Intervention de Olivier Becht

Réunion du mardi 8 novembre 2022 à 18h00
Commission des affaires étrangères

Olivier Becht, ministre délégué :

Madame Heydel Grillere, notre politique en matière de pesticides consiste à appliquer le plus systématiquement possible les mesures miroir, au titre desquelles ce qui est interdit au niveau européen doit l'être aussi pour les produits importés. Pour le diméthoate, c'est chose faite, bien que ce processus ait pris un peu de temps entre son interdiction pour les pays européens, en 2016, et l'inscription de cette interdiction dans les textes au titre des mesures miroir. Ce qui importe, c'est la finalité : l'interdiction de la substance. Pour le diméthoate, le seuil de détection est ainsi fixé à zéro.

Nous souhaitons multiplier ces mesures miroir pour l'ensemble des pesticides et des produits phytosanitaires qui seraient utilisés ou interdits au niveau européen. Au-delà de la concurrence déloyale, il s'agit de protéger la santé des consommateurs, qui doivent pouvoir s'attendre à ne pas trouver sur les étals de produits affectés par des substances phytosanitaires interdites au niveau européen.

Monsieur Vuibert, la France dispose d'un ambassadeur chargé de la coopération transfrontalière, M. Philippe Voiry, qui est du reste à votre disposition si vous souhaitez l'interroger sur les dossiers concernant les Ardennes. Une mission opérationnelle transfrontalière, également à votre disposition, est destinée à multiplier les initiatives de cette nature dans tous les domaines, dont évidemment celui de la santé. Nous étions intervenus à ce propos durant le mandat précédent car, lorsqu'une frontière n'est plus une frontière réelle, un hôpital situé à 15 kilomètres de cette frontière doit pouvoir accueillir des patients en provenance du pays voisin. Il faut donc gérer les cartes d'organisation des soins à l'échelle des bassins transfrontaliers pour éviter des redondances à quelques kilomètres de distance le long de la frontière, alors que d'autres parties du territoire pourraient être, au contraire, des déserts médicaux.

Ainsi que le sait madame Klinkert, nous pouvons également procéder à des expérimentations et même user du droit à la différenciation, reconnu par la loi, comme nous l'avons fait pour la collectivité européenne d'Alsace, dont la coopération transfrontalière est devenue l'une des compétences, permettant désormais des rapports directs avec nos voisins pour développer des projets transfrontaliers.

Madame Abomangoli, la relation franco-allemande est, je le répète, solide. Nos amis allemands traversent toutefois un moment difficile qui les contraint à revoir leur logiciel dans trois domaines principaux : le militaire, toute leur défense étant conçue en partenariat avec les États-Unis d'Amérique ; l'énergie, qui était en lien avec la Russie ; l'industrie, en lien quant à elle avec la Chine. Dans ces trois domaines, l'Allemagne est obligée de redéfinir une boussole stratégique, ce qui entraîne nécessairement des mouvements par rapport à ses positions précédentes, sur lesquelles nous pouvions être alignés, et qui rouvre parfois des discussions.

Comme dans tous les couples, de telles discussions sont possibles sur certains sujets mais le couple franco-allemand, vieux couple qui a traversé de nombreuses épreuves, est assez solide pour traverser également celle-ci. J'ai toute confiance dans le fait que, dans le domaine militaire, l'Allemagne tiendra solidement les engagements qu'elle a pris sur les programmes essentiels pour la défense européenne, comme le programme du char commun Leclerc-Léopard et le système de combat aérien du futur, avec l'avion de cinquième génération qui succédera au Rafale.

Pour ce qui est du plafonnement du prix du gaz, le chancelier Scholz n'est visiblement pas opposé, au bout du compte, à un accord européen sur ce point. Nous continuons d'y travailler.

Madame Klinkert, je tiens d'abord à vous féliciter pour votre élection à la coprésidence de l'Assemblée parlementaire franco-allemande, institution qui montre bien que la relation entre nos deux pays est solide, comme les institutions que nous avons créées.

Pour ce qui concerne l'aide à l'Ukraine, le Gouvernement a en effet organisé les sommets qui se tiendront les 12 et 13 décembre. Un soutien bilatéral financier et humanitaire est prévu, d'un montant de 2 milliards de dollars, qui comprend une aide budgétaire immédiate, un volet d'aide humanitaire et une importante enveloppe destinée à mettre à la disposition de l'Ukraine nos instruments de financement à l'export pour des projets utiles à la résilience économique et à la reconstruction du pays, ce qui est notamment important pour la gestion du risque.

Nous avons également mobilisé le niveau européen, avec une assistance macro-financière (AMF) d'urgence de l'Union européenne d'un montant de 1,2 milliard d'euros, dès le début de l'agression, et le vote ultérieur d'une nouvelle AMF exceptionnelle d'un montant maximal de 9 milliards. Il faut encore mentionner un paquet de huit sanctions et, sur le plan commercial, l'adoption, le 25 mai d'un règlement autonome permettant de libéraliser temporairement les échanges avec l'Ukraine pour encourager les flux existants ; j'ai évoqué ce point tout à l'heure.

Nous encourageons nos entreprises qui étaient en Ukraine à y rester et nous en encourageons d'autres à s'y rendre pour participer à la reconstruction du pays. C'est fondamental.

Madame Clapot, j'ai évoqué la semaine dernière, à Prague, avec l'ambassadrice Katherine Tai, représentante américaine au commerce – c'est-à-dire l'équivalent du ministre du commerce au sein de l'Administration Biden – les relations commerciales avec les États-Unis d'Amérique, notamment le Conseil du commerce et des technologies. Ce dernier est composé de dix groupes ayant notamment pour sujets clés les règles d'usage des technologies émergentes, l'établissement de normes et standards, la résilience des chaînes de valeur et le contrôle des exportations, avec pour objectifs de coordonner la réponse aux distorsions de concurrence internationale et de limiter les effets négatifs des divergences des politiques américaines et européennes, tout particulièrement les effets extraterritoriaux des dispositifs américains de sécurité nationale, qui sont un problème dans le domaine numérique.

Lors de la prochaine réunion du CCT, qui doit avoir lieu au mois de décembre à Washington, trois sujets principaux seront abordés : la résilience des chaînes de valeur, avec le lancement opérationnel d'un système d'alerte précoce permettant de faire face aux perturbations des chaînes d'approvisionnement de semi-conducteurs – sujet important dans l'aéronautique et l'automobile – ; l'évaluation de l'intelligence artificielle (IA), avec l'adoption d'une feuille de route portant notamment sur les outils de mesure propres à assurer une IA de confiance ; l' Inflation Reduction Act, afin d'éviter les distorsions de concurrence et de nous assurer que les aides soient offertes également pour les entreprises européennes qui opéreraient aux États-Unis avec des produits dont le contenu ne serait pas 100 % américain.

Monsieur Jolly, nous n'avons pas vraiment changé de fournisseurs de gaz car la dépendance française au gaz russe était moins importante que celle d'un grand nombre de nos partenaires, notamment l'Allemagne. Nous importons du gaz en provenance de Norvège, des Pays-Bas ou d'Algérie, qui étaient nos fournisseurs traditionnels. Le vrai problème ne tient pas tant au changement de fournisseur qu'au prix du gaz car la politique menée au niveau européen et consistant à ne plus acheter progressivement de gaz russe se traduit par une hausse des prix pétroliers et gaziers sur les marchés.

Monsieur Weissberg, l'enseignement du français est fondamental. Nous poursuivons en la matière deux objectifs. Le premier est de multiplier les écoles françaises, afin de doubler le nombre d'enfants accueillis dans les écoles d'enseignement du français à l'étranger. L'autre est le soutien au programme FLAM et au pass éducation, qui permettent de soutenir financièrement l'accès des enfants de Français, même s'ils ne sont pas scolarisés dans des écoles françaises, aux programmes d'enseignement du français, notamment dans le cadre extrascolaire.

Monsieur Abad, j'avais évoqué au début de mon intervention, avant votre arrivée, la dépréciation de l'euro face au dollar. Nous allons étudier précisément la recommandation d'une offre gratuite d'accompagnement de nos entreprises, en évitant toutefois les effets d'aubaine qui pourraient se produire à la marge. Il nous faut, en tout cas, assurément renforcer l'accompagnement de nos entreprises, notamment sur les salons et les foires. Diverses mesures en ce sens ont été prises dans le cadre du plan de relance et il faut voir aujourd'hui comment aider nos entreprises sans pour autant pérenniser ce dispositif.

En termes de priorités sectorielles, je ne suis pas certain qu'il faille définir une liste restreinte de priorités. Mieux vaut conserver une ouverture assez large, à l'instar de nos amis allemands, champions de l'export, qui interviennent tous azimuts. Nous disposons certes de secteurs de force mais nous ne devons pas nous interdire d'intervenir aussi, par exemple, dans le secteur de la machine-outil ou, demain, dans celui des matières premières. Si la France parvient à produire massivement de l'hydrogène bleu, nous ne devrons pas nous nous interdire d'être demain exportateurs d'énergie.

Quant aux priorités géographiques, il ne faut pas non plus restreindre le champ à une zone du monde, nous devons pouvoir exporter aussi bien en Amérique qu'en Océanie, en Asie ou en Afrique. Ce dernier continent doit toutefois être une priorité pour la France car il sera celui de la croissance du XXIe siècle, avec en premier lieu une croissance démographique qui en doublera la population d'ici à 2050 : on comptera alors pratiquement un milliard d'Africains de plus qu'aujourd'hui. Les classes moyennes se développent d'une manière assez importante, comme je l'ai vu lors de nombreux déplacements – au Maroc, en Algérie, au Bénin, au Cameroun ou en Côte d'Ivoire, où je me trouvais la semaine dernière.

Le continent africain est un marché important pour nos entreprises et il est par ailleurs très riche en ressources minérales. Nos entreprises doivent donc y être présentes : certaines le sont déjà et d'autres doivent l'être davantage car la transition énergétique passera par la maîtrise de ces matières premières. Cependant, les pays africains souhaitent aujourd'hui, très légitimement, que nous ne nous bornions pas à l'extraction minière comme le font les Chinois, qui rapatrient la matière première en Chine pour la traiter, mais que nous produisions aussi de la valeur ajoutée sur le continent.

Comme le président de la République l'a dit, Madame Leboucher, l'accord avec le Mercosur n'est pas acceptable en l'état. Sa ratification est soumise à trois conditions, qui nécessitent donc qu'un nouveau travail ait lieu : l'inclusion dans le traité de l'accord de Paris sur le climat ; le règlement sur la déforestation – on ne peut pas continuer à déforester massivement le poumon de notre planète qu'est l'Amazonie et à faire de la culture intensive de canne à sucre ou de l'élevage sur des terres gagnées sur la forêt – ; le respect des normes sanitaires et environnementales européennes – il est hors de question que l'on puisse importer de la viande brésilienne ou d'autres pays du Mercosur qui ne respecteraient pas nos normes.

La question de la scission de l'accord devra être débattue au niveau européen mais je vais vous donner mon sentiment : il ne s'agit pas simplement d'un accord commercial, c'est aussi un accord de partenariat global, qui est un peu différent des accords avec le Mexique ou le Chili. Il me semble donc difficile de scinder un tel accord.

L'accord avec le Mexique me paraît un bon accord, qui peut être bénéfique pour la France. Nous avons notamment parlé de l'enjeu que représentent les matières premières, comme le spath fluor et le lithium. Il faut néanmoins que les clauses de revoyure intègrent les mêmes exigences que celles prévues dans l'accord conclu avec la Nouvelle-Zélande, qui préfigure les accords de libre-échange de nouvelle génération, lesquels intègrent l'accord de Paris et les règles de l'Organisation internationale du travail. Je sais que je ne vous convaincrai pas si vous êtes par principe contre les accords de libre-échange mais l'accord de nouvelle génération conclu avec la Nouvelle-Zélande contient beaucoup d'éléments positifs.

Je rappelle aussi que nous avons transféré démocratiquement, lors du référendum sur le traité de Maastricht, la compétence commerciale à l'Union européenne, selon des règles très claires. Le Parlement européen, qui est élu démocratiquement, valide les accords et nous sommes associés aux négociations, en tant qu'État, au niveau du conseil des ministres. Je suis tout à fait prêt à revenir devant vous pour vous informer au fur et à mesure.

En réponse à madame Pompili, je confirme que la France a décidé de sortir du traité sur la charte de l'énergie. Nous souhaitons, idéalement, une sortie coordonnée avec d'autres partenaires européens. En même temps, nous ne voulons pas interdire aux pays qui décident de rester dans ce traité de le faire évoluer. Les amendements proposés ne nous satisfont pas car nous pensons qu'il faut mettre la barre encore plus haut et c'est la raison pour laquelle nous nous retirons du traité. Néanmoins, nous sommes prêts à accepter l'adoption d'amendements. Ce n'est pas faire preuve de schizophrénie : simplement, ces amendements ne nous concerneront pas.

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