Protéger et garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception — Texte n° 488

Amendement N° 264 (Rejeté)

(2 amendements identiques : 1 192 )

Publié le 21 novembre 2022 par : M. Le Fur, M. Vatin, M. Dubois, M. Brigand, M. Cinieri.

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Texte de loi N° 488

Article 1er (consulter les débats)

Supprimer cet article.

Exposé sommaire :

Cet amendement vise à supprimer l’article 1 de la proposition de loi au regard des arguments suivants :
Comme l’écrit Jean-Eric Schoettl, Conseiller d’État, Secrétaire général du Conseil constitutionnel de 1997 à 2007, dans le Figaro du 19 octobre 2022, « Constitutionnaliser le droit à l’IVG est la plus fausse bonne idée de ce début de législature ».

« En premier lieu, cette révision serait inutile. Nous disposons déjà d’une législation libérale et non contestée. A distance générationnelle, il n’y a aucun risque de »régression législative« . Quelle famille politique porterait une telle mesure ? » poursuit-il.

« Aucun risque non plus de revirement de jurisprudence du Conseil constitutionnel. Depuis la loi Veil du 17 janvier 1975, le Conseil a admis les moutures successives, toujours plus permissives, de la législation sur l’IVG, en considérant qu’il ne lui appartenait pas, dans un tel domaine, de substituer son appréciation à celle du législateur. Bien plus, par sa décision du 27 juin 2001, il a rattaché l’IVG à la liberté personnelle de la femme, protégée par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. C’est la remise en cause de l’IVG par la loi qui serait censurée ! » précise-t-il.

« Bien sûr, la liberté de la femme doit être conciliée avec les autres exigences constitutionnelles, en particulier la protection de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation. Ce dernier principe s’opposerait à un avortement de convenance alors que l’enfant est viable et ne présente aucune pathologie. Les auteurs de la proposition de loi constitutionnelle veulent-ils une IVG complètement libre jusqu’au neuvième mois ? On espère que non, même si leur texte y conduit tout droit. Que veut-on alors de plus que ce que prévoient déjà la loi et la jurisprudence constitutionnelle ? Il faut cesser de se faire peur. Ou de faire semblant d’avoir peur. » complète le Conseiller d’État.

Si l’on veut pour preuve qu’il n’y a aucune menace contre le droit à l’IVG en France, il suffit de rappeler que la France 223 300 IVG ont été pratiquées en France en 2021, à rapporter aux 96 400 IVG pratiquées en Allemagne, et aux 67 600 IVG pratiquées en Italie en 2020.

Dans un deuxième temps, il faut replacer la situation américaine, fait générateur de cette proposition de loi, dans le contexte du débat aux États-Unis.

« La référence à la décision du 24 juin 2022 de la Cour suprême des USA (Dobbs vs Jackson women’s health organization), qui abandonne la jurisprudence Roe vs Wadede 1973, est inopérante. La Supreme Court a non pas déclaré l’avortement inconstitutionnel, mais jugé que, dans le silence de la Constitution américaine, l’IVG n’est ni garantie ni prohibée au niveau constitutionnel. C’est donc à chacun des États fédérés de légiférer comme il l’entend. Le propre du fédéralisme est en effet de confier au législateur local une compétence de droit commun, ce qui implique de lui laisser le soin de régler des questions parfois graves. C’est au peuple de chaque État fédéré de trancher de telles questions. Il le fait au travers des représentants qu’il a élus ou par la voie du référendum. Il le fait selon sa sensibilité et son histoire propres, qui peuvent différer sensiblement de la mentalité moyenne des citoyens de la fédération ou de la vision qu’ont du bien public les élites dirigeantes de la fédération. Qui diffère a fortiori des opinions étrangères. C’est cela une démocratie fédérale : la primauté de la souveraineté populaire dans chaque État fédéré (...). La problématique américaine de la répartition des compétences entre Gouvernement local et fédéral lui est donc intransposable. Comme le relève la commission des lois du Sénat, on ne saurait importer de ce côté de l’Atlantique un débat inhérent aux spécificités institutionnelles des États-Unis. »

En troisième argument, Jean-Eric Schoettl ajoute que « toucher à la Constitution sur une question sociétale, c’est ouvrir une boîte de Pandore. Pourquoi ne pas y mettre aussi l’euthanasie, le droit à changer de sexe, le droit à la paresse, les droits des animaux etc ? Ce serait l’occasion de toutes les surenchères et de toutes les improvisations. »

Enfin, dernier argument « cette proposition de loi constitutionnelle n’a aucune chance de prospérer. Le Sénat ne la votera pas (sa commission des lois l’a déjà rejetée le 12 octobre). Or une révision constitutionnelle doit être approuvée dans les mêmes termes par chacune des assemblées. Et si, par extraordinaire, le Sénat votait un texte (qui serait évidemment très différent de celui de Mme Vogel) et si les deux assemblées s’entendaient sur cette version amodiée, il faudrait ensuite convoquer un référendum. C’est ce que prévoit l’article 89 de la Constitution pour une révision d’initiative parlementaire. L’organisation d’un référendum est une opération déjà fort lourde dans les circonstances ordinaires. Elle serait démesurée pour faire adopter un texte sans portée utile dans un pays perclus de problèmes d’une tout autre urgence. »

S’il fallait appeler d’autres autorités pour argumenter contre la constitutionnalisation du droit à l’IVG, nous pourrions également appeler Simone Veil elle-même, membre du Conseil constitutionnel de 1998 à 2007, dont le comité qu’elle présida sur le préambule de la Constitution en 2008, opposa un avis négatif à toute constitutionnalisation de l’IVG. Dans le chapitre F consacré à la bioéthique et plus spécialement ce « qui touche à la vie et à la mort de l’être humain", Simone Veil écrit : « Ici encore, un constat d’évidence s’impose : il existe en la matière un immense corpus juridique accumulé essentiellement au cours des dix dernières années. Cet arsenal, de nature législative et jurisprudentielle, apparaît être la voie la plus efficiente dans un domaine en constante évolution. »

Yael Braun-Pivet, alors qu’elle était présidente de la commission des lois, signifia également, le 11 juillet 2018, son opposition à l’inscritpion de l’IVG dans la Constitution considérant qu’elle était ni nécessaire, ni utile.

Enfin Philippe Bas, ancien président de la commission des lois au Sénat, lors du débat sur cette proposition de loi en octobre 2022, a également démontré que cette proposition était à la fois inutile et inefficace.

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