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Hubert Wulfranc
Question N° 5666 au Ministère de la justice


Question soumise le 20 février 2018

M. Hubert Wulfranc attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la gestion des suites du mouvement de grève des agents de l'administration pénitentiaire qui a touché la France en janvier 2018. Ce mouvement social, d'une ampleur inédite depuis 25 ans, est l'expression d'un malaise qui ronge depuis trop longtemps cette administration régalienne. Outre des revendications d'ordre technique liées au renforcement de la sécurité des agents de détention, le cœur du mouvement portait sur des revendications liées à la revalorisation des rémunérations de l'ensemble des métiers de l'administration pénitentiaire, ainsi que sur des mesures de recrutements dans les différents établissements de privation de liberté. Au terme du conflit, les organisations syndicales majoritaires ont refusé de signer le relevé de conclusions présenté par le ministère de la justice estimant les propositions de ce dernier totalement insuffisantes. Au titre des revendications majeures insatisfaites, la requalification des grades de surveillants/brigadiers et de premiers surveillants/majors en emploi de catégorie B et la nécessité de procéder à des recrutements en nombre suffisant pour pallier les conditions de travail dégradées auxquelles sont confrontées tous les corps et grades de l'administration pénitentiaire : sous-effectif chronique, surcharge de travail, surpopulation pénale, manque de reconnaissance lesquels génèrent à leur tour des problèmes de recrutement pour les rares postes ouverts actuellement aux concours. Devant l'ampleur du mouvement, le ministère de la justice a demandé à l'administration pénitentiaire de sommer, le 24 janvier 2018, l'ensemble des directeurs d'établissements de privation de liberté de mettre en oeuvre des sanctions contre les agents surveillants en grève. Ces sanctions vont de la retenue sur salaire, à hauteur de 1/30e par journée de grève, appliquée y compris aux agents en arrêt maladie ordinaire, jusqu'à des exclusions temporaires pouvant atteindre 15 jours. Face à ces revendications des personnels, le ministère de la justice a donc décidé d'employer la manière forte pour éteindre la contestation qui se propageait. Partageant les requêtes légitimes des organisations syndicales, il lui demande de bien vouloir annuler l'ensemble des mesures de sanction qui ont été infligées aux personnels grévistes à l'occasion de ce conflit. Le recours à la contrainte ne saurait masquer l'indigence des moyens consacrés par notre pays au budget de la justice lequel pointe aujourd'hui à la 23ème place des 28 États de l'Union européenne.

Réponse émise le 22 mai 2018

Le récent mouvement social des surveillants pénitentiaires a donné lieu à un relevé de conclusions que l'UFAP-UNSA, syndicat représentatif majoritaire chez les surveillants pénitentiaires, a signé le 29 janvier 2018. Il se décline principalement suivant quatre axes : améliorer la gestion des détenus radicalisés et violents, renforcer la sécurité des agents, améliorer le régime indemnitaire des personnels et augmenter les recrutements sur les prochaines années afin de combler les vacances d'emplois. Ces mesures sont des réponses concrètes aux revendications formulées durant le conflit et correspondent du reste à des priorités d'action du Gouvernement pour l'administration pénitentiaire. Elles s'inscrivent dans le cadre, plus large, qu'a dessiné le président de la République dans son plan pénitentiaire annoncé le 6 mars dernier à l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP) et qui trouvera notamment sa déclinaison dans la future loi de programmation pour la justice élaborée à l'issue des chantiers de la Justice conduits depuis le 6 octobre 2017. S'agissant des sanctions disciplinaires prises à l'encontre de certains agents pénitentiaires : l'article 1er de l'ordonnance no 58-696 du 6 août 1958 relative au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire dispose que « en raison des sujétions et des devoirs exceptionnels attachés à leurs fonctions les personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire […] sont régis par un statut spécial ». L'article 3 de la même ordonnance précise que « toute cessation concertée du service, tout acte collectif d'indiscipline caractérisée de la part des personnels des services extérieurs de l'administration pénitentiaire est interdit. Ces faits, lorsqu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public, pourront être sanctionnés en dehors des garanties disciplinaires ». L'article 86 du décretn° 66-874 du 21 novembre 1966 portant règlement d'administration publique relatif au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administrationpénitentiaire dispose que « l'autorité investie du pouvoir de nomination peut, sans consulter le conseil de discipline, prononcer toutes sanctions disciplinaires dans le cas d'acte collectif d'indiscipline caractérisée ou de cessation concertée du service, lorsque ces faits sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public. » Par ailleurs, l'article 9 du décret no 2010-1711 du 30 décembre 2010 portant code de déontologie du service public pénitentiaire dispose que « le personnel de l'administration pénitentiaire doit s'abstenir de tout acte, de tout propos ou de tout écrit qui serait de nature à porter atteinte à la sécurité et au bon ordre des établissements et services et doit remplir ses fonctions dans des conditions telles que celles-ci ne puissent préjudicier à la bonne exécution des missions dévolues au service public pénitentiaire ».  Il ressort ainsi des textes en vigueur, mais également de la jurisprudence administrative récente (TA d'Amiens, jugement du 24/04/2015, et TA de Lyon, ordonnance du 28/11/2017) qu'en situation de cessation collective et concertée de service dans laquelle les agents sont pourtant couverts par un arrêt de travail, l'administration peut prononcer, en dehors des garanties disciplinaires et à l'égard des agents fautifs,  des exclusions temporaires de fonctions.  S'agissant des retraits de trentièmes effectués par l'administration sur le traitement des agents ayant participé au mouvement social, il s'agit de mesures strictement comptables : en application de l'article 64 de la loi du 11 janvier 1984, l'administration est tenue de suspendre jusqu'à la reprise effective de son service par l'intéressé le versement du traitement d'un fonctionnaire qui, de son fait, n'accomplit pas son service (CE, 15 janvier 1997, n°135693, Institut de recherche en informatique). Plus précisément, l'article 4 de la loi de finance rectificative du 29 juillet 1961 dispose que « le traitement exigible après service fait, est liquidé selon les modalités édictées par la réglementation sur la comptabilité publique. L'absence de service fait pendant une fraction quelconque de la journée donne lieu à une retenue dont le montant total est égal à la fraction du traitement frappée d'indivisibilité en vertu de la réglementation prévue à l'alinéa précédent. (…) ».  Ainsi, en procédant aux exclusions temporaires de fonctions et aux retraits de trentièmes qui lui sont reprochés, la direction de l'administration pénitentiaire a appliqué la réglementation en vigueur et pris les mesures nécessaires afin d'assurer la sécurité et le bon ordre dans les établissements ainsi que la continuité du service public pénitentiaire.

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