Intervention de Nathalie Ortar

Réunion du mercredi 2 novembre 2022 à 15h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Nathalie Ortar, Anthropologue de l'énergie, Directrice de recherche au Ministère de la Transition Écologique au LAET (laboratoire aménagement économie des transports), ENTPE/Université de Lyon :

Le colonialisme est une partie intégrante de ma spécialité universitaire.

S'agissant de nos comportements individuels, M. Bouvier et moi allons prochainement assister à la soutenance de la thèse de Renan Viguié, qui montre comment nos besoins énergétiques nous ont permis d'accéder à un plus grand confort tout en nous rendant plus dépendants d'infrastructures et de coûts qui nous dépassent. Cette thèse montre que l'augmentation de la température préconisée pour chauffer les logements de 14 à 19 degrés s'est accompagnée d'un cortège de coûts de moins en moins maîtrisés par les ménages. La décision du type de chauffage et de rénovation thermique ne dépend plus des individus, mais d'instances en amont : les industries que sont Gaz de France, EDF ou les Charbonnages de France ont progressivement construit cette dépendance pour progressivement déposséder les usagers de leur choix énergétique.

La transition des mobilités s'opère dans un mouvement parallèle. Le système du « tout voiture », particulièrement prégnant en France en raison de notre industrie automobile, s'est développé au détriment de la promotion d'autres modes de transport, comme les transports en commun ou vélo. Nous assistons à un revirement de cette situation. Le retour des transports en commun, comme le tramway, s'est effectué à la demande des citoyens, auxquels les politiques ont emboîté le pas dans le tournant des années 1980-1990. D'autres modes de déplacement individuel, tels que le vélo ou le vélo électrique, ont de nouveau été promus dans les années 2010 en France. Ce mouvement de balancier s'accompagne de tensions de plus en plus fortes dans les territoires – ruraux et périurbains notamment – n'ayant pas accès à une offre de transport décarbonée ou moins chère. Les gilets jaunes l'ont bien montré. Les tensions sur l'énergie provoquent en effet des tensions sur les dépenses des ménages. Lorsque j'ai travaillé en 2010 sur le précédent choc pétrolier, j'avais constaté que les ménages modifiaient rarement leurs modes de déplacement dans le cadre des mobilités domicile-travail, mais que les dépenses liées à la mobilité affectaient d'autres postes, comme l'alimentation et les loisirs – à l'exception des loisirs des enfants, généralement préservés. La population est donc prête à changer de comportement, à condition que les moyens lui en soient donnés.

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