Intervention de Boris Vallaud

Séance en hémicycle du jeudi 23 novembre 2017 à 21h30
Renforcement du dialogue social — Article 9

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

La pénibilité est caractérisée par le fait d'être ou d'avoir été exposé au cours de son parcours professionnel à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé du travailleur. Ces facteurs sont déterminés par décret. Par cette ordonnance, vous proposez de supprimer le compte personnel de prévention de la pénibilité pour lui préférer un compte qui nous renvoie aux prémisses des réflexions et des négociations sur cette question fondamentale.

Le rapporteur n'a eu de cesse de nous renvoyer à l'opposition entre les droits réels et les droits formels pour justifier les régressions proposées, plutôt que de tenter de rendre le dispositif efficace et protecteur. Il l'a d'ailleurs fait sur ce sujet de la pénibilité.

Mais je voudrais lui rappeler que le C3P – compte personnel de prévention de pénibilité – n'est pas un droit théorique. Depuis l'entrée en vigueur en 2015 du dispositif, près d'un million de comptes pénibilité ont été ouverts. Un tiers d'entre eux sont crédités de quatre points, un autre tiers de huit points. Peu de personnes sont parties en retraite de manière anticipée, mais cela est dû au fait que l'utilisation de points n'était possible qu'à partir de 2016 et que les entreprises ont largement pratiqué la sous-déclaration dans l'attente des élections.

Madame la ministre, le sujet est grave. Les expositions à la pénibilité en France sont particulièrement importantes, qu'il s'agisse du travail de nuit, de l'exposition aux mouvements répétitifs, du port de charges lourdes, de l'exposition aux produits chimiques, des températures extrêmes ou des postures douloureuses.

Autant d'expositions importantes que vous sortez du dispositif en renvoyant à une visite médicale de fin de carrière qui change radicalement la philosophie du dispositif : nous passons à un système de réparation, et non plus de prévention. Le C3P visait à inciter les entreprises à améliorer les conditions de travail, pas seulement à permettre aux actifs dans des métiers pénibles de partir plus tôt à la retraite ; mais voilà que vous réduisez de dix à six le nombre de facteurs pour lesquels les modalités de déclaration ne changent pas.

Aussi, exit le principe du pollueur-payeur qui était au coeur du C3P. Vous chargez désormais la branche accidents du travail et maladies professionnelles de gérer les dépenses et la gestion du compte professionnel. Ainsi, les entreprises ont obtenu la suppression des deux cotisations qui constituaient pour elles une nouvelle cotisation. Rappelons que le choix de financement par la création d'un fonds financé par deux cotisations patronales traduisait la solidarité interprofessionnelle qui doit s'exercer.

Bref, vous renoncez à un progrès pour faire un bond de plusieurs années en arrière. Les gens demeureront inégaux face aux maladies professionnelles.

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