Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du lundi 21 novembre 2022 à 16h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Agnès Pannier-Runacher, ministre :

Madame Belluco, le projet de loi de finances renforce les effectifs, aussi bien au niveau central qu'au niveau déconcentré. Par ailleurs, une circulaire du mois de septembre donne des consignes très précises aux préfets, de manière à ce que le déploiement des énergies renouvelables soit une priorité. Ils doivent cartographier les lieux, accompagner les élus locaux dans la détermination de nouveaux projets, faire des points d'étape réguliers concernant l'avancement des projets et imaginer des solutions pour lever les points de blocage. On ne saurait donc dire que la volonté politique fait défaut.

Monsieur Bricout, l'enjeu est effectivement de faire en sorte que les zonages soient incitatifs. Les porteurs de projets, dès qu'ils en seront avisés, entreront en relation avec les élus locaux. Des appels à projets spécifiques pourront aussi être envisagés, et le fait de s'inscrire dans un zonage pourra rapporter des points supplémentaires. La définition des zonages tiendra compte également de ce qui existe déjà, par exemple les paysages saturés que vous évoquiez – c'est tout l'intérêt de la planification. L'objectif n'est pas d'ajouter de la pression dans un territoire déjà fortement orienté vers une énergie renouvelable : il faut répartir l'effort. La modulation des tarifs pourra y concourir.

Monsieur Vermorel-Marques, l'Association des maires ruraux de France a expliqué, dans un communiqué, pourquoi elle ne demandait pas à disposer d'un droit de véto. Intercommunalités de France s'est prononcée dans le même sens. Si j'en crois les très nombreuses remontées du terrain à propos de cette proposition du Sénat, celle-ci provoque une véritable levée de boucliers chez les élus. Je fais donc droit à leur demande. Les maires ruraux sont confrontés à la question du développement des énergies renouvelables. Ils souhaitent être accompagnés. Nous proposons donc de leur fournir de l'ingénierie, des crédits et des moyens de cartographie, pour faire en sorte de sélectionner les meilleurs porteurs de projets et d'aller plus vite, sans pour autant risquer d'avoir de mauvaises surprises.

Monsieur Bony, nous prévoyons d'installer des installations photovoltaïques dans les territoires délaissés et dégradés, pas dans les espaces naturels. De même, les ombrières ne concerneront pas tous les parkings : une disposition prévoit une dispense en cas de contraintes économiques ou techniques.

Il faut effectivement développer les filières. C'est pour cela que nous avons soutenu, à travers le plan de relance puis France 2030, la recherche et développement ainsi que l'innovation préindustrialisation en matière d'énergies renouvelables – cela concerne aussi l'hydrogène, même si ce n'est pas une énergie mais un vecteur énergétique.

Monsieur Vatin, la chaleur est prise en compte : c'est l'objet du titre II. Le plan Énergies renouvelables la traite également. Certaines mesures sont d'ordre réglementaire, car tout ne passe pas par la loi, et c'est très bien : cela vous permet de vous concentrer sur les sujets stratégiques.

Monsieur Potier, je relève la volonté d'une approche prenant en compte l'ensemble du domaine fluvial. Il faut trouver la bonne rédaction et rapprocher les positions mais sur le plan des principes, rien ne s'y oppose – c'est même la logique que nous défendons : nous voulons utiliser les zones inemployées et dégradées pour y faire du photovoltaïque.

Les zones d'activité économique doivent effectivement être transformées en zones à énergie positive. Là encore, il faut trouver la bonne rédaction.

L'enjeu que constitue la méthanisation est remonté au fil des travaux. Il est dommage de se passer du lisier notamment. Les effluents sont un sujet plus sensible, à cause des risques liés à l'épandage. Je n'ai pas encore trouvé d'approche équilibrée et de rédaction permettant de concilier la sécurité sanitaire et l'intérêt qu'il y aurait à utiliser cet intrant.

Madame Guetté, vous avez raison de rappeler que des réductions d'effectifs ont touché les ministères de la transition énergétique et de la transition écologique ainsi que leurs opérateurs. Le phénomène concerne d'ailleurs les vingt dernières années : de nombreux gouvernements sont donc en cause. Nous y avons mis fin cette année. Les moyens humains ont même été renforcés, notamment s'agissant de la filière des énergies renouvelables. Les crédits d'études pour accompagner les projets d'éolien en mer, notamment, ont été augmentés. Peut-être n'est-ce pas assez, mais nous nous sommes engagés dans la direction que vous souhaitez.

Madame Trouvé, notre objectif est évidemment de concilier souveraineté alimentaire et souveraineté énergétique. Il n'est donc pas question de remettre en cause notre potentiel de production alimentaire. C'est la raison pour laquelle nous privilégions les installations conciliables avec la production agricole, ou alors les installations démontables, donc réversibles. Il s'agit de faire en sorte que certains agriculteurs produisent en plus un peu d'énergie, et non pas que des producteurs d'énergie fassent un peu d'agriculture. Nous avons prévu des limites. Il en va de même pour la méthanisation : nous nous assurons que la biomasse utilisée ne soit pas composée de produits à usage alimentaire.

Monsieur Lamirault, s'agissant des toits avec de l'amiante, le Sénat a demandé un rapport. Je suggère que nous travaillions à la question, mais sous une autre forme. Par ailleurs, cette mesure n'est pas d'ordre législatif. Voilà pourquoi nous proposons la suppression de l'article. Il en va de même pour l'expérimentation. Cela ne veut pas dire que la question ne se pose pas – elle est même particulièrement sensible pour de telles constructions dans le monde agricole. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le sénateur Daniel Gremillet avait défendu l'idée.

Madame Brulebois, des améliorations sont possibles s'agissant du statut de déchet du CSR. Nous sommes prêts à y travailler.

Nous venons de publier des textes réglementaires facilitant l'utilisation d'installations photovoltaïques ayant pour objet l'autoconsommation collective. Il est possible de recevoir d'emblée 80 % du financement, alors que celui-ci était étalé sur cinq ans.

Madame Batho, la baisse de la consommation énergétique est le premier levier que j'ai mentionné. Elle passe à la fois par la sobriété énergétique, le changement des comportements et l'efficacité énergétique, c'est-à-dire l'utilisation de technologies permettant, à usage égal, de diminuer la consommation d'énergie. Le plan de sobriété énergétique, le premier du genre, a été annoncé il y a un mois, sous l'égide de la Première ministre. La nouveauté consiste dans le fait que nous mettons la pression sur les acteurs de premier plan – grandes administrations, collectivités locales importantes, entreprises – pour qu'ils avancent. De nombreuses collectivités se sont ainsi engagées devant leur conseil exécutif, et les trois quarts des grandes entreprises ont adopté un plan de sobriété ; une large partie d'entre elles l'a même présenté en conseil d'administration, ce qui confère au document une valeur juridique forte.

Vous regrettiez l'absence de volonté politique. Bonne nouvelle : désormais, celle-ci existe – je ne dirai rien des vingt dernières années. Nous l'avons très clairement notifiée à nos bras armés dans les territoires, à savoir les préfets.

Le système énergétique deviendra de plus en plus décentralisé. Le consommateur sera aussi un peu producteur. La production sera donc beaucoup plus atomisée, ce qui changera les règles du jeu pour les réseaux de distribution et de transport, ainsi que les modalités de pilotage. C'est un des principaux défis auxquels nous serons confrontés. Les réseaux, en particulier, deviendront des infrastructures encore plus stratégiques, d'autant que le réchauffement climatique risque d'affecter leur fonctionnement bien davantage que celui des centrales nucléaires, déjà conçues pour résister à de très fortes chaleurs ou à de très grands froids. Des investissements importants seront nécessaires. Ce sera l'un des enjeux de la prochaine PPE.

La géothermie bénéficie déjà de procédures simplifiées, notamment pour les installations peu profondes. Il ne nous paraît pas souhaitable de modifier les règles, au risque de les complexifier, mais si vous avez des propositions, je suis preneuse. L'enjeu est plutôt de conforter la filière, notamment en développant les compétences en matière de forage. De telles installations sont prometteuses, surtout dans le nouveau monde énergétique dans lequel nous sommes entrés. En effet, elles ont un double usage : chaleur et refroidissement. Le second deviendra très important, notamment pendant les épisodes de canicule. En outre, l'augmentation des prix des énergies devrait favoriser l'émergence de nouveaux projets de géothermie, qui pâtissaient jusqu'à présent de coûts d'investissement élevés et d'un retour sur investissement très long.

Monsieur Meurin, nous ne sommes pas les champions du bas-carbone : il n'y a pas que l'électricité dans le système énergétique, ou alors, coupez le chauffage chez vous ! Les deux tiers de notre mix énergétique sont constitués par des énergies fossiles : là est l'enjeu. Ce qui est vrai, c'est que l'électricité est décarbonée : elle l'est effectivement à 92 %, et c'est notre fierté. Mais le nucléaire ne représente que 20 % du système énergétique global.

Par ailleurs, l'hydrogène n'est pas une énergie : c'est un vecteur. Pour en produire, il faut commencer par trouver de l'énergie.

Je vous signale que la Suède est une championne du bas-carbone, alors même que la part des énergies renouvelables dans son mix est très élevée – il comprend aussi un peu de nucléaire. Manifestement, le pays a donc résolu le problème du pilotage. Il est vrai que les centrales à gaz sont les plus faciles à piloter, mais la France peut se prévaloir de savoir augmenter et réduire sa production nucléaire. L'énergie hydraulique est également pilotable. Et nous travaillons sur le caractère intermittent des énergies renouvelables : coupler éolien et photovoltaïque par exemple, comme cela se fait dans la péninsule ibérique, permet d'améliorer sensiblement le taux d'usage. Le procédé permet de monter au-delà de 50 %, voire de 60 %, et donc de diminuer fortement l'intermittence.

À cet égard, les investissements dans la recherche et développement ont du sens, car on ne peut compter seulement sur le nucléaire : il faut quinze ans pour construire un réacteur, à supposer qu'aucun obstacle ne surgisse. Entre-temps, que fait-on ? Le nucléaire pose aussi la question de la gestion des déchets. Du côté des énergies renouvelables, nous travaillons sur l'intermittence et le stockage – en particulier de haute densité.

Il n'y a pas d'énergie parfaite : certaines consomment peu d'espace, d'autres beaucoup ; certaines ne plaisent pas dans les paysages, d'autres sont invisibles ou concentrées ; certaines sont plus ou moins intermittentes. Aucune ne permet à elle seule de répondre à tous nos besoins. Il faut donc un panier énergétique varié, incluant aussi, comme cela a été relevé de toutes parts ici, la chaleur renouvelable.

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