Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pascale Fontenel-Personne
Question N° 8267 au Ministère de la justice


Question soumise le 15 mai 2018

Mme Pascale Fontenel-Personne appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, sur la récidive des délinquants sexuels. Le viol et la mort d'Angélique le 25 avril 2018 relance le débat sur la récidive des délinquants sexuels et lui rappelle le viol et le meurtre en Belgique de Louise Lavergne, 22 ans, étudiante sarthoise le 11 octobre 2017. Mme la députée aimerait attirer l'attention de Mme la ministre sur ce douloureux sujet. Dans les deux cas, il s'agit de voisins des victimes et de récidivistes. Angélique a suivi ce voisin parce qu'elle le connaissait, ce n'était pas un inconnu pour elle. Mais tout le monde ignorait son passé. Louise elle, avait par contre dénoncé le comportement de son voisin à la police à 2 reprises ; en effet il s'était exhibé nu devant la porte de son appartement. La police n'avait pas vérifié son identité. Il était pourtant en liberté conditionnelle à la suite d'une condamnation pour viol. L’homme qui a avoué le meurtre d'Angélique avait déjà été condamné en 1996 pour le viol d'une adolescente du même âge. Le seul dispositif qui existait à l'époque de sa condamnation était « l'obligation de soins » dans les cas de libération conditionnelle. Or il n'avait pas bénéficié d'une libération conditionnelle ; l'obligation de soins ne lui a donc pas été imposée. Deux ans plus tard, la loi Guigou introduisait l'injonction de soins et le suivi socio-judiciaire des auteurs de violences sexuelles. Le juge de l'application des peines peut aujourd'hui prolonger la peine si le condamné ne se conforme pas à l'injonction de soins. Vingt ans plus tard, la situation a bien évolué mais souffre toujours d'un grand manque de moyens et d'un malaise social certain vis-à-vis des déviances sexuelles. Cette loi n'a pas permis d'endiguer totalement la récidive. 6 % de récidive de crimes sexuels c'est encore trop. Que faire ? Malgré les inscriptions au fichier judiciaire national automatise des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais) - fichier qui compte 70 000 noms - il n'est utile qu'après la commission des faits, il ne sert pas à la prévention. Cela n'est pas suffisant. Aux États-Unis, il existe des applications pour géolocaliser les délinquants sexuels mais en France, l'inscription au Fijais n'est pas publique. Il est considéré que la personne a le droit de refaire sa vie et de se réinsérer lorsqu'elle a purge sa peine et Mme la députée partage cette option. Tout ne peut être traité par le juridique et l'injonction de soins coûte cher et connaît ses limites. À deux reprises, en 2007 et 2009, la castration chimique imposée avait été envisagée mais rejetée par le Parlement. Les médecins hésitent et cherchent de nouvelles solutions : thérapie de groupe, formation en criminologie des psychiatres et psychologues, etc. De nouveaux dispositifs doivent être mis en place, on doit réfléchir à des aspects préventifs efficaces. La société attend d'être rassurée et protégée. Que peut-on faire pour lutter contre la récidive ? Comment faire pour que ces délinquants prennent conscience de l'horreur de leurs actes ? Doit-on durcir les peines sur les primo-délinquants sexuels afin de dissuader fortement ? Le sujet ne doit plus être abordé uniquement au détour de drames comme la mort d'Angélique ou de Louise. La loi sur les violences sexuelles et sexistes arrive au Parlement - il faut savoir également ouvrir ce débat. Elle souhaiterait donc connaître ses intentions sur ce sujet.

Réponse émise le 24 juillet 2018

La mort dramatique de la jeune Angélique est particulièrement tragique. Si de tels actes suscitent une émotion légitime, il convient d'examiner la pertinence des dispositifs déjà existants avant d'envisager d'en créer de nouveaux. En effet, le cadre judiciaire de prise en charge des auteurs d'infractions à caractère sexuel est à ce jour très étoffé, s'étant considérablement enrichi depuis l'instauration, en 1998, du suivi socio-judiciaire et de l'injonction de soins, et ce dans une optique de meilleure prévention de la récidive. L'injonction de soins est ainsi devenue de droit, sauf motivation contraire du juge, lorsque l'expert psychiatre appelé à se prononcer avant la libération de la personne condamnée conclut à la possibilité d'un traitement. En outre, depuis la loi du 12 décembre 2005, les personnes condamnées pour une infraction de nature sexuelle à une peine privative de liberté d'au moins 7 ans (ou d'au moins 5 ans en cas de double récidive) peuvent être placées sous surveillance électronique mobile dans le cadre du suivi socio-judiciaire au regard de leur dangerosité. Par ailleurs, si elles n'ont pas été soumises à un suivi socio-judiciaire dans le cadre de leur condamnation, elles peuvent, en cas de risque avéré de récidive identifié par un expert psychiatre, être astreintes à leur libération, pendant un temps équivalent à la durée des réductions de peine dont elles ont bénéficié au cours de leur incarcération, à une surveillance judiciaire, mesure qui peut comprendre des obligations similaires à celles du suivi socio-judiciaire, et notamment une injonction de soins et un placement sous surveillance électronique mobile. Enfin, depuis la loi du 25 février 2008, en cas de condamnation à une peine privative de liberté d'au moins 15 ans de réclusion pour viol aggravé, lorsque la dangerosité de la personne et le risque de récidive de faits criminels graves apparaissent particulièrement élevés, les obligations du suivi socio-judiciaire ou de la surveillance judiciaire peuvent se poursuivre au-delà de l'exécution de la condamnation prononcée, sur avis d'une commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (CPMS) et après expertise médicale, dans la surveillance de sûreté, renouvelable tous les deux ans tant que la dangerosité de la personne perdure. Le non-respect de cette mesure est susceptible d'être sanctionné par un placement en rétention de sûreté. S'agissant de la prise en charge concrète de ces condamnés, il doit être souligné que les professionnels de la justice et de la santé les suivent avec une particulière vigilance, aussi bien en milieu fermé qu'en milieu ouvert. 22 établissements pénitentiaires ont ainsi été spécialisés pour héberger des auteurs d'infractions à caractère sexuel. Les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation comme les juges de l'application des peines procèdent souvent à des convocations très régulières et à un accompagnement resserré lorsqu'ils sont suivis en milieu ouvert. Il ne doit pas être occulté que la grande majorité des personnes condamnées et suivies pour ce type de faits ne récidivent pas et que l'allègement puis l'arrêt du contrôle institutionnel exercé sur elles peuvent utilement participer de leur processus de résilience, lequel est un facteur essentiel de prévention de la récidive. Malheureusement, l'évaluation du risque de récidive, de l'état de dangerosité criminologique et des garanties d'insertion ou de réinsertion d'une personne déjà condamnée est délicate. Une analyse fine et pluridisciplinaire des facteurs de risque d'un nouveau passage à l'acte est nécessaire mais elle demeure une évaluation et non une détermination scientifique prédictive. Le ministère de la justice demeure attentif aux travaux de recherche, aux contributions des acteurs professionnels sur ce sujet et prêtera particulièrement attention aux recommandations du rapport d'orientation qui sera élaboré par la commission de l'audition publique qui s'est tenue les 14 et 15 juin dernier à l'initiative de la Fédération Française des Centres de Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles (FFCRIAVS).

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.