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Marc Delatte
Question N° 8523 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 22 mai 2018

M. Marc Delatte interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les « Black Blocs ». Quand des éléments incontrôlés issus de la mouvance d'extrême gauche veulent en découdre avec les forces de l'ordre, lors de la manifestation du 1er mai 2018, mettant en danger les manifestants et toutes celles et ceux qu'ils croisent sur leur passage, saccageant et répandant la haine, on doit saluer le sang-froid des policiers qui ont évité un bain de sang, ce que cherchaient ceux que l'on appelle les « Black Blocs », d'extrême gauche, venus de toute l'Europe. Cela rappelle, il n'y a pas si longtemps, ces mouvements nés de la guérilla urbaine, se réclamant de l'antiimpérialisme, soi-disant altermondialistes, relevant d'une idéologie aveugle dans les années 1980. Il faut mettre face à leurs responsabilités certains politiques qui seraient tentés de souffler sur les braises ! Les Français jugeront ! On est dans un État de droit et les casseurs ne font pas la loi. Le Président de la République, tout comme le M. le ministre, l'ont rappelé à bon escient ; il convient aussi de saluer la sagesse et le discernement de M. le préfet de police de Paris dans cette affaire. Dans ces conditions, il lui demande quelles mesures complémentaires et préventives il compte prendre, tout en respectant le droit fondamental de manifester.

Réponse émise le 13 novembre 2018

La manifestation du 1er mai a été marquée cette année par des dégradations et des violences commises par des individus constitués en Black-bloc, dont la seule intention était de faire déraper le cortège traditionnel. 1 200 individus affiliés à cette mouvance se sont ainsi mêlés aux 20 000 manifestants et ont causé des troubles, essentiellement en marge de la manifestation. À l'issue de cette journée, le bilan dressé par les forces de l'ordre sur le plan humain s'élevait à 4 blessés très légers, dont un parmi les forces de l'ordre. S'agissant du bilan matériel, une trentaine de commerces ont été touchés dont 3 très sérieusement, 6 véhicules détruits et 10 dégradés. Le mobilier urbain a été lui aussi fortement dégradé. Un courrier du Préfet de Police indiquant les modalités d'indemnisations a été adressé aux victimes. Sur le plan judiciaire, 283 personnes ont été interpellées donnant lieu à 109 mesures de garde à vue, parmi lesquelles 47 ont été déférés devant l'autorité judiciaire. Précisions concernant le cadre juridique dans lequel cette manifestation s'est déroulée : En premier lieu, il convient de rappeler que le représentant de l'Etat à Paris n'a pas pour seule mission de garantir l'ordre et la sécurité des Parisiens. Il a aussi celle de garantir l'exercice des libertés publiques. L'objectif dans le cadre de la manifestation du 1er mai était donc d'éviter que les participants à cette manifestation se retrouvent mêlés aux heurts provoqués par le Black-bloc ou soient pris à partie. Ce cadre juridique est défini par le code de la sécurité intérieure, aux articles L. 211-1 et suivants. Il repose sur un régime de déclaration préalable. A Paris, le ou les organisateurs doivent déclarer leur projet de manifestation sur la voie publique auprès du Préfet de police trois jours francs au moins avant la date de la manifestation. Le Préfet de police peut interdire une manifestation seulement si celle-ci « est de nature à troubler l'ordre public » et si les moyens dont il dispose sont insuffisants pour les prévenir. Ces conditions sont très strictement vérifiées par le juge administratif. La liberté de manifester est en effet une liberté fondamentale qui ne peut être restreinte que sous de très strictes conditions. Par ailleurs, il est à préciser que la violation de l'arrêté préfectoral interdisant une manifestation n'est sanctionnée que d'une simple contravention de 1ère classe, en vertu de l'article R. 610-5 du code pénal. La stratégie d'action retenue en matière d'ordre public : De manière générale, la préfecture de police a constaté ces dernières années une dégradation de la physionomie des manifestations revendicatives, avec un basculement dans la violence lié à des activistes mobiles et très organisés n'appartenant pas au cortège officiel. Ces derniers utilisent les manifestations comme un vecteur d'opportunité pour commettre des violences et s'en prendre aux forces de l'ordre. Ces fauteurs de trouble se mêlent ainsi à un pré-cortège constitué de diverses composantes, la plupart non violentes, rendant particulièrement complexe leur maîtrise sans risques pour les manifestants pacifiques. Dans ces conditions, le premier facteur stratégique sur lequel repose l'action en matière de maintien de l'ordre est l'anticipation. À cet égard, le rôle joué par le renseignement est déterminant. Il permet notamment d'évaluer l'ampleur des menaces et d'adapter le dispositif opérationnel. De fait, le 1er mai, en raison des débordements pressentis, 1 500 policiers et gendarmes, la brigade de sapeurs-pompiers et des moyens nautiques avaient été mobilisés. Toujours dans une stratégie d'anticipation, la concertation avec les organisateurs permet de nouer une relation de confiance et de déceler une difficulté prévisible des organisateurs à assurer le bon ordre. Il est opportun de rappeler qu'un itinéraire bis avait été proposé aux organisateurs de la manifestation du 1er mai. Le bon déroulement des manifestations passe aussi par le déploiement en amont de l'événement de mesures dites « de prévention situationnelle », c'est-à-dire l'information des commerçants situés sur l'itinéraire de la manifestation, l'enlèvement des véhicules, la neutralisation des conteneurs à verre et des éléments de chantier, la fermeture des stations de métro, etc. Le second aspect stratégique concerne l'aspect opérationnel et la posture des forces de l'ordre. En effet, depuis 2017, la stratégie de maintien de l'ordre public en manifestation a été adaptée avec pour objectif de réduire les tensions et d'éviter au maximum l'exposition des forces de l'ordre aux risques d'actions violentes. En effet, il ne peut être toléré qu'elles puissent représenter des cibles pour des extrémistes ne recherchant que l'affrontement pour exprimer une haine anti-institutionnelle. Dans ce cadre, des opérations de contrôle préventif sont mises en place en amont des manifestations. Elles visent à interpeller tous les possesseurs d'objets pouvant être assimilés à des armes par destination. Elles ont également pour objet de rechercher tous éléments matériels susceptibles d'être utilisés dans le cadre d'actions de type « black-bloc ». Il s'agit toutefois d'observer un positionnement à distance des forces de l'ordre pour éviter au maximum qu'elles constituent des cibles pour les manifestants violents. Pour autant, elles sont mobilisées pour prévenir tout incident et sont employées dans le cadre d'un schéma tactique permettant de contenir, d'orienter et de canaliser les manifestants tout au long de l'itinéraire, tout en disposant d'une capacité d'intervention rapide sur le black-bloc ou les groupes violents, en cas d'exactions et si les circonstances le permettent. Sur l'aspect judiciaire, le recueil des preuves revêt une grande importance. Il permet en effet de qualifier les infractions de sorte que les enquêteurs et le parquet puissent disposer de dossiers solides leur permettant de mener des procédures efficaces. Le 1er mai, sur 109 gardes à vue, 47 personnes ont été déférées devant l'autorité judiciaire. Il convient pour conclure de préciser que chaque manifestation comporte ses spécificités. Il n'existe donc pas en matière de maintien de l'ordre de schéma préconçu que l'on puisse systématiser et les forces de l'ordre doivent faire preuve à la fois de facultés d'anticipation et d'adaptation.

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