Intervention de Elsa Faucillon

Séance en hémicycle du jeudi 14 janvier 2021 à 15h00
Politique du logement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElsa Faucillon :

C'est mon collègue Stéphane Peu qui aurait dû intervenir cet après-midi mais, ayant été testé positif au covid-19, il s'est placé à l'isolement comme il convient de faire en pareille situation.

À l'occasion de cette semaine de contrôle du Gouvernement, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a décidé, une fois de plus, de placer le logement au coeur des débats.

Élément constitutif de la dignité humaine, droit à valeur constitutionnelle, préoccupation prioritaire des Français, le logement est pourtant le grand sacrifié de votre politique : pas de ministère de plein exercice ; un budget amputé, année après année ; une loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique – ELAN – qui est néfaste sur bien des aspects, j'y reviendrai ; des attaques répétées à l'encontre des bénéficiaires des allocations logement ; des coups de rabot d'une ampleur inédite dans les ressources des organismes HLM.

Pour résumer, dérégulation et technocratisation sont les maîtres mots de votre politique du logement, qui donne de bien piètres résultats.

Sur ce sujet comme sur d'autres, nous ne cessons pourtant de vous alerter sur la dangerosité de ces recettes libérales. Sur ce sujet comme sur d'autres, vous n'écoutez aucune critique et refusez de remettre en question votre logiciel.

Pourtant le résultat est sans appel : la crise du logement n'a jamais atteint un tel niveau de gravité. Dans la sixième puissance économique mondiale, près de 15 millions de Français souffrent de mauvaises conditions de logement. Avant même la crise sanitaire, 300 000 personnes étaient sans domicile fixe dans notre pays. Signalons que ce chiffre, rendu public par la Cour des comptes en octobre dernier, est deux fois plus élevé qu'en 2012. Près de 3 millions de personnes vivent des logements surpeuplés, sans confort, précaires.

Malheureusement, la crise sanitaire aggrave encore la situation : depuis le premier confinement, 6 à 7 millions de nos concitoyens éprouvent de sérieuses difficultés à payer leur loyer ou les échéances de leur prêt bancaire ; les procédures d'expulsion explosent.

Malgré cela, vous refusez de prendre des mesures exceptionnelles pour amortir le choc. Votre obstination enfonce notre pays dans une crise du logement et dans la régression sociale, mais vous avez pourtant décidé de consacrer moins de 1 % des 100 milliards d'euros du plan de relance aux plus vulnérables de notre pays.

La part consacrée au logement dans le budget des ménages n'a jamais été aussi grande. La construction de logements s'effondre dans tous les secteurs : dans le logement social comme dans l'accession à la propriété, à la ville comme à la campagne, dans le logement pavillonnaire comme collectif. Les taux de rotation dans le secteur locatif, publics et privés, sont au plus bas, créant un immense embouteillage dont nous voyons les répercussions jusque dans l'hébergement d'urgence. Ce phénomène contribue à allonger la liste des demandeurs de logements HLM, dont le nombre n'a jamais été aussi élevé – 2 millions de ménages attendent.

Malgré tout cela, vous persistez à assécher le secteur. D'après le rapport du compte du logement 2019 qui viennent d'être publiés, jamais les aides publiques au logement n'ont été aussi faibles depuis la création de cet indicateur en 1984.

Comme si cela ne suffisait pas, le Gouvernement, addict au « en même temps », augmente les prélèvements sur le secteur, au point que nous en arrivons à une situation grotesque où l'État prélève plus de deux euros pour chaque euro d'aide qu'il verse.

Comment s'étonner que le pays soit plongé dans une crise du logement inédite, avec son lot de détresse et de drames humains ? Combien de familles mal logées, sans logis, ou incapables de faire face aux dépenses de logement frappent à la porte de nos permanences parlementaires pour appeler à l'aide ? Stéphane Peu et moi-même, élus de banlieues populaires, nous en recevons des dizaines par semaine. Sans relâche, nous écrivons aux maires, aux bailleurs publics et privés, au préfet ou sous-préfet, à Action logement, pour plaider ici et là, avec toujours la même détermination, en faveur de ces femmes – car il y a beaucoup de femmes – , de ces hommes et de ces enfants – qui n'arrivent pas, malgré leur ténacité, à obtenir ce toit décent et durable qui leur permettrait enfin de mener une vie normale.

Compte tenu de l'histoire si singulière de notre pays en la matière, comment pouvons-nous accepter une telle situation ? Jusqu'à présent, notre politique du logement constituait pourtant un amortisseur efficace des crises. La politique du logement était efficace car fondée sur une économie mixte : une jambe publique et l'autre privée, une économie de court terme et une économie de long terme, pour se soutenir alternativement l'une l'autre, afin de marcher.

Nous avons beau répéter que cet équilibre dynamique est le bon, vous n'en avez cure. La jambe publique étant votre ennemi, vous la cassez. Vous mettez à terre notre modèle HLM pourtant envié au-delà de nos frontières.

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