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Hubert Wulfranc
Question N° 22169 au Ministère de l’europe


Question soumise le 30 juillet 2019

M. Hubert Wulfranc attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la menace que représente la signature du traité de libre-échange avec les pays du MERCOSUR (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay) pour les consommateurs et producteurs français et plus globalement pour la planète. En effet, ce traité de libre-échange sert avant tout les seuls intérêts des grandes multinationales. Les firmes des deux côtés de l'Atlantique pourraient ainsi commercer sans entrave douanières puisque 92 % des taxes seraient supprimées, laissant entrevoir une irruption sur le marché français et européen de produits venant du continent sud-américain, ne répondant pas aux normes sanitaires et environnementales européennes, à un prix cassé du fait de standards sociaux moindres. Cet afflux de produits représenterait une concurrence déloyale pour les producteurs et les salariés de la filière agricole de l'Union européenne, sacrifiés en échange d'un hypothétique accès aux marchés publics sud-américains. Alors que le secteur agricole européen a déjà été fragilisé par la suppression de la politique des quotas qui pousse à la concentration des exploitations pour faire face à la chute des cours des produits agricoles, ce traité constituerait un fardeau supplémentaire pour nombre d'exploitants agricoles déjà au bord de la rupture. Par ailleurs, ce traité est aux antipodes de la promotion d'un modèle d'agriculture durable plus respectueux de l'environnement, des animaux et du climat. Alors que l'Union européenne tend, et à raison, à imposer des normes plus respectueuses de l'environnement et du bien-être animal aux agriculteurs et éleveurs, celle-ci autorisait de façon paradoxale, l'importation de produits particulièrement éloignés du modèle agricole français. Ainsi, c'est 99 000 tonnes de viandes bovines produites notamment dans les très décriés feed-lots, véritables usines d'engraissage à ciel ouvert où les injections d'hormones de croissance et d'antibiotiques vont bon train, qui sont susceptibles d'être importées dans les états de l'Union européenne. Par ailleurs, les exportations de viande de volaille, produites dans des pays où les normes sanitaires et environnementales sont toutes relatives, au regard des nombreux scandales sanitaires ayant touchés les acteurs de cette filière, sont appelées à exploser. D'autre part, 74 % des produits phytosanitaires utilisés sur les exploitations brésiliennes et interdits d'usage dans l'Union européenne, pourraient se retrouver sur les denrées agricoles importées. La question de la traçabilité des produits est également posée dans les pays du MERCOSUR. Par cet accord, l'Union européenne accepte de réduire ses exigences en matière de contrôle sanitaire. Cet accord, à l'image de l'accord de libre-échange signé avec le Canada, prend le contrepied de la lutte contre le réchauffement climatique en induisant des déplacements intercontinentaux supplémentaires tout en poussant les feux de la déforestation, en total décalage avec les exigences des accords de Paris sur le climat. Un accord de libre-échange qui fait le jeu du très autoritaire et réactionnaire président brésilien, qui n'a de cesse depuis son élection contestée, de vouloir remettre en cause les règles de l'accord sur le climat de 2016 pour exploiter de manière non durable la forêt amazonienne et faciliter l'extraction en grande quantité de métaux rares. Alors que le bon sens pousse à la relocalisation des productions agricoles au plus près des consommateurs, ainsi qu'au raccourcissement des filières, il est absurde de développer les importations de denrées susceptibles d'être produites en Europe. Enfin, ce traité pose la question de la démocratie européenne puisqu'il a été imposé aux forceps par une Commission européenne en fin de mandat et au cours de la vacance du Parlement européen afin de prendre de court l'expression des citoyens européens. Ce traité de libre-échange fait aujourd'hui largement consensus contre lui. De nombreux acteurs du monde agricole, des ONG environnementales, du monde politique mais plus encore, de nombreux citoyens, demandent au Gouvernement français de faire obstacle à sa ratification. Aussi, il lui demande quelle est la position officielle du Gouvernement concernant ce traité de libre-échange avec le MERCOSUR et quelles dispositions il entend prendre pour faire obstacle à sa ratification ou, a minima, pour le renégocier afin de protéger les productions agricoles européennes ainsi que la santé des consommateurs.

Réponse émise le 20 juillet 2021

En août 2019, en marge du sommet du G7 à Biarritz, le Président de la République a indiqué que la France ne pouvait pas soutenir l'accord Union européenne (UE) -Mercosur en l'état, compte tenu de l'orientation prise par les politiques publiques de ces pays qui vont clairement à l'encontre des objectifs collectifs de l'Accord de Paris et de leurs engagements individuels pris dans ce cadre. Le rapport commandé à une commission d'experts indépendants par le Premier ministre afin d'analyser l'impact de l'accord sur le développement durable a conforté la France dans son opposition au projet d'accord en l'état et sur la nécessité de rehausser les ambitions de nos partenaires en matière de protection de l'environnement et de la biodiversité. D'une part, l'accord ne permet pas d'écarter le risque que l'augmentation des échanges avec le Mercosur entraîne davantage de déforestation ; d'autre part, tous les pays du Mercosur ne respectent pas leurs engagements pris au titre de l'Accord de Paris, qui doit faire partie intégrante de ce projet d'accord d'association. Ces inquiétudes sont partagées ailleurs en Europe, notamment par le Luxembourg, l'Autriche, les Pays-Bas, l'Irlande, et la Belgique. De son côté, la Commission européenne a également reconnu que nous ne pouvons pas avancer sans des résultats concrets sur ces sujets. Avec nos partenaires européens, nous avons donc souhaité réaffirmer trois exigences politiques concernant le projet d'accord : - celui-ci ne doit pas se traduire par davantage de déforestation importée au sein de l'UE ; - les politiques publiques des pays du Mercosur doivent être pleinement conformes avec leurs engagements au titre de l'Accord de Paris ; - les produits agroalimentaires importés doivent respecter, en droit comme en fait, les normes sanitaires et environnementales de l'UE. La France demande, à ce titre, des garanties concrètes et des engagements additionnels de la part des États du Mercosur, dont le respect soit vérifiable. Ces exigences vont dans le sens des priorités que nous portons dans le cadre de la révision de la politique commerciale européenne, en accord avec le pacte vert européen et nos objectifs de développement durable. Par ailleurs, la Commission européenne présentera au second semestre 2021 de nouveaux projets de réglementation en matière de lutte contre la déforestation importée et de gouvernance durable des entreprises. Ces réglementations auront vocation à s'appliquer à l'ensemble des partenaires commerciaux de l'UE, y compris les pays du Mercosur, et auront notamment pour but d'assurer que nos échanges internationaux contribuent à la dynamique mondiale en faveur de la protection de l'environnement et de la lutte contre le changement climatique.

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