Intervention de Bruno le Maire

Réunion du mercredi 12 juillet 2017 à 12h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Je veux tout d'abord vous féliciter, monsieur le président, pour votre élection à la présidence de la commission des finances. Je tiens également à saluer l'élection du rapporteur général, ainsi que l'ensemble des membres de cette prestigieuse commission où j'ai eu l'honneur de siéger pendant une dizaine d'années. Je suis heureux de vous présenter ces premières orientations avec Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics ; nous collaborons étroitement et travaillons en parfaite entente.

Les grandes orientations économiques qui ont été retenues par le Président de la République et le Premier ministre en ce début de quinquennat déterminent les priorités et les grands choix budgétaires du Gouvernement. Au regard de la situation économique globale, trois éléments majeurs me semblent devoir orienter notre action publique.

Le premier est la révolution technologique sans précédent qui va bouleverser nos entreprises et le monde du travail. Je pense au développement de la robotique, à celui, très rapide, de l'intelligence artificielle, qui va modifier totalement notre rapport au travail, et à la révolution digitale, dont nous ne connaissons pas encore toutes les conséquences.

Le deuxième est le retour de la croissance dans la zone euro, même si elle est encore fragile, et les rivalités commerciales de plus en plus violentes que l'on observe à l'échelon mondial et qui peuvent mettre en difficulté et notre appareil productif et nos entreprises exportatrices. J'ai pu mesurer, lors du G20 de Hambourg, à quel point ces rivalités commerciales, l'accès aux marchés publics et la réciprocité des normes seront, dans les années à venir, un enjeu crucial pour le développement de notre économie, et donc pour nos comptes publics.

Le troisième réside dans le fait que les résultats de la France sont structurellement moins bons que ceux de ses partenaires européens. L'ambition du Président de la République, du Premier ministre, de Gérald Darmanin et de moi-même est donc d'accomplir la transformation économique de la nation française afin qu'elle cesse de faire structurellement moins bien que ses partenaires, que ce soit en termes de dépense publique – si celle-ci était, comme certains le croient, facteur de croissance et d'emploi, la France serait la nation la plus riche d'Europe et aurait le taux de chômage le plus faible –, en termes d'exportation ou de chômage. Alors que beaucoup de nos partenaires européens, notamment l'Allemagne, sont proches du plein-emploi, le niveau du chômage continue d'être, en France, scandaleusement élevé – et je pèse mes mots –, en particulier pour la population la plus fragile, c'est-à-dire les jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification.

Mon premier objectif, en tant que ministre de l'économie et des finances, est donc, je le répète, d'accomplir la transformation économique de la France. C'est parce que nous avons reculé durant trop d'années que nos résultats sont si médiocres au regard du potentiel exceptionnel de l'outil productif français.

Cette transformation passe, tout d'abord, par une augmentation des investissements dans l'innovation ; elle est nécessaire si nous voulons profiter des révolutions technologiques en cours. Je suis convaincu que si, il y a vingt ans, nous avons manqué la révolution des logiciels, qui a permis l'émergence aux États-Unis de Google, d'Amazon ou de Facebook, qui pèsent plusieurs centaines de milliards d'euros, nous pouvons réussir celle de l'intelligence artificielle et du traitement des données. L'enjeu, pour la France, est de gagner, non pas la révolution d'hier, mais celle de demain. C'est pourquoi j'ai annoncé que j'engagerais, à compter du mois de septembre, un plan de cession d'actifs, à hauteur de 10 milliards d'euros, qui concernera les participations de l'État dans certaines entreprises du secteur concurrentiel.

Nous devons ensuite transformer le marché du travail. Muriel Pénicaud, la ministre du travail, s'y emploie. Les textes en cours d'examen comportent, à cet égard, des éléments absolument décisifs, tels que la simplification du dialogue social, la nouvelle articulation de l'accord d'entreprise et de l'accord de branche et le plafonnement des indemnités prud'homales, qui sera de nature à rassurer toutes les PME qui hésitent à embaucher de peur qu'une condamnation devant les prud'hommes ne menace leur survie.

Nous engagerons également une réforme de l'assurance chômage, des régimes de retraite et de la formation professionnelle. Toutes les transformations structurelles de l'outil productif français, qui sont nécessaires pour faire mieux que nos voisins, seront ainsi menées à bien. J'ajoute que ces transformations seront accompagnées de différentes mesures de simplification, que Gérald Darmanin mettra en oeuvre, et de lutte contre la « surtransposition » des directives européennes. Je peux témoigner, en tant qu'ancien ministre de l'agriculture, que l'outil agricole français pâtit moins des règles édictées par Bruxelles que de la manie qu'a l'administration française de « surtransposer » les directives. En outre, je vous présenterai, en 2018, un projet de loi visant à soutenir les petites et moyennes entreprises (PME) et à nous permettre de créer l'équivalent français du Mittelstand allemand, c'est-à-dire un réseau d'entreprises de taille intermédiaire susceptibles de se développer et d'affronter la concurrence internationale dans les meilleures conditions possibles. Toutes les propositions que vous pourrez me faire parvenir sur ce sujet seront les bienvenues.

Le deuxième grand volet de notre action consiste à réduire nos déficits publics pour répondre à nos engagements européens. Je ne reviens pas sur l'état de dégradation de nos comptes publics relevé par la Cour des comptes. Je préfère me tourner vers le futur plutôt que d'accuser le passé, car il me semble que nos compatriotes attendent davantage d'ambition pour notre pays et moins de querelles politiques. Tel sera, en tout cas, mon état d'esprit.

Cependant, je ne peux pas m'empêcher de constater que le niveau de nos dépenses publiques est structurellement supérieur de dix points à celui de nos partenaires européens, sans que nous obtenions, pour autant, des résultats plus satisfaisants. Notre pays fait l'objet d'une procédure de déficit excessif depuis plus de dix ans. La France, qui a créé l'Union européenne, qui est censée être un leader de la construction européenne à un moment où celle-ci est, hélas ! à l'arrêt, ne peut pas se satisfaire de cette situation. Si nous poursuivons dans cette voie, nous serons, en 2018, le dernier État, avec l'Espagne, à être sous le coup de cette procédure, alors que neuf pays de la zone euro dégagent un excédent budgétaire.

Non seulement la réduction des déficits publics est utile à chaque Français, mais notre poids politique en Europe est directement lié à notre crédibilité budgétaire. Nous ne pouvons pas exiger que l'on revienne sur la directive relative aux travailleurs détachés, que la réciprocité soit introduite dans les accords commerciaux et que les intérêts agricoles soient mieux défendus si nous ne respectons pas nos engagements européens.

Je travaille actuellement à un approfondissement de l'Union monétaire. Il s'agit de la transformer, en cinq ans, en Union économique, en réalisant l'union bancaire, en parvenant à l'harmonisation de la fiscalité, notamment de l'impôt sur les sociétés, et en créant un budget de la zone euro géré par un ministre des finances ainsi qu'un fonds monétaire européen destiné à se substituer au FMI qui, selon moi, n'a pas sa place dans la zone euro. Pour parvenir à cet objectif historique, encore faut-il que la France retrouve sa crédibilité budgétaire.

Pour 2017 et 2018, nous réduirons donc notre déficit budgétaire afin de respecter notre engagement en la matière. Ainsi que je l'ai annoncé hier lors de la réunion des ministres des finances de la zone euro, nous tiendrons, en 2017, notre engagement de ramener le déficit public à 3 %. C'est difficile, cela suppose que soient prises des décisions que Gérald Darmanin vous détaillera, mais c'est indispensable pour les Français et pour la place de la France dans la zone euro et dans la construction européenne.

Troisième élément : il est absolument nécessaire de baisser simultanément les prélèvements obligatoires. Il n'existe en effet selon moi – et le Président de la République ainsi que le Premier ministre sont d'accord sur ce point – aucune contradiction entre la baisse de la dépense publique et celle des prélèvements obligatoires. Je crois, au contraire, que l'une et l'autre doivent aller de pair : c'est ainsi que notre pays retrouvera un élan économique et que nous améliorerons les rentrées fiscales et, plus globalement, la situation budgétaire du pays. Je plaide donc – et nous décidons, en équipe, avec le Président de la République, le Premier ministre et Gérald Darmanin – pour baisser simultanément les déficits et les impôts. J'ajoute qu'il n'est point besoin d'être un grand observateur, le grand homme ou la grande femme de terrain que vous êtes tous, pour constater que les Français ne supportent plus les augmentations d'impôts. Ils attendent de nous, et le Président de la République et le Premier ministre en ont pris l'engagement, que nous diminuions les prélèvements obligatoires d'un point d'ici à la fin du quinquennat.

Quelle forme prendra cette baisse des prélèvements obligatoires ?

Il s'agit tout d'abord de revaloriser le travail. C'est pourquoi nous supprimerons, à partir de 2018, les cotisations maladie et les cotisations chômage acquittées par les salariés, de sorte que leur feuille de paye s'en trouvera améliorée à compter de l'année prochaine. Pour financer cette mesure, la contribution sociale générale (CSG) augmentera de 1,7 point au 1er janvier 2018.

Le deuxième train de mesures d'allégement des prélèvements obligatoires a pour objet de favoriser la compétitivité des entreprises françaises. Il ne s'agit pas de baisser les impôts pour baisser les impôts : le sens de ces mesures est de valoriser le travail et d'améliorer la compétitivité des entreprises françaises.

Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) sera donc supprimé, à compter des salaires versés en 2019, et transformé en allégement des cotisations patronales, dispositif plus efficace qui pèsera moins sur la trésorerie des petites entreprises.

Le taux normal de l'impôt sur les sociétés sera progressivement réduit pour atteindre 25 % à la fin du quinquennat, ce qui nous placera dans la moyenne des pays européens et permettra d'accélérer l'harmonisation fiscale de la zone euro.

La contribution de 3 % sur les revenus distribués, récemment condamnée par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), sera supprimée.

Pour stimuler l'investissement, mieux financer nos entreprises et améliorer les performances de notre économie, l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), qui décourage l'investissement, sera supprimé dès 2018. Il sera remplacé par un impôt qui ne pèsera plus que sur les biens immobiliers.

Un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % sur les revenus du capital sera instauré en lieu et place des dispositifs actuels, complexes et illisibles.

Enfin, pour soutenir la demande des ménages, la taxe d'habitation sera progressivement supprimée pour 80 % des ménages, et une première étape de cette suppression interviendra dès janvier 2018.

Le dernier point de cette transformation fiscale, et de l'allégement des prélèvements obligatoires, est la révision de la fiscalité énergétique afin de permettre à notre économie d'accomplir la transition énergétique absolument indispensable. La composante carbone de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sera augmentée de façon plus ambitieuse que la loi sur la transition énergétique ne le prévoit, et fixée à 86 euros la tonne d'ici à la fin du quinquennat. Le tarif applicable au gazole sera progressivement aligné sur celui de l'essence, suivant un agenda progressif qui permettra aux industriels et aux ménages de s'adapter.

Avec toutes ces mesures de transformation de l'économie française, de réduction de la dépense publique et de baisse des prélèvements obligatoires, nous estimons pouvoir conserver une trajectoire de croissance de 1,7 % en 2018 et 2019, ainsi qu'entre 2019 et 2021, puis de 1,8 % en 2022. Cette prévision de croissance rejoint très précisément celle de la Banque de France pour 2017 et 2018. L'objectif est de permettre à la France de retrouver davantage de croissance potentielle que lors des dernières années.

Voilà les quelques éléments que je voulais porter à la connaissance de votre commission. Le rôle du ministre de l'économie et des finances dans les années qui viennent sera d'accomplir cette transformation économique pour valoriser les atouts considérables dont disposent l'économie, les entreprises et les salariés français, et qui ont malheureusement trop souvent été mal employés au cours des années passées.

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