Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mercredi 12 juillet 2017 à 12h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Mme de Montchalin m'a interrogé sur les gels de crédits. La loi de finances pour 2017 prévoyait déjà 7 milliards de dépenses publiques de plus que la loi de finances pour 2016. La Cour des comptes a constaté qu'il y aurait, en cours d'année, 7 milliards d'euros de dépenses non budgétées en 2017, soit, en un an et demi, 14 milliards de dépenses publiques supplémentaires.

Lorsque nous faisons 4,5 milliards d'euros d'économies, qu'il s'agisse d'annulations de crédits, de décrets d'avance ou de « refroidissement », nous ne faisons donc que limiter à 2,5 milliards la dépense publique supplémentaire par rapport à celle prévue dans la loi de finances. À ceux qui parlent d'austérité, je rappelle que nous allons dépasser de 2,5 milliards en fin d'année le budget voté par le Parlement !

Des crédits ont parfois été gelés sur des rubriques « ingelables », si je puis dire. Par exemple, geler l'AAH signifie-t-il que l'on propose de ne pas la verser à partir du onzième mois de l'année ? Pour geler des crédits du domaine de la réserve, encore faut-il que l'on puisse les mettre en réserve. C'est l'une des critiques formulées par la Cour des comptes dans son rapport.

Je n'entrerai pas dans le détail sur les 4,5 milliards d'euros d'économies, car c'est aux ministres avec lesquels nous avons négocié de le faire. Toutefois, je ne peux pas laisser dire qu'il y aurait une rigueur, une austérité particulière. Il y a simplement des gens qui essaient d'être rigoureux et sérieux dans l'utilisation de l'argent public. Ce que nous proposons est courageux et permet à la France de tenir parole en ramenant le déficit public sous la barre des 3 % du PIB.

Madame Rabault, s'agissant de la taxe d'habitation, je ne peux pas être d'accord avec vous, parce que vous faites semblant de croire que nous allons procéder en augmentant progressivement le nombre des bénéficiaires de l'exonération. La vérité est que tous les ménages faisant partie des 80 % visés vont bénéficier, dès la première année, de la diminution d'un tiers de leur imposition. Cela représente un gain de pouvoir d'achat immédiat et pour tout le monde. Nous travaillons sur ce dossier avec les élus locaux, et nous aborderons ce point lors de la Conférence nationale des territoires, afin de proposer aux parlementaires, dans le cadre de la loi de finances, de mobiliser 3 milliards, ce qui représentera autant de pouvoir d'achat supplémentaire pour nos concitoyens.

Je constate que, la semaine dernière, à l'Assemblée nationale, on nous disait que l'augmentation de la CSG allait être mise en oeuvre tout de suite tandis que la suppression de la taxe d'habitation interviendrait plus tard, et qu'aujourd'hui on nous demande comment nous allons faire. Les choses progressent : personne ici n'a dit que la taxe d'habitation était un impôt juste, tous les élus locaux pouvant constater qu'il est au contraire injuste pour les habitants. Dans ma commune, par exemple, un chef d'entreprise qui gagne correctement sa vie paie parfois la même chose, voire moins, que la secrétaire médicale qui vit dans un logement social. C'est aussi un impôt injuste pour les communes, puisque les recettes fiscales ne sont pas les mêmes dans une commune située en milieu rural et dans une commune où les habitants ont du pouvoir d'achat. On m'a expliqué qu'il fallait revoir immédiatement les valeurs locatives, mais on en parle depuis les années 1970 et rien n'a été fait... Pardonnez-moi de n'avoir pas fait avancer le dossier en six semaines, et souffrez que je revienne devant votre commission une fois que j'aurai rencontré les élus locaux.

S'agissant du RSI, vous me permettrez de faire sous peu une réponse commune avec Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, mais je peux d'ores et déjà vous dire que les promesses du Président de la République seront tenues, puisque nous allons adosser le RSI au régime général le 1er janvier prochain. L'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale des finances (IGF) travaillent actuellement sur ce dossier, et je suis sûr que votre commission s'y intéressera de près. Nous ferons ce que beaucoup de candidats à l'élection présidentielle avaient promis, et en particulier le Président de la République.

La hausse de la CSG fera naturellement l'objet d'une compensation pour les indépendants, ainsi que pour les fonctionnaires, mais vous me permettrez d'aborder cette question d'abord avec les syndicats de la fonction publique. Je reviendrai vers vous dès que nous aurons eu un premier échange avec eux.

Je n'ai pas compris si Mme Louwagie approuvait ou non que l'on ne fasse que 110 000 contrats aidés, M. Sapin en ayant consommé 190 000 dans les cinq premiers mois, soit 70 % des crédits, ce qui n'est pas très républicain. On a constaté que le nombre de contrats aidés a augmenté à la veille des élections, mais c'est sans doute un hasard statistique... Nous ferons donc 110 000 contrats aidés, c'est-à-dire que nous allons ajouter de l'argent puisqu'il était prévu de n'en faire que 280 000. Trois axes permettent de réaliser 4,5 milliards d'économies : le décret d'avance, les mesures d'annulation et les mesures de « refroidissement », qui concernent notamment les contrats aidés. La tendance est en effet à la diminution du nombre de contrats aidés au second semestre, ce qui représente 300 millions d'euros d'économies.

Vous parliez tout à l'heure des autres mesures de refroidissement. Je constate que la loi de finances pour 2017 a prévu des économies, notamment sur APL, et que le précédent gouvernement ne les a jamais mises en oeuvre. La Cour des comptes a d'ailleurs souligné que certaines économies n'étaient pas au rendez-vous, dont, justement, la baisse des APL. Nous appliquerons, pour notre part, les mesures qui ont été votées par le Parlement.

J'ai expliqué tout à l'heure pourquoi nous ne présentions pas de collectif budgétaire. L'intervention de Bruno Le Maire me permet de compléter la réponse que j'ai pu donner à M. le président. M. Sapin a dû vous expliquer qu'en l'absence de recapitalisation prévue d'Areva, alors qu'il fallait le faire avant le 30 juillet, il n'était pas possible de sauver l'un des fleurons de l'industrie française par une loi de finances rectificative.

Nous avons dû trouver, monsieur Coquerel, 1,5 milliard en un mois et demi, ce dont nous nous serions bien passés. Soit nous sommes allés très vite et vous avez considéré, si je puis me permettre cette expression imagée, que c'était « du flan », soit nous ne sommes pas allés vite et c'était prévu. Pour ma part, je me permets de proposer une autre option, à savoir que nous avons été bons... Dommage que vous n'ayez pas eu cette idée ! Je remercie en tout cas les équipes qui y ont travaillé.

Madame Rabault, l'objectif du Président de la République est de faire baisser la dépense publique de trois points de PIB, soit la moyenne des économies réalisées par les pays de la zone euro depuis 2010. La France prend donc exemple sur ses voisins et amis. Vous verrez bien si nous y serons parvenus à la fin de la législature...

Il est important que la loi de règlement soit une vraie loi d'évaluation, ce qui évitera sans doute d'attendre les rapports d'inspection, les tribunes de spécialistes dans les journaux, même si elles sont très intéressantes, et les audits de la Cour des comptes. L'avis le plus autorisé sur l'efficience de la dépense publique doit être celui donné par les parlementaires eux-mêmes, et en particulier par les membres de la commission de finances. Le Gouvernement souhaite, et il espère être suivi par le Parlement, transformer la loi de règlement en véritable contrôle de l'exécution du budget, en loi d'évaluation des écarts de dépenses et de vérification de la bonne réalisation des objectifs mis en place par les ministres.

S'agissant de l'aide publique au développement, il ne s'agit en rien de coupes budgétaires, comme cela a pu être écrit à la une des journaux – je vous signale au passage, madame Louwagie, que ce n'est pas moi qui choisis la une des journaux. Je suis très heureux que l'on fasse des économies sur le budget de l'État, pour la bonne et simple raison que le rapport de la Cour des comptes a indiqué que c'était lui qui avait dérivé, et non celui des collectivités locales ou de la sécurité sociale.

Pour répondre à une question qui ne m'a pas été posée, je dirai que la diminution des dépenses publiques est en proportion de tous les champs de la dépense publique, car vous aurez noté que je suis ministre des comptes publics et non pas seulement du budget de l'État. Nous avons trouvé un moyen de travailler en commun, notamment avec les collectivités locales – le Président de la République en dira certainement un mot le 17 juillet – pour que ces économies soient fondées non pas sur des baisses de dotations, mais sur des objectifs d'économies. Cela nous paraît plus conforme à l'idée générale que nous nous faisons des relations avec les collectivités locales.

Je rappelle que la taxe sur les transactions financières (TTF) est extrêmement dynamique, puisque ce sont ainsi plus de 270 millions d'euros qui sont affectés à l'aide publique au développement. La France ne change pas de politique en la matière, mais il fallait procéder à des économies cette année, et nous aurions tous aimé pouvoir parler d'autres choses que d'économies. Nous avons réparé les erreurs de nos prédécesseurs pour que notre pays tienne parole, parfois dans des circonstances difficiles. Lorsque l'on maintient le budget de la défense au niveau de celui prévu dans la loi de finances, cela représente un effort significatif. Je vous rappelle que la loi de finances a été construite sur un déficit de 2,7 % et que nous allons finalement parvenir à 3 %. En tout cas, c'est ce que nous espérons. Rendez-vous au mois d'avril prochain, lorsque la Commission européenne constatera que les efforts de la France lui auront permis de tenir sa parole, ce qu'elle n'a pas fait depuis onze ans !

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