Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du lundi 15 février 2021 à 16h00
Santé au travail — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

L'originalité du texte que nous examinons cet après-midi est de transposer dans la loi les conclusions d'un accord national interprofessionnel conclu le 10 décembre 2020. On ne peut que se satisfaire de la conclusion d'un tel accord, d'autant que les négociations étaient difficiles ; elles avaient d'ailleurs échoué en juillet 2019. Ces derniers mois, plusieurs accords interprofessionnels sont intervenus : je pense au Ségur de la santé ou encore à l'ANI sur le télétravail. Ils sont évidemment loin d'être parfaits, mais ils rappellent combien sont nécessaires la concertation et la négociation collective.

La santé au travail a fait l'objet du troisième grand accord national interprofessionnel conclu en 2020 ; celui-ci est d'autant plus important que le domaine de la santé au travail est en souffrance depuis de longues années. Comme dans un grand nombre d'autres domaines, la crise sanitaire a mis en lumière d'importants dysfonctionnements : pénurie de médecins du travail, systèmes illisibles et difficiles d'accès, inégalités territoriales.

Signer un tel accord était indispensable en raison des atteintes à la santé liées au travail que subissent nos compatriotes. Je pense évidemment aux effets de la précarisation des carrières sur le suivi des salariés et sur leur santé. Je pense également à la souffrance psychique, qui s'est accrue ces derniers mois, et dont nous mesurons encore mal l'ampleur. Les rapports de parlementaires ou de l'IGAS pointent depuis des années les mêmes lacunes.

Ce texte transposant les conclusions d'un accord national, il revient au législateur que nous sommes de veiller à ce qu'il respecte les équilibres trouvés par les partenaires sociaux. Veillons aussi à ne pas dénaturer la santé au travail : elle doit privilégier l'intérêt sanitaire individuel et collectif des salariés et garantir à tous les travailleurs un accès rapide et de qualité au service de santé au travail.

La proposition reprend les grandes orientations de l'accord, auxquelles le groupe Libertés et territoires ne peut que souscrire : décloisonnement entre santé publique et santé au travail, renforcement de la prévention, amélioration de la qualité du service rendu et de la gouvernance des services de santé au travail, renforcement de l'accompagnement de certains publics vulnérables et de la lutte contre la désinsertion professionnelle.

Nous prenons acte des améliorations apportées en commission sur l'obligation de la prise en considération du consentement du travailleur, en particulier concernant l'accès à son dossier médical partagé par le médecin du travail : un refus n'est pas porté à la connaissance de l'employeur et ne pourra pas être considéré comme une faute.

Nous avons aussi clarifié le fait que les rendez-vous de reprise, devenus rendez-vous de liaison, seront à l'initiative du salarié.

Par ailleurs, il était nécessaire de mieux intégrer les acteurs participant à l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap et de mieux protéger les travailleurs des situations de polyexposition. Certaines de nos propositions ont été intégrées au texte.

Malgré tout, certains points méritent d'être précisés, et nous pensons possible d'aller plus loin dans la transcription de cet accord. Nous insisterons sur la nécessité d'expliciter clairement dans la loi les différentes catégories de risques professionnels et de mieux prendre en compte les risques chimiques. Cela nous paraît d'autant plus important que le Gouvernement a supprimé par ordonnance, en 2017, quatre critères de pénibilité : postures pénibles, vibrations mécaniques, manutentions manuelles de charges, agents chimiques.

Par ailleurs, en vous en tenant à la prévention en santé au travail, vous ne faites pas suffisamment le lien avec la réparation et l'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Le travail peut être source de réelles souffrances aussi bien psychiques que physiques ; cette réalité ne doit être ni occultée ni minimisée.

Enfin, la pénurie de médecins du travail n'est pas traitée. Or nous comptons aujourd'hui un médecin pour 4 000 salariés dans le secteur privé, soit moitié moins qu'il y a quinze ans. Pour remédier à cet état de fait, vous proposez le recours aux médecins correspondants ; mais, dans un contexte de désertification médicale, nous doutons de son efficacité. La délégation de tâches et la pratique avancée pour les infirmières en santé au travail nous paraissent des solutions plus réalistes ; mais encore faut-il pouvoir avancer sur le statut, la formation et la protection de ces infirmiers, à l'instar de ce qui existe pour les médecins du travail.

Malgré ces insuffisances, nous abordons cette discussion de façon plutôt positive, conscients qu'il faut avancer sur ce sujet. Mais nous vous invitons tout de même à rehausser vos ambitions pour être à la hauteur de l'importance du sujet.

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