Intervention de Isabelle Florennes

Réunion du mercredi 15 novembre 2017 à 10h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Florennes, rapporteure :

Plus de deux années de concertation auront été nécessaires pour que nous puissions aujourd'hui nous prononcer sur la nouvelle gouvernance du quartier de La Défense, confiée pour la première fois de son histoire aux collectivités territoriales et accompagnée d'un plan d'investissement à la hauteur des besoins de ce territoire. Car c'est bien l'enjeu de ce projet de loi : redonner à La Défense les moyens de répondre aux attentes de ses usagers en termes de qualité de vie, de services et de sécurité, mais également assurer son attractivité, dans le contexte du « Brexit », alors que d'autres grands quartiers d'affaires internationaux sont en pleine rénovation.

Pour comprendre les besoins spécifiques de ce territoire, doté de nombreux atouts, il faut se reporter à son histoire et aux difficultés de gouvernance qui, à plusieurs reprises, l'ont fragilisé.

Au milieu des années 1950, l'État décide de doter la capitale d'un grand centre d'affaires, à l'architecture moderne, comme en témoigne le dôme du CNIT ou la dalle sur laquelle sont progressivement construites les tours qui en constituent le paysage actuel : ces éléments, qui tranchent avec le style haussmannien du quartier de l'Opéra, deviennent le symbole même de la réussite de La Défense.

Conçue comme un quartier monofonctionnel dont les accès sont tournés vers la capitale, La Défense intègre toutefois plus difficilement les territoires qui l'environnent à sa dynamique. Plusieurs difficultés vont alors progressivement émerger. En premier lieu, les collectivités, sur le territoire desquelles se situe ce quartier, peu associées à son aménagement, ne souhaitent pas en assurer la gestion, ni financer l'entretien des ouvrages existants. L'État décide alors que l'établissement public chargé de l'aménagement, l'EPAD – Établissement public pour l'aménagement de la région de la Défense –, devenu en 2015 l'EPADESA – Établissement public d'aménagement de la Défense Seine Arche –, exercera cette mission ; toutefois, il n'attribue pas les ressources nécessaires à l'établissement public, qui se finance principalement sur la vente des droits à aménager, dont le produit est insuffisant pour couvrir sa mission principale et celle complémentaire d'entretien des ouvrages. En conséquence, en l'absence d'investissements réguliers, le quartier se détériore, et le coût des travaux à réaliser augmente fortement.

La Cour des comptes a dénoncé à plusieurs reprises cette situation, notamment dans un référé de 2007 et dans ses rapports publics annuels de 2013 et de 2015. Elle a notamment souligné que la création en 2007, à la suite d'une initiative parlementaire, d'un nouvel établissement gestionnaire, rebaptisé Defacto en 2010 et dont la gouvernance est confiée au département des Hauts-de-Seine et aux communes de Courbevoie et de Puteaux, n'avait pas résolu le problème majeur du financement des investissements à réaliser. En effet, Defacto, le gestionnaire, et l'EPADESA, l'aménageur, ne parviennent pas à s'entendre sur la répartition des charges leur incombant : les investissements, devenus entre temps urgents, continuent donc d'être repoussés.

C'est dans ce contexte que le préfet d'Île-de-France de l'époque, M. Jean-François Carenco, a été missionné par le Gouvernement pour définir une nouvelle gouvernance et apporter une solution au financement des investissements à réaliser. Sur la base de ses conclusions, une réforme fut annoncée en octobre 2015, qui conduisit, à la suite de longues concertations avec les deux établissements et les collectivités concernées, à l'habilitation accordée au Gouvernement par l'article 55 de la loi sur le statut de Paris du 28 février 2017, puis à l'ordonnance du 3 mai que nous nous apprêtons à ratifier.

Cette réforme me semble à la fois pragmatique – j'insiste sur ce point –, respectueuse des collectivités concernées et conforme aux demandes pressantes des usagers de La Défense.

Elle prévoit en effet, en premier lieu, de fusionner les deux établissements au sein d'un nouvel établissement public dénommé Paris La Défense, dont la gouvernance décentralisée est confiée à un chef de file, le département des Hauts-de-Seine, qui aura pour mission de fixer une stratégie de développement et d'assurer entre toutes les collectivités concernées la coopération territoriale qui a souvent fait défaut par le passé.

En second lieu, elle permet d'assurer le financement pérenne des investissements les plus urgents à réaliser, en rendant obligatoire l'adoption d'un programme pluriannuel d'investissements, dont le montant ne pourra être inférieur à 360 millions d'euros pour une période de dix ans.

Je tiens à préciser que l'ordonnance a pour mérite de laisser aux collectivités toute la souplesse nécessaire pour s'entendre sur le rôle et l'engagement de chacune d'entre elles dans ce projet, qui n'est plus seulement un projet d'État, même s'il porte une ambition nationale à laquelle nous sommes nombreux à être attachés, mais aussi un projet de territoire visant à désenclaver La Défense, à la moderniser et à la rendre plus accueillante, dans la continuité de projets qui témoignent de cette nouvelle orientation, comme l'U Arena ou les Jardins de l'Arche.

En somme, l'avenir de La Défense ne doit plus être défini par la seule activité de la dalle, mais bien s'inscrire dans un projet plus vaste, plus harmonieux et plus durable, incluant les territoires environnants dans sa dynamique et s'inscrivant dans un maillage économique francilien en pleine restructuration.

Je souhaiterais, en guise de conclusion, vous transmettre le message pressant des collectivités que nous avons auditionnées, qu'il s'agisse du département, qui s'est beaucoup impliqué dans ce projet, des communes sur le territoire desquelles se situe La Défense et Seine-Arche, mais également de la direction et des personnels des deux établissements publics.

Contrairement à ce qui a pu se dire, ce projet n'est pas précipité ; cela fait deux ans que les travaux ont été enclenchés.

Ce projet ne donne pas toute latitude au département des Hauts-de-Seine pour décider seul de la stratégie de gestion et d'aménagement ; il devra composer avec les collectivités, s'il souhaite mener à bien son programme de développement, qui demeure sous le contrôle du préfet.

Ce projet ne lèse pas les intérêts de l'État, qui s'est déjà, en pratique, quasiment retiré de l'aménagement et, a fortiori, de la gestion du site.

Ce projet, enfin, aurait certes pu être différent, mais les propositions alternatives n'abordent pas sérieusement la question du financement des investissements, qui est pourtant notre priorité et qui devrait être, au regard des enjeux de sécurité posés par l'état actuel de la dalle et des tunnels qui la traversent, celle de l'ensemble des acteurs qui s'intéressent à ce territoire.

Je fais mien ce message, et j'espère, mes chers collègues, que nous ferons oeuvre utile en ratifiant cette ordonnance.

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