Proposition de loi N° 2033 relative à la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise

Amendement N° CL52 (Retiré)

Sous-amendements associés : CL66 CL69 CL68 CL67

Publié le 6 avril 2024 par : M. Pradal, M. Lemaire, Mme Moutchou, Mme Poussier-Winsback.

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Rédiger ainsi l’article unique :

La loi n° 71‑1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est ainsi modifiée :
1° Après l’article 58, il est inséré un article 58‑1 ainsi rédigé :

« Art. 58‑1. – I. – Sont confidentielles les consultations juridiques rédigées par un juriste d’entreprise ou, à sa demande et sous son contrôle, par un membre de son équipe placé sous son autorité, satisfaisant aux conditions suivantes :

« 1° Le juriste d’entreprise ou le membre de son équipe placé sous son autorité est titulaire d’un master en droit ou d’un diplôme équivalent français ou étranger ;
« 2° Le juriste d’entreprise justifie du suivi de formations initiale et continue relatives aux obligations attachées à la rédaction de consultations juridiques dispensées par les centres régionaux de formation professionnelle d’avocats.
« Ces formations sont conformes à un référentiel défini par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé de l’économie ;
« 3° Ces consultations sont destinées exclusivement au représentant légal, à son délégataire, à tout autre organe de direction, d’administration ou de surveillance de l’entreprise qui l’emploie, à toute entité ayant à émettre des avis auxdits organes, aux organes de direction, d’administration ou de surveillance de l’entreprise qui, le cas échéant, contrôle au sens de l’article L. 233‑3 du code de commerce l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ainsi qu’aux organes de direction, d’administration ou de surveillance des filiales contrôlées, au sens du même article L. 233‑3, par l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ;
« 4° Ces consultations portent la mention »confidentiel – consultation juridique – juriste d’entreprise« et font l’objet, à ce titre, d’une identification du rédacteur et d’un classement particulier dans les dossiers de l’entreprise et, le cas échéant, dans les dossiers de l’entreprise membre du groupe qui est destinataire desdites consultations.
« Sont couvertes par la même confidentialité les versions successives d’une consultation juridique rédigées dans les conditions prévues au présent I.
« II. – Sous réserve du pouvoir de contrôle des autorités de l’Union européenne et des dispositions prévues au III du présent article, les documents couverts par la confidentialité en application du présent article ne peuvent, dans le cadre d’une procédure ou d’un litige en matière civile, commerciale ou administrative, faire l’objet d’une saisie ou d’une obligation de remise à un tiers, y compris à une autorité administrative, française ou étrangère. Dans ce même cadre, ils ne peuvent davantage être opposés à l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ou aux entreprises du groupe auquel elle appartient.
« La confidentialité n’est pas opposable dans le cadre d’une procédure pénale ou fiscale.
« La confidentialité peut à tout moment être levée par l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise.
« III. – Lorsque la confidentialité d’un document est alléguée au cours de l’exécution d’une mesure d’instruction dans le cadre d’un litige civil ou commercial ou dans le cadre d’une procédure administrative, elle peut être contestée ou levée selon les modalités prévues au présent III.
« A. – Un représentant de l’entreprise peut s’opposer à la saisie du document s’il estime cette saisie incompatible avec le respect de la confidentialité qui lui est attachée. Le document ne peut alors être appréhendé que par un commissaire de justice, désigné à cette fin par le juge ayant ordonné la mesure d’instruction ou l’autorité administrative ayant engagé la procédure, aux frais de l’entreprise, en présence de représentants de l’entreprise et de la partie demanderesse au litige ou de l’autorité administrative, qui le place sous scellé fermé. Le commissaire de justice dresse procès-verbal de ces opérations. Le document et le procès-verbal sont placés sans délai en l’étude du commissaire de justice pendant une durée qui ne peut excéder un mois.
« Lorsque la saisie mentionnée au premier alinéa du présent A a été réalisée au cours de l’exécution d’une mesure d’instruction dans le cadre d’un litige civil ou commercial, le président de la juridiction qui a ordonné celle-ci peut être saisi en référé par voie d’assignation, dans un délai de quinze jours à compter de la mise en œuvre de ladite mesure, aux fins de contestation de la confidentialité alléguée de certains documents.
« Lorsque la saisie mentionnée au même premier alinéa a été réalisée dans le cadre d’une procédure administrative, le juge des libertés et de la détention peut être saisi par requête motivée de l’autorité administrative ayant conduit cette opération, dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, aux fins de voir :
« 1° Contester la confidentialité alléguée de certains documents ;
« 2° Ordonner la levée de la confidentialité de certains documents, dans la seule hypothèse où ces documents auraient eu pour finalité d’inciter à ou de faciliter la commission des manquements aux règles applicables qui peuvent faire l’objet d’une sanction au titre de la procédure administrative concernée.
« Sur notification par le juge saisi de l’assignation ou de la requête, le commissaire de justice transmet sans délai au greffe l’ensemble des documents placés sous scellés fermés demandés ainsi qu’une copie du procès-verbal dressé à l’occasion de leur saisie.
« Dans les quinze jours suivant la réception de ces pièces, le juge statue sur la contestation et, le cas échéant, sur la demande de levée de la confidentialité.
« À cette fin, il entend la partie demanderesse ou l’autorité administrative et un représentant de l’entreprise. Il ouvre le scellé en présence de ces personnes.
« Le juge peut adapter la motivation de sa décision et les modalités de publicité de celle-ci aux nécessités de la protection de la confidentialité.
« S’il est fait droit aux demandes, les documents sont produits à la procédure en cours dans les conditions qui lui sont applicables. À défaut, ils sont restitués sans délai à l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise.
« Lorsqu’à l’échéance du délai de quinze jours mentionné aux deuxième et troisième alinéas du présent A, le document placé sous scellé fermé n’a pas fait l’objet d’une contestation ou d’une demande de levée de sa confidentialité, l’entreprise peut solliciter auprès du commissaire de justice sa restitution. Lorsqu’à l’échéance du délai d’un mois mentionné au premier alinéa du présent A, l’entreprise n’a pas sollicité la restitution du document placé sous scellé fermé, le commissaire de justice procède à sa destruction. Le commissaire de justice dresse procès-verbal de ces opérations.
« B (nouveau). – Un représentant de l’entreprise peut s’opposer à la communication du document ou de sa copie demandée dans le cadre d’une procédure administrative. Cette opposition est formulée par écrit et par tout moyen de nature à conférer date certaine, auprès de l’autorité administrative ayant engagé la procédure.
« Dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette opposition, l’autorité administrative ayant engagé la procédure peut saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de voir contester ou ordonner la levée de la confidentialité du document concerné, dans les conditions prévues aux 1° et 2° du A du présent III. Elle informe l’entreprise de cette saisine sans délai, par écrit et par tout moyen de nature à conférer date certaine. À réception de cette notification, l’entreprise communique sans délai au juge saisi le document concerné ou sa copie.
« Dans les quinze jours suivant sa saisine, le juge statue sur la contestation et, le cas échéant, sur la demande de levée de la confidentialité. À cette fin, il entend l’autorité administrative et un représentant de l’entreprise.
« Le juge peut adapter la motivation de sa décision et les modalités de publicité de celle-ci aux nécessités de la protection de la confidentialité.
« S’il est fait droit aux demandes, le document concerné est produit à la procédure en cours dans les conditions qui lui sont applicables.
« IV. – L’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ou, le cas échéant, l’entreprise membre du groupe destinataire de la consultation juridique est tenue d’être assistée ou représentée par un avocat dans les procédures judiciaires mentionnées au III.
« V. – L’ordonnance du juge des libertés et de la détention peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la cour d’appel ou son délégué. L’appel peut être formé par l’autorité administrative, l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ou, le cas échéant, l’entreprise membre du groupe destinataire de la consultation juridique.
« Le premier président de la cour d’appel ou son délégué statue dans un délai qui ne peut être supérieur à trois mois.
« VI. – Les modalités d’application du présent article, notamment les conditions dans lesquelles l’entreprise assure l’intégrité des documents jusqu’à la décision de l’autorité judiciaire, sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

2° (nouveau) L’article 66‑2 est ainsi modifié :

a) Le mot : « ou » est remplacé par le signe : « , » ;

b) Sont ajoutés les mots : « , ou apposé sur tout document la mention »confidentiel – consultation juridique – juriste d’entreprise« ».

Exposé sommaire :

Le présent amendement reprend la rédaction de l’article instituant la confidentialité des consultations des juristes d’entreprises tel qu’adopté au Sénat le 14 février 2024 lors de l’examen de la proposition de loi portée par le sénateur Louis Vogel.

Le dispositif retenu nous semble plus pertinent à plusieurs titres :

  • D'abord, il supprime la notion de "déontologie" qui pourrait être source de confusion avec les spécificités propres à la profession d'avocat. En effet, nous sommes convaincus qu’il faut lui préférer l’obligation de suivi de formations initiales et continues relatives aux obligations attachées à la rédaction de consultations juridiques.
  • Ensuite, il rend plus proportionnelle la sanction pénale attachée à l'apposition indue de la mention "confidentiel - consultation juridique - juriste d'entreprise".
  • Enfin, il modifie substantiellement la procédure de contestation ou de levée de la confidentialité d'une consultation juridique en précisant selon qu'il s'agit d'une saisie, d'une contestation ou d'une levée de la confidentialité afin de la rendre plus efficiente.
En tout état de cause, le Groupe Horizons & apparentés tient à rappeler que texte ne crée pas une nouvelle profession réglementée, qui concurrencerait la profession d’avocat. La confidentialité des avis des juristes d’entreprise ne doit pas être confondue avec le secret professionnel des avocats, qui n’a pas le même objet ni n’est soumis au même régime. La confidentialité n’est pas un secret absolu lié à la qualité de juriste d’entreprise in personam : elle est une protection in rem, liée à un avis spécifique, identifié et traçable. En d’autres termes, il s’agit d’une protection des avis et non des personnes.

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