Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du mercredi 3 mars 2021 à 15h00
Mutations du secteur aérien face aux défis économique et écologique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Ce débat sur l'avenir du secteur aérien est bienvenu. Mais les cinq minutes qui nous sont imparties ne peuvent permettre d'analyser le caractère systémique du défi posé au secteur. Nous sommes tous conscients que la pandémie n'a pas seulement percuté le secteur aérien à la façon d'une simple crise conjoncturelle, aussi brutale soit-elle, et dont il suffirait seulement de garantir les moyens d'une relance efficace ; elle interroge profondément sur le sens de notre modèle économique, sur les conséquences climatiques et humaines de l'internationalisation des échanges et du transport de voyageurs, et sur l'ampleur des révolutions à conduire pour ne pas foncer demain encore plus vite dans le prochain mur.

Par ses spécificités, par le fait que son développement est intimement lié aux logiques capitalistes de rentabilité, d'internationalisation et d'accélération des échanges, le secteur aérien est sans doute un des meilleurs révélateurs des révolutions que nos sociétés auront à conduire dans les décennies à venir. Ne pas entrer sur ce terrain de l'analyse globale et systémique, c'est à mon sens, déjà, se condamner à ne pas répondre de façon éclairée aux problèmes auxquels le secteur aérien va devoir faire face.

Ainsi, si nous nous concentrons sur les liaisons aériennes internes et européennes, nous devons nous interroger sur les logiques qui ont orienté toute la politique des transports ces dernières années. Pour l'aérien, faut-il retenir autre chose que la privatisation et la mise en concurrence systématiques des compagnies pour faire baisser les prix, abaisser les standards sociaux des salariés, avec pour seul bénéfice celui du développement spectaculaire, sous perfusion d'aides publiques, des compagnies low cost, championnes du dumping social et fiscal ? Cela a-t-il fait une politique du transport et du transport aérien, monsieur le ministre ? Je ne le crois pas.

Si, sur la question des émissions de gaz à effet de serre du secteur, qui représentent de 2,5 à 5 % des émissions mondiales selon les critères d'analyse retenus, de 3 à 4 % des émissions du secteur des transports en France, nous nous concentrons uniquement sur le fait de savoir s'il faut supprimer unilatéralement des liaisons internes ou internationales, ou au contraire miser sur la seule amélioration de l'efficacité énergétique des appareils pour s'ajuster aux objectifs climatiques, cela suffira-il à faire une politique du transport et du transport aérien pour les décennies à venir, mes chers collègues ? Je ne le crois pas.

Si, sur la question industrielle et des services de la filière aéronautique et aérienne, qui pèse lourd en France, avec ses 350 000 emplois, la réponse est seulement de savoir combien des 65 000 emplois directement menacés depuis un an seront sauvés par l'accompagnement d'aides publiques sans condition, ou pire, sous simple condition de retour à la rentabilité des groupes, cela fera-il une véritable politique publique du transport aérien pour les années à venir ? Je ne le crois pas.

Si je dis cela, c'est parce que, comme pour le secteur stratégique de la production et de la distribution d'énergie, nous considérons que le secteur aérien est un secteur à sortir prioritairement des logiques de rentabilité et de concurrence.

La priorité politique que défendent les communistes, c'est la création d'un véritable pôle public de transport des voyageurs et de marchandises, seul en capacité d'oeuvrer à la complémentarité – je dis bien complémentarité – des différents modes de transport, et à la coopération – je dis bien coopération – entre entreprises publiques et entre pays européens.

Si nous voulons réellement décarboner le secteur aérien, tout en garantissant à long terme les conditions d'une mobilité raisonnée mais aussi le maintien de l'emploi industriel et de services, alors il faut en passer par un pôle public de transport reposant à la fois sur la mise en réseau et une coopération directe des entreprises de transport, en commençant par Air France et la SNCF. Bien évidemment, cela passe aussi par une gestion efficace et coordonnée des réseaux et infrastructures exerçant les missions de service public et d'intérêt général.

Je résume : il faut une cohérence, il faut une complémentarité du quotidien adossée à une véritable planification de long terme, depuis la gestion des réseaux et des infrastructures jusqu'au service rendu aux usagers, et donc un pôle public, sous contrôle public et social, relevant les objectifs assignés par une politique publique de transport dans toutes ses dimensions, climatique, économique, social et de recherche. C'est cela que nous avons à construire en urgence, avec lucidité, pour répondre aux crises systémiques et à la crise du secteur aérien en particulier. À défaut, tous nos discours ne seront que calembredaines et brimborions de solution.

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