Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Séance en hémicycle du jeudi 14 janvier 2021 à 15h00
Politique du logement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Certains territoires souffrent plus particulièrement de la crise du logement. C'est le cas par exemple de la Corse où les loyers dans le parc locatif privé sont parmi les plus élevés de France, où le nombre de logements sociaux est très insuffisant et où le gouffre entre le prix de l'immobilier et le revenu moyen ne cesse de se creuser. Les caractéristiques structurelles de notre île, la pression importante du tourisme et la spéculation immobilière expliquent en grande partie ces difficultés.

Force est de constater toutefois que la politique menée par ce Gouvernement depuis le début du quinquennat n'aide pas à y remédier. Le parc de logements est très insuffisant dans certaines zones tendues. Pourtant, loin d'inciter à la relance de la construction, les restrictions budgétaires, votées loi de finances après loi de finances, ont ébranlé la confiance des acteurs du secteur. Les chiffres sont éloquents : le nombre de permis de construire délivrés n'a cessé de fléchir pour tomber à moins de 400 000 par an contre près de 500 000 en 2017. La crise sanitaire et les élections municipales ne peuvent être tenues pour seules responsables.

Un ensemble de décisions portant atteinte aux outils d'accession à la propriété sont à l'origine de ces mauvais résultats. Je pense à la suppression de l'APL accession en 2017 mais aussi à la réduction de la quotité du prêt à taux zéro dans les zones B et C. De même, les nombreuses tergiversations autour du dispositif Pinel, finalement prorogé jusqu'au 31 décembre 2022 puis reconduit pour les années 2023 et 2024 avec des taux de réduction d'impôts dégressifs, ont contribué à alimenter la défiance du secteur.

Les chiffres de la construction dans le parc social ont suivi la même dynamique. Comment aurait-il pu en être autrement alors que vous vous êtes attaqués aux finances des organismes HLM ? La baisse du montant des APL et la réduction de loyer de solidarité – RLS – , bien que tempérées par le pacte d'investissement, pèsent ainsi, à hauteur de 1,3 milliard d'euros, sur les finances des bailleurs sociaux, sans compter la hausse de la TVA sur la construction de logements sociaux, dont le taux est passé de 5,5 à 10 %. Il en va de même pour Action logement, de nouveau mis à contribution avec 1 milliard d'euros ponctionnés dans ses réserves. Si la situation financière du groupe semble lui permettre à court terme de supporter ce prélèvement, il est à craindre que, sur le long terme, elle porte préjudice à sa capacité à construire et à financer des logements sociaux et intermédiaires.

Une illustration du manque de logements est le taux de rotation dans le parcours résidentiel qui n'a jamais été aussi faible. Il est passé de 10,3 % en 2011 à probablement moins de 8 % en 2020. Cet engorgement prive près de 300 000 personnes sans domicile d'un logement durable, la majorité étant condamnée à résider dans des hôtels ou foyers éternellement saturés. Le plan de relance était une occasion unique de se saisir de la question de la construction du neuf et de faire enfin suite à la promesse du candidat Emmanuel Macron de produire un choc de l'offre. À mon grand regret, vous avez préféré rester muets sur la question au risque de nous exposer durablement à une pénurie de logements.

Je serai moins sévère concernant la rénovation énergétique des bâtiments, susceptible de procurer des bénéfices environnementaux, économiques et sociaux en contribuant à la réduction de la précarité énergétique et à la création d'emplois non délocalisables. Des avancées notables ont été réalisées depuis l'année dernière avec l'extension du dispositif MaPrimeRénov' aux propriétaires bailleurs, aux ménages des neuvième et dixième déciles et aux copropriétés.

Je suis cependant plus sceptique s'agissant des moyens déployés. La hausse des crédits prévue dans le plan de relance permettra à peine de revenir au niveau d'investissement public atteint en 2018 par le crédit d'impôt transition énergétique. Nous redoutons également que les acteurs de la rénovation énergétique tardent à se mettre en mouvement par crainte de l'instabilité des aides, les 2 milliards d'euros additionnels n'étant prévus que pour deux ans.

D'autres mesures importantes restent en outre à arbitrer. Il est en particulier nécessaire d'inciter à rénover globalement les bâtiments et de ne plus se contenter d'actes isolés dont l'efficacité est limitée. À cette fin, il devient urgent de définir un seuil de rénovation globale. Espérons que ces questions seront tranchées rapidement dans le cadre du projet de loi issu des conclusions de la convention citoyenne sur le climat. Vous ne pourrez toutefois pas vous contenter de miser sur la rénovation énergétique pour garantir à tous l'accès à un logement digne. Il devient en effet urgent de sortir le logement de l'impasse et d'inciter, à travers une politique ambitieuse, à la construction de logements.

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