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Olivier Serva
Question N° 12224 au Ministère de l'éducation nationale


Question soumise le 18 septembre 2018

M. Olivier Serva attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur l'avenir des classes bilangues au sein des départements d'outre-mer. Les départements d'outre-mer sont des territoires plurilingues, où le français côtoie des langues régionales. Dans le temps, de nombreuses réformes ont positionné les langues régionales telles que le créole au même niveau que d'autres langues, notamment dans le cadre de l'enseignement des langues vivantes régionales. La circulaire n° 2017-072 du 12 avril 2017 souligne les avantages des classes bilangues en indiquant que « l'enseignement de la langue régionale dispensé sous la forme bilingue français-langue régionale contribue au développement des capacités intellectuelles, linguistiques et culturelles des élèves ». Par ailleurs, cette circulaire rappelle que « tout en permettant la transmission des langues régionales, il conforte l'apprentissage du français et prépare les élèves à l'apprentissage d'autres langues ». De plus, le Président de la République a rappelé après son élection en mai 2017 son attachement au plurilinguisme et à l'importance de l'enseignement des langues à l'école dans le cadre des classes bilangues. La systématisation des classes bilangues dès la classe primaire au sein des départements ultramarins, territoires où les langues régionales possèdent de fait un statut sociopolitique inférieur par rapport au français, participerait au renforcement de l'identité culturelle et linguistique des élèves, permettrait une meilleure compréhension de la langue française à l'école et réduirait également les inégalités, notamment pour les élèves qui ne connaissent que la langue régionale comme langue maîtresse. La diversité linguistique des territoires appelle donc une politique volontariste tournée vers le plurilinguisme. En Guadeloupe, des expérimentations portant sur le développement de classes bilangues existent depuis les années 1960, notamment à travers le travail de personnalités telles que Dany Bébel-Gisler, Gérard Laurette ou encore Sylviane Telchid. De nombreuses expérimentations ont déjà été effectuée au sein d'autres départements, notamment dans l'académie de Guyane ou encore en Guadeloupe, depuis 2012, avec 13 classes bilangues français-créole de la maternelle au CM2. Il souhaiterait donc savoir quel futur le Gouvernement entend donner à ces expérimentations déjà mises en place au sein des départements ultramarins afin de favoriser une mise en place effective des classes bilangues dès la classe primaire.

Réponse émise le 25 juin 2019

Le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse est particulièrement attentif aux situations linguistiques spécifiques des territoires d'outre-mer,  qui nécessitent des réponses adaptées, singulières et différenciées. Il s'agit de faire en sorte que ce plurilinguisme soit connu et reconnu par l'institution scolaire et de s'appuyer sur les langues vernaculaires, parlées dans les familles, pour faire du bilinguisme ou du plurilinguisme un atout pour la scolarité des enfants concernés. Plusieurs langues ou familles de langues de l'outre-mer font l'objet d'un enseignement de langues et cultures régionales proposé aux élèves volontaires, de l'école primaire au lycée, et susceptible d'être évalué aux examens nationaux ; sont actuellement concernés le créole, le tahitien, les langues mélanésiennes (drehu, nengone, païci, aïje) ainsi que le wallisien et le futunien, selon la circulaire n° 2017-72 du 12 avril 2017 qui dresse la liste des langues bénéficiant de ce dispositif, en métropole comme dans les territoires ultra-marins. Cet enseignement peut être dispensé sous une forme intensive, dans des classes bilingues, dès l'école maternelle, et les initiatives prises par plusieurs académies témoignent de la volonté de développer ce type de cursus. Ainsi, depuis la rentrée scolaire 2018-2019, l'académie de la Guadeloupe a mis en place à titre expérimental le dispositif « filière bilingue » pour développer des cursus bilingues français-créole cohérents durant toute la scolarité primaire. Ce nouveau dispositif concerne 3 écoles et 295 élèves en tout, qui s'ajoutent aux 11 classes bilingues regroupant 255 élèves qui existaient déjà. Il a notamment pour objectif de permettre un suivi et une évaluation des classes bilingues et de favoriser la poursuite d'un cursus linguistique riche en classe bi-langue anglais-créole au collège, en classe de sixième. L'académie de Guyane développe une politique similaire. Depuis 2008, un dispositif de classes bilingues français – créole guyanais à parité horaire a été mis en place ; dix écoles sont actuellement concernées, toutes localisées dans l'île de Cayenne et à Kourou, concernant 17 classes, soit environ 400 élèves de la grande section au CM2. De plus, une expérimentation pédagogique et didactique bilingue en cycle 2 a été lancée à la rentrée scolaire 2017 pour les langues amérindiennes kalina et wayana à l'école Yanamalé d'Awala, à l'école Yukaluwan d'Iracoubo et dans les écoles de Taluhwen, Antekum, Kayodé et Elavé sur le Haut-Maroni. Par ailleurs, dans le cadre de la réforme en cours du lycée général et du baccalauréat, le créole et le tahitien pourront faire l'objet d'un enseignement de spécialité « Langues, littératures et cultures étrangères et régionales » en classe de première à partir de la rentrée 2019 (4 heures hebdomadaires) et en classe terminale à partir de la rentrée 2020 (6 heures hebdomadaires). Outre ces enseignements spécifiques, le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse ménage une place importante aux langues vernaculaires des territoires d'outre-mer et aux cultures qu'elles portent, qui sont les langues maternelles de nombreux élèves. L'article L.321-4 du code de l'éducation dispose d'ailleurs que dans les académies d'outre-mer, des « approches pédagogiques spécifiques » sont prévues dans l'enseignement de l'expression orale ou écrite et de la lecture. Les membres des équipes éducatives sont encouragés à s'appuyer sur la langue maternelle des élèves et sur les compétences linguistiques acquises par les jeunes enfants dans la maîtrise de cette langue pour faciliter leur scolarisation et favoriser leur apprentissage du français, en multipliant les contacts et interactions entre les deux langues. Le dispositif des intervenants en langue maternelle (ILM), développé depuis plus de 20 ans dans l'académie de Guyane, repose sur ces principes. Mis en place dès 1998 et pérennisé en 2012, ce dispositif valorise la langue et la culture maternelles. La connaissance et la maîtrise par les enfants de la langue d'origine sont structurées pour développer des compétences linguistiques transférables, au service d'une meilleure acquisition de la langue française. Cette place faite à la langue et à la culture des enfants et des parents permet aussi une meilleure intégration de l'école dans le quotidien des familles. Le pilotage de ce dispositif est assuré par un inspecteur de l'éducation nationale premier degré des langues maternelles, poste qui a été créé à la rentrée 2016-2017. Le dispositif a été renforcé par une équipe composée de formateurs experts dans les langues amérindiennes et les créoles bushinengué. Suite à l'accord de Guyane du 21 avril 2017, le recrutement des ILM a été accéléré et des formations diplômantes de niveau universitaire sont organisées pour professionnaliser les intervenants et les faire accéder au professorat des écoles. À Mayotte, le vice-rectorat met en place autour des deux langues vernaculaires, le shimaoré et le kibushi, le dispositif « Plurilinguisme », qui repose sur des principes similaires. À l'école maternelle, deux maîtres interviennent complémentairement auprès des élèves, l'un pour la langue vernaculaire, l'autre pour le français. Au fil des trois années, de la petite section à la grande section, la place faite au français augmente progressivement pour préparer les enfants à une scolarisation entièrement en français à partir du cours préparatoire et à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture en français. L'ensemble des différents dispositifs et mesures évoqués ci-dessus, favorisant le plurilinguisme à l'école en outre-mer, feront l'objet d'un suivi et d'un accompagnement attentifs par les corps d'inspection durant les prochains mois et années afin d'accompagner leur développement dans les meilleures conditions possibles, selon les effets constatés.

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