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M'jid El Guerrab
Question N° 3244 au Ministère de la justice


Question soumise le 28 novembre 2017

M. M'jid El Guerrab interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des enfants de nationalité étrangère recueillis dans le cadre d'une kafala. La kafala, assimilée au recueil légal d'un enfant, est une mesure de protection de l'enfant expressément reconnue par l'article 20 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 qui ne crée pas de lien de filiation entre l'enfant et l'accueillant, conformément au droit coranique. La reconnaissance de la kafala en droit français, minime à l'origine, a fait l'objet d'une évolution suite à l'adoption de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant qui, dans son article 42, ouvre désormais l'acquisition de la nationalité française à l'enfant qui, « depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ». Ainsi, désormais, les Français ayant recueilli un enfant depuis au moins trois ans (au lieu de cinq), sur décision de justice, et l'ayant élevé, peuvent réclamer pour lui, jusqu'à ses 16 ans, la qualité de Français, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants du code civil. Entre 16 et 18 ans, l'enfant peut réclamer lui-même cette qualité. La condition de résidence en France de l'enfant recueilli a été supprimée par le législateur. Une fois qu'il a acquis la nationalité française, l'enfant peut être adopté. Or dans ce cadre, le recueillant doit être de nationalité française à la date de la souscription de la déclaration. Si le recueillant est de nationalité étrangère au moment du recueil et n'acquiert la nationalité française que postérieurement, la déclaration ne pourra être souscrite par ou pour le mineur recueilli qu'après un délai de trois ans à compter de l'acquisition de la nationalité française par le recueillant (soit trois ans à compter de son décret de naturalisation ou la souscription de sa déclaration acquisitive de nationalité française.) Par conséquent, une personne naturalisée depuis moins de trois ans, accueillant un enfant ayant vécu plus de trois ans en France, doit attendre les dix-huit ans de l'enfant, et une procédure de naturalisation, ou être elle-même naturalisée depuis trois ans minimum, pour que l'enfant puisse acquérir la nationalité française et être enfin adopté. Cette interprétation restrictive de l'article 21-12 du code civil constitue une rupture d'égalité entre les Français. Aussi, il lui demande quelles sont les pistes envisagées par son ministère pour améliorer les conditions de naturalisation et d'adoption des enfants recueillis dans le cadre d'une kafala. Il souhaiterait aussi savoir si une évolution était envisagée pour les enfants devenus majeures qui n'ont pas pu bénéficier des dispositions de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant.

Réponse émise le 1er janvier 2019

Il résulte de l'article 21-12 du code civil modifié par la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 que peut réclamer la nationalité française, l'enfant qui depuis au moins trois années est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française. En 2008, sous l'empire de la loi antérieure à celle du 14 mars 2016 qui prévoyait un recueil de cinq ans, la Garde des Sceaux avait précisé (réponse ministérielle n° 21931, JO Assemblée nationale 22 juil. 2008, p. 6389) que pour "souscrire une déclaration acquisitive de nationalité française en vertu de l'article 21-12 du code civil, l'enfant doit, pendant au moins cinq ans, remplir une double condition : être recueilli en France et être élevé par une personne de nationalité française. Il en résulte que tant que la personne qui recueille l'enfant n'est pas de nationalité française, la seconde condition visée par cet article n'est pas remplie. Le délai de cinq ans court donc nécessairement à compter de l'obtention de la nationalité française par la personne qui l'a recueilli". Le 4 juin 2012, la Cour de cassation a rendu un avis (n° 12-00004) sur le texte dans sa formulation antérieure à la loi de 2016. Elle a estimé que l'enfant recueilli en France depuis au moins cinq années au jour de la déclaration et élevé par une personne ayant la nationalité française depuis au moins cinq années au jour de la déclaration, pouvait dans les conditions de l'article 26 réclamer la nationalité française jusqu'à sa majorité. Transposée au texte modifié en 2016 et qui prévoit désormais une durée du recueil de trois ans, on peut considérer que le recueillant doit avoir la nationalité française depuis au moins trois ans au jour de la déclaration. Il s'ensuit que si le recueillant acquiert la nationalité française alors que l'enfant est déjà recueilli depuis plusieurs années, il conviendra d'attendre trois ans pour procéder à la déclaration. Il n'y a donc pas lieu à attendre la majorité de l'enfant, sauf à ce que le recueillant n'acquière cette nationalité trois ans avant la majorité de l'enfant. Aucune rupture d'égalité ne peut résulter de l'application de la condition des trois ans pour les recueillants, leur situation au regard de la nationalité française étant différente. Il est de même impossible d'assimiler la kafala à une adoption simple, la kafala ne créant aucun lien de filiation entre le recueillant et l'enfant recueilli.

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