Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mercredi 12 juillet 2017 à 12h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Je me permettrai de commenter le propos introductif du ministre de l'économie et des finances. Vous le savez, nous remettons en question le choix macroéconomique de politique de l'offre, catastrophique pour la France et pour l'Europe. Vous avez fait mention d'une rivalité commerciale de plus en plus violente ; c'est le moins que l'on puisse dire. Mais, ce constat étant fait, pourquoi persister à élaborer des accords de libre-échange tels que le partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TAFTA) ou l'accord économique et commercial global (CETA) – CETA dont la presse nous apprend que M. Juncker a l'intention de le faire appliquer dès septembre, avant même que les parlements nationaux se soient prononcés, ce qui en dit long sur la manière dont le libre-échange et la finance supplantent la souveraineté populaire.

Vous présentez comme un fait établi le retour de la croissance dans la zone euro, mais certaines institutions qui ne sont pas précisément classées à l'extrême-gauche sont beaucoup plus dubitatives. C'est le cas du Fonds monétaire international (FMI) : dans un rapport publié le 6 juillet dernier, il redoute que « le démantèlement du renforcement de la régulation financière » décidé après la crise de 2008 « ne conduise à un affaiblissement des capitaux propres et des réglementations, entraînant des conséquences négatives pour la stabilité financière mondiale, notamment dans l'Union européenne ». Je me prononcerais donc d'une manière moins assurée que vous ne l'avez fait sur la croissance promise pour les années à venir et sur laquelle s'appuient vos calculs, car la question structurelle affectant le capitalisme financiarisé qui nous fait souffrir n'est pas réglée.

Vous désignez la France comme la mauvaise élève de l'Europe, axiome à partir duquel vous construisez la théorie de l'impérieuse nécessité d'une transformation radicale de l'économie. Mais pourquoi le seul critère à prendre en compte devrait-il être celui de la stabilité financière ? L'Espagne, qui connaît l'exode massif de sa jeunesse et des taux de chômage et de pauvreté explosifs, serait assez surprise d'entendre que nous jugeons notre situation moins bonne que la sienne, au motif que rebondir quand on est au fond de la piscine serait le signe d'une meilleure santé économique. Et, en Allemagne, selon les chiffres du FMI, le taux de pauvreté est de 17 % – contre 14 % en France – et un actif sur dix est pauvre, cette proportion ayant doublé dans les années récentes. Il y a chômage et chômage, comme il y a statistiques et statistiques, et l'on voit que, même pour l'économie allemande qui nous fait largement payer son modèle tourné vers l'exportation par le biais d'un euro fort, la situation n'est pas aussi positive que vous l'indiquez.

Vous avez donc annoncé la transformation économique de la France. Auriez-vous assisté à l'audition de M. Michel Sapin que vous n'auriez pas renié ses propos : la continuité est patente avec un prédécesseur nous expliquant qu'il faut continuer de réduire recettes et dépenses publiques. Je ne suis donc pas certain que soit à l'oeuvre une transformation structurelle. La même politique est à l'oeuvre, selon laquelle il faudrait voir dans la fameuse exigence d'un déficit maximal de trois pour cent des comptes publics – règle griffonnée en son temps sur un coin de table par Jacques Delors et quelques autres – l'alpha et l'oméga de la santé économique de notre pays.

Vous nous indiquez donc que vous vous apprêtez à réaliser 4,5 milliards d'économies d'ici la fin de l'année. Soit cette annonce est un enfumage, car on peine à croire que chaque ministère ait pu rendre une copie aussi précise deux semaines après la publication de l'audit de la Cour des comptes, soit cette évolution avait été anticipée par la haute administration, ce qui est quelque peu inquiétant sur le plan démocratique ; je penche pour la seconde branche de l'alternative.

À vous entendre, monsieur le ministre, on a le sentiment que vos décisions budgétaires n'auront aucun impact sur l'efficacité de l'État. Mais quand 141 millions d'euros sont soustraits du budget de l'aide au développement alors que le document préparatoire au débat d'orientation budgétaire parle d'égalité et d'un appui accru de la France aux politiques de développement, on ne peut manquer de s'interroger. Et que dire des 40 millions d'euros dont vous privez l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), quand nous devons faire face à la situation que l'on sait ? Comme est opportun l'« ajustement du fonds de roulement » de l'Office qui justifie cette annulation de crédits ! Ces annulations auront un impact inévitable sur l'efficacité de l'État.

Vous expliquez la baisse des recettes annoncée pour l'an prochain par le fait que les Français « ne supportent plus » les augmentations d'impôts. Mais ce qu'ils ne supportent plus, c'est que ce soit, bien souvent, sur les classes moyennes que l'imposition pèse le plus fortement. Or, vous prévoyez que ceux qui profitent depuis des années de la situation voient une nouvelle fois leurs impôts baisser. Je parle de la réduction du périmètre de l'ISF et du plafonnement à 30 % du prélèvement sur les revenus du capital. Nous pourrions, en revanche, approuver la réduction à 25 % de l'impôt sur les sociétés, qui figurait d'ailleurs dans notre programme, à condition d'avoir la garantie que les grandes entreprises les payent effectivement, au lieu des 8 % qu'elles payent en moyenne, contre 33 % pour les PME.

Toute une partie des mesures annoncées profite au capital. Pourtant, le problème n'est pas le coût du travail : l'année dernière, les bénéfices des entreprises du CAC40 se sont établis à 75 milliards d'euros, en hausse de 32 % en un an ! En réalité, ce n'est pas d'une surtaxation des revenus du capital et des dividendes que souffre la France mais de la surtaxation croissante des revenus du travail. Pour remédier à cette situation, vous reprenez une mesure proposée par Mme Le Pen pendant la campagne électorale, consistant à réduire les cotisations sociales pour les transférer sur la CSG. Pour notre part, nous considérons les cotisations comme un salaire socialisé et non comme une charge ; autant dire que vous redonnez d'une main ce que vous avez pris de l'autre. Ce n'est nullement la politique qu'il faudrait suivre pour relancer la consommation populaire, et elle affaiblira la solidarité nationale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.