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Mathilde Panot
Question N° 4945 au Ministère de l'europe


Question soumise le 30 janvier 2018

Mme Mathilde Panot alerte M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'action de l'AFD en République démocratique du Congo. Elle s'inquiète du soutien à l'exploitation industrielle des forêts du bassin du Congo en République démocratique du Congo. La seconde plus grande forêt tropicale du monde, couvrant environ 120 millions d'hectares, se trouve sur le territoire de cet État. Récemment, des scientifiques ont découvert d'immenses tourbières au sein de cette forêt. Ces zones, selon Simon Lewis, professeur à l'Université de Leeds, estime que ces tourbières contiennent 30 milliards de tonnes de carbone. C'est un puits immense dont la destruction s'avérerait catastrophique. La totalité du carbone serait libérée dans l'atmosphère et le rôle de régulateur que joue cette forêt disparaîtrait dans le même mouvement. Depuis 2002, un moratoire sur l'attribution de nouvelles concessions forestières au sein du bassin du Congo a permis une relative préservation de cette forêt tropicale si importante pour le devenir collectif de l'humanité. C'est un bien qui nous est commun et, dans le cadre des accords de Paris, c'est du devoir de la France d'aider la RDC à la préserver. En avril 2016, dans le cadre de la central African forest initiative (CAFI), initiative dans laquelle la France est impliquée, une lettre d'intention a été signée entre les parties de la CAFI et le gouvernement de la RDC pour améliorer les conditions de préservation de la forêt et réduire les émissions de carbone. Dans ce cadre général, dont les éléments concrets, matériels et juridiques pointent tous dans la même direction, celle de la préservation du bassin forestier du Congo, la députée s'étonne de l'action de l'AFD en RDC. Début 2017, l'AFD a soumis à deux reprises un programme de « gestion durable » des forêts en RDC, en réponse à un appel à projet de CAFI. Ce programme de l'AFD se donne pour objectif de relancer le secteur industriel en RDC. Cela augmenterait le nombre d'arbres abattus. Paradoxalement, l'AFD prétend ainsi s'inscrire dans le programme onusien REDD +. Par deux reprises, le projet a été rejeté par le comité national congolais, Fonaredd. En dépit de ces refus, la troisième proposition, qui sera soumise au mois de janvier 2018 au même comité, implique toujours un soutien à l'exploitation industrielle des forêts. La députée rappelle à ce titre que l'AFD est habilité à engager des fonds dans le cadre du fonds vert pour le climat. Un tel projet, qui encourage nettement à lever le moratoire, existe depuis 15 ans. Dans le cadre du dernier sommet climat finance, elle lui demande de se conformer à l'exigence de transparence sur les rapports entre finance et climat le 12 décembre 2017. Il faut commencer par exercer la transparence sur les organismes publics. Elle lui demande que soient rendus publics et à disposition des citoyennes et citoyens les éléments relatifs aux investissements de l'AFD afin que chacune et chacun puisse juger de la conformité des engagements climatiques de la France et de ses actions internationales. Elle lui demande quelle position il adopte quant au projet de l'AFD dans le bassin forestier du Congo. Une fois averti du caractère dangereux de la déforestation qui risque d'y prendre place, elle n'a aucun doute qu'il saura s'opposer efficacement à l'action déraisonnable, et non conforme aux engagements internationaux de la France, de l'AFD en RDC.

Réponse émise le 6 novembre 2018

La redevabilité est un des objectifs de la politique d'évaluation de l'AFD, validée par son Conseil d'administration en 2013. Celle-ci contribue à la redevabilité par des évaluations individuelles de projets, via des évaluations au champ plus large qui sont systématiquement publiées sur le site de l'Agence, via le rapport effectué avec ses ministères de tutelle pour le Parlement et via des évaluations conjointes avec ses ministères de tutelle. Par ailleurs, pour satisfaire cet objectif de redevabilité, la loi du 7 juillet 2014 a abouti à la mise en place de l'Observatoire de la politique de développement et de solidarité internationale qui est chargé de donner un avis sur la programmation conjointe des évaluations de la tutelle et de l'AFD ainsi que sur la qualité et les résultats des travaux d'évaluation. Cette exigence de redevabilité sera encore accrue dans la continuité des décisions du CICID du 8 février 2018. Dans son "Plan Climat"publié le 6 juillet 2017, le gouvernement français a annoncé que le groupe AFD deviendrait la première banque de développement avec un mandat explicite de mise en œuvre de l'Accord de Paris sur le climat. Tout en continuant à mesurer et renforcer la mesure de ses co-bénéfices climat, le groupe AFD deviendra la première institution de développement"100 % Accord de Paris". C'est-à-dire la première à s'assurer systématiquement de la cohérence de tous ses financements, dans chaque pays, avec un développement bas carbone résilient au sens de l'Accord de Paris. Pour servir cet objectif, le groupe AFD appuiera la mise en œuvre des contributions nationales de ses clients et les accompagnera dans la définition de leurs trajectoires de long terme, à horizon 2050. Pour soutenir les pays les plus vulnérables, l'AFD participera à la construction de solutions et de normes pour maximiser l'effet d'entraînement. Le groupe augmentera fortement ses financements consacrés à l'adaptation, avec une concentration en Afrique, dans les PMA et les petits Etats insulaires. Il amplifiera son action pour la conservation, la restauration et la gestion durable de la biodiversité et la lutte contre la déforestation. Il jouera un rôle de "ré-orienteur" de l'investissement public et privé mondial vers des projets pro-biodiversité. Il soutiendra les institutions de régulation de l'usage des sols et des eaux ainsi que la création, l'extension et l'amélioration des aires protégées, se fondant notamment sur une expérience française reconnue. La Central African Forest Initiative (CAFI) a conclu un partenariat avec la République démocratique du Congo (RDC) en 2015 pour préserver la seconde forêt tropicale au monde. Il y a urgence à agir car le taux de déforestation s'est accéléré en RDC : alors que la perte moyenne du couvert forestier était de 500 000 ha par an entre 1990-2010, elle atteint désormais plus de 1,5 millions d'hectares par an entre 2010 et 2014 et ce, malgré l'instauration d'un moratoire sur l'octroi de concessions forestières en 2002. Les études scientifiques attestent que les causes principales de la déforestation en RDC sont liées à l'expansion des activités de subsistance (agriculture sur brûlis et bois-énergie) dans un pays à forte croissance démographique et à faible indice de développement humain. Pour relever les défis liés à la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation forestière, le Plan d'investissement de la RDC, appuyé par CAFI, a identifié les résultats prioritaires à atteindre dans huit secteurs pour lutter de façon intégrée contre les moteurs de la déforestation. La Lettre d'intention signée par CAFI avec la RDC couvre ainsi de nombreux engagements pris par le gouvernement congolais dans le secteur forestier. Ce secteur est caractérisé par une très faible gouvernance et donc un manque de contrôle sur l'utilisation de la ressource. Plus de 95 % de la production du bois d'œuvre en RDC provient d'activités informelles voire illégales, opérées en dehors des concessions industrielles. Ce mode d'exploitation artisanale ne répond à aucune norme d'aménagement et est totalement incontrôlé, engendrant une dégradation forestière. L'urgence consiste donc à créer les conditions d'une gestion durable des forêts en RDC, en améliorant la gouvernance du secteur et en encadrant ces activités d'exploitation aujourd'hui non maîtrisées. Le programme GDF pour lequel l'AFD a été sélectionnée dans le cadre d'un appel à manifestation répond aux objectifs susmentionnés, alignés sur les objectifs de la Lettre d'intention signée avec CAFI. Ce programme répond aux conditions du cycle d'instruction du Fonds national REDD (FONAREDD). Le programme GDF soumis par l'AFD a fait l'objet de deux revues techniques par le Comité technique (CT) du FONAREDD dont CAFI fait partie. Et ce, à l'instar des autres programmes sur financement CAFI qui ont tous fait l'objet d'une à trois revues par ledit CT. La France dispose d'un siège, avec un droit de veto, en tant que président du CA de CAFI au sein de ce Comité de pilotage et pourra décider ou non de l'approbation de ce programme en fonction des recommandations faites par le CT. Le Secrétariat CAFI tiendra une réunion informelle avec les ONGI pour discuter de l'ensemble du portefeuille en RDC, y compris le programme GDF, avant la réunion du CT. Ce projet correspond à l'approche intégrée en matière de territoires forestiers durables défendue par la France. Les instruments mis en place (Plans d'aménagement) permettent de s'assurer que l'exploitation forestière ne dégrade pas la ressource, respecte l'écosystème et la biodiversité, et que ses revenus soient redistribués de manière équitable. Ce programme ne remet pas en cause les conditions requises pour la levée du moratoire sur l'attribution de nouvelles concessions. Ce projet répond au cadre fixé par les partenaires de CAFI. La France, en tant que membre et maintenant présidente du Conseil d'administration de CAFI, suivra de très près l'exécution du projet ainsi que les préoccupations liées à l'octroi de concessions illégales. La France sera particulièrement attentive au respect des engagements pris par la RDC dans le cadre de sa Lettre d'Intention signée avec CAFI. La France assure déjà un dialogue constant et régulier avec les ONG. Elle encourage celles-ci à lui faire part de leurs préoccupations. La France, en lien avec l'Agence française du développement, sera pleinement engagée dans l'accompagnement de la mise en œuvre de CAFI et sa réussite sur le terrain.

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