. Par ce gage d'humilité, les parlementaires que nous sommes reconnaissent n'être pas les mieux placés pour imposer aux acteurs économiques et sociaux des normes parfois déconnectées de leur quotidien.

Pour être encore plus près des réalités, nous accélérons aussi la fusion des branches. De 700, elles passeront à 200 d'ici à la fin 2019 : moins nombreuses, elles seront tenues de négocier et auront les moyens de le faire. C'est cela, faire confiance aux salariés et à leurs représentants, plutôt que sans cesse prétendre pouvoir décider à leur place.

Cette prépondérance du dialogue social devra continuer dans l'entreprise : l'accord d'entreprise permettra de négocier au plus près du terrain. Ce n'est par exemple pas à la loi, ni à la branche d'organiser le recours au télétravail, nouveau droit ouvert aux salariés par les ordonnances.

Nous accorderons aussi aux entreprises les moyens d'organiser le dialogue social dans de bonnes conditions. La fragmentation de la représentation en dilue la force. C'est pour cela que nous avons rassemblé les trois anciennes instances de représentation des salariés dans le comité social et économique. En rassemblant les compétences des anciens délégués du personnel, du CHSCT et du comité d'entreprise au sein du comité social et économique, nous créons un lieu unique où tous les aspects de la vie de l'entreprise peuvent être discutés. Surtout, nous ouvrons la possibilité aux entreprises d'aller plus loin en conférant au comité social et économique la capacité de négocier, en y intégrant les délégués syndicaux, le transformant ainsi en un véritable conseil d'entreprise. Syndicats et dirigeants doivent se saisir de cette opportunité qui ouvre la voie à un nouveau modèle d'entreprise, fondé sur la codécision. Demain, sur tous les grands sujets comme la formation, l'égalité professionnelle, mais aussi la grille des salaires ou les normes du bien-être au travail, salariés et chef d'entreprise devront décider ensemble. L'entreprise deviendra alors, réellement, un bien commun.

Tout cela constitue un renforcement sans précédent des moyens du dialogue social. Il pourra aussi se tenir, demain, dans des TPE et PME, en permettant, là ou les syndicats sont malheureusement – je dis bien malheureusement – absents, de conclure des accords avec les représentants des salariés ou par le biais de référendums d'entreprise. De fait, nous sommes convaincus que les syndicats sont des acteurs majeurs de la démocratie sociale, même si, à l'image des mouvements politiques, ils doivent se réinventer et dépasser un certain nombre de clivages pour que les Français aient envie de s'y engager.

C'est pourquoi la majorité est également très attentive à la valorisation des compétences des délégués syndicaux. Nous savons bien que l'engagement syndical peut fermer des portes dans l'entreprise, et parfois même donner lieu à des discriminations. Pour favoriser les parcours professionnels des élus du personnel, nous mettrons en place des dispositifs de valorisation de leurs compétences. Nous voulons également suivre le développement de la négociation et de ses pratiques par la mise en place d'un observatoire du dialogue social, qui pourra identifier les meilleures pratiques, favoriser leur diffusion dans l'ensemble des branches et alerter sur les cas de discrimination syndicale. Voilà, mes chers collègues, la teneur du message que nous adressons aux entreprises.

Cette loi est une loi de confiance. Nous faisons confiance aux entreprises pour s'organiser, dialoguer et décider collectivement et dans le cadre de la loi, de la meilleure manière de se développer. En effet, il est facile de comprendre qu'aujourd'hui, une entreprise doit avoir les moyens d'adapter sa capacité de travail à une commande de dernière minute. Avec ce texte, les entreprises ont cette capacité ; elles ont les cartes en main pour évoluer dans une économie de l'innovation, ouverte, et pour augmenter le nombre d'emplois disponibles dans notre pays.

Au total, mes chers collègues, en multipliant les voies d'accès à l'emploi, en facilitant le recours au CDI, nous ne mettons pas fin au principe de faveur : tout au contraire, nous l'élargissons aux 2,7 millions de Français qui se trouvent actuellement au chômage. Et en procédant à ce que vous appelez « l'inversion de la hiérarchie des normes », nous affirmons simplement qu'en matière de droit social, le meilleur législateur, c'est le salarié.

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