Intervention de Sophie Mette

Réunion du mercredi 16 novembre 2022 à 9h40
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSophie Mette :

Ce texte permet d'ouvrir un débat plus que nécessaire. La question de la concentration dans le secteur de la presse et des médias est l'évolution moderne du questionnement sur la liberté de la presse, que l'on trouvait déjà chez Tocqueville. Liberté de la presse et liberté démocratique sont intrinsèquement liées, mais la première peut connaître des dérives qui faisaient craindre au penseur le règne trompeur de l'opinion.

L'importance des médias a conduit à les considérer comme le quatrième pouvoir ; à ce titre, on a admis de réguler ce secteur à l'influence grandissante. C'est l'esprit de la loi de 1986, qui entendait limiter les monopoles. Bien que les seuils, aussi bien dans la presse que dans l'audiovisuel, peuvent aujourd'hui poser question, force est de constater que le pluralisme est plus important qu'il ne l'était dans les années 1980, ou au début des années 2000.

Cette question a toujours été au cœur des préoccupations de notre famille politique. En 2007, François Bayrou souhaitait réguler les liens entre les entreprises de la presse et les industriels liés à l'État ; plus récemment, Patrick Mignola a défendu l'adoption de droits voisins pour la presse.

Madame la rapporteure, vous relancez utilement ce débat avec l'article 4 de votre PPL, en y ajoutant la complexité moderne qui fait que les secteurs sont désormais interdépendants, constituant chacun un maillon de la fabrique de l'opinion. Si cette régulation paraît nécessaire, ni les seuils ni les modalités juridiques que vous proposez ne sont satisfaisants. L'objectif que nous souhaitons tous atteindre est d'avoir des médias libres, en bonne santé économique, capables d'exercer leur rôle d'informateur et, au besoin, de contre-pouvoir.

Quant aux articles 1er, 2 et 3, ils fixent un cadre juridique flou et arbitraire et ne semblent être qu'une énième remise en cause du droit de propriété, sans assurer la qualité et la pluralité de l'information.

La ministre de la Culture l'a évoqué ici, des états généraux du droit à l'information s'ouvriront bientôt. Ils permettront d'évoquer la question de la concentration, parmi d'autres aspects également essentiels. Car si l'omniprésence du groupe Vivendi nous inquiète tout autant que vous, nous devons mener une réflexion plus large sur la nature même de l'information.

Les événements récents nous poussent au questionnement. Doit-on se contenter de laisser 2 millions de nos concitoyens regarder chaque soir des experts en rien donner leur avis sur tout ? Doit-on laisser façonner ainsi l'opinion publique, sans esprit critique ? Deux siècles plus tard, les réflexions de Tocqueville sont plus que jamais d'actualité.

Si le législateur doit se pencher sur la régulation de la propriété des médias, il doit réfléchir plus largement à ce que les pratiques actuelles disent de notre relation aux médias et à l'information. Les conclusions de la mission flash sur l'éducation critique aux médias, conduite par nos collègues Ballard et Spillebout seront à cet égard très utiles.

Le groupe Démocrates votera contre la PPL mais souhaite que ce débat débouche sur une plus large réflexion, dans la perspective d'une actualisation efficace de la loi.

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