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Yaël Braun-Pivet
Question N° 31431 au Ministère de la justice


Question soumise le 28 juillet 2020

Mme Yaël Braun-Pivet interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'opportunité d'instaurer par la loi une procédure judiciaire ad hoc, ouverte aux ayants droit d'une personne condamnée à la peine de mort dont la peine a été exécutée, tendant au rétablissement de son honneur à raison des gages d'amendement qu'elle a pu fournir. Ces personnes ne peuvent bénéficier de la réhabilitation instaurée dans le droit français par la loi « Bérenger » du 14 août 1885. Selon l'actuel article 786 du code de procédure pénale, une demande en réhabilitation judiciaire ne peut être formée qu'après un délai de cinq ans pour les personnes condamnées à une peine criminelle. Ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-QPC du 28 février 2020, qui concerne le cas de Jacques Fesch, ces dispositions font obstacle à ce qu'une demande en réhabilitation judiciaire puisse être formée par les proches d'une personne condamnée à la peine de mort, dont la peine a été exécutée. Toutefois, après l'abolition de la peine de mort par la loi du 9 octobre 1981, le constituant a, par la loi constitutionnelle du 23 février 2007, introduit dans la Constitution l'article 66-1 aux termes duquel « nul ne peut être condamné à la peine de mort ». Dans ces conditions, le conseil a estimé que le législateur serait donc fondé à instaurer une telle procédure qui, si elle concerne des cas rarissimes, tient réellement à cœur à certaines familles et poursuivrait spécifiquement une finalité symbolique ou morale. Se poserait alors nécessairement la question subséquente du délai dans lequel pourrait être adressée une demande de réhabilitation à titre posthume. Aujourd'hui fixée à un an par l'article 785 du code de procédure pénale, elle a fait l'objet de récents débats au Parlement. Elle lui demande sa position sur ce sujet.

Réponse émise le 12 janvier 2021

La réhabilitation judiciaire peut être définie comme « une mesure de bienveillance instituée par la loi en faveur des individus qui, après avoir été condamnés et avoir subi leur peine se sont rendus dignes, par des gages d'amendement qu'ils ont donné pendant le délai d'épreuve, d'être replacés dans l'intégrité de leur état ancien » (Cour de cassation, 12 février 1963). Elle ne tend pas à réparer une erreur judiciaire mais efface pour l'avenir les incapacités et déchéances qui résultent de la condamnation, pour tenir compte du temps écoulé sans que ne soient intervenues de nouvelles condamnations et du comportement de la personne condamnée. Alors que la réhabilitation légale intervient de plein droit, en l'absence de nouvelle condamnation, à l'issue d'un certain délai à compter de l'exécution de la peine ou de l'acquisition de la prescription, la réhabilitation judiciaire intervient sur décision juridictionnelle. En cas de condamnation à une peine criminelle, seule la réhabilitation judiciaire est possible. Dans cette hypothèse, en application des articles 785 et 786 du code de procédure pénale, la demande de réhabilitation doit être formée dans un délai de cinq ans à compter de l'exécution de la peine. Si la personne condamnée est décédée, ses ayants-droits peuvent demander sa réhabilitation dans l'année suivant le décès. Ces deux dispositions rendent impossible la demande des ayants-droits d'une personne condamnée à mort, la demande devant être formée dans l'année du décès, mais imposant par ailleurs un délai de 5 ans après l'exécution de la peine. Le Conseil constitutionnel déclare ces dispositions conformes à la Constitution, le législateur ayant « entendu subordonner le bénéfice de la réhabilitation à la conduite adoptée par le condamné une fois qu'il n'était plus soumis aux rigueurs de la peine prononcée à son encontre ». Il a cependant estimé que « le législateur serait fondé à instituer une procédure judiciaire, ouverte aux ayants-droit d'une personne condamnée à la peine de mort dont la peine a été exécutée, tendant au rétablissement de son honneur à raison des gages d'amendement qu'elle a pu fournir. » Fort de cette suggestion, le garde des sceaux a permis la création d'un recours spécifique dans le cadre de la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, en autorisant dorénavant la saisine de la Cour de cassation par les ayants-droit d'un condamné à mort, aux fins de réhabilitation de celui-ci.

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