Intervention de Guillaume Kasbarian

Réunion du mercredi 16 novembre 2022 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Kasbarian, président, rapporteur :

La propriété des personnes est l'un des principes fondamentaux de notre République. Précieux réconfort pour nos concitoyens qui se sont constitué un patrimoine à la sueur de leur front, ce principe préserve le fruit de longues années de travail. C'est pour cette raison que les atteintes qui y sont portées par les actions de squat suscitent l'indignation collective. Même ceux qui n'ont jamais vécu une telle situation s'en disent malades. Le fait de s'installer chez autrui est ressenti comme une violence particulièrement forte. De telles affaires sont dangereuses pour notre démocratie, car le spectacle de l'impunité et le sentiment d'injustice rongent notre pacte républicain.

Contre une idée reçue, rappelons que le squat est puni par notre droit. Une procédure accélérée d'expulsion des squatteurs existe depuis 2007, que nous avons renforcée, en 2020, dans la loi Asap. Grâce à ces nouvelles règles, 170 expulsions ont pu être menées à bien en quelques jours seulement, en 2021.

Toutefois, l'actualité nous a montré maintes fois qu'il faut aller plus loin, en tout cas appréhender le problème plus globalement. C'est l'objet de la première partie de la proposition de loi.

Il s'agit de traiter ce que les avocats entendus lors des auditions ont qualifié de « zone grise », qui recouvre le non-paiement de loyer pendant des mois voire des années, le refus de quitter un logement en fin de bail ou quand le bailleur souhaite le récupérer pour lui-même ou un membre de sa famille, ou encore les cas de dégradation du bien loué. La proposition de loi n'aura strictement aucun effet sur la plupart des locations, qui se passent très bien. Elle vise les comportements malhonnêtes d'une minorité de locataires, qui existent bel et bien en dépit de ce que certains voudraient nous faire croire et dont ont témoigné les personnes que nous avons entendues tout au long de nos travaux – je les en remercie ainsi que celles qui ont pris la peine de nous envoyer leurs témoignages écrits.

Chacun connaît, dans son entourage, des exemples de litiges locatifs vécus comme des expériences difficiles, parfois de véritables traumatismes. Ces souffrances doivent motiver notre action. Pour ceux qui les balayent d'un revers de main au motif qu'il ne s'agirait que de cas isolés, voici quelques chiffres : nous avons reçu soixante et onze témoignages en à peine quelques jours ; les sommes impayées s'élevaient en moyenne à 17 794 euros ; les délais moyens d'achèvement de la procédure étaient de vingt et un mois – dans un cas même, elle n'a toujours pas abouti au bout de soixante-douze mois.

Quand bien même ces exemples ne seraient que minoritaires, en quoi cela justifierait-il de ne pas légiférer ? Remplirions-nous notre rôle de législateur si nous refusions de nous en occuper ? Avec un tel raisonnement, nous ne nous serions pas attaqués aux propriétaires malhonnêtes à travers la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan). Nous avons renforcé la lutte contre les marchands de sommeil et l'habitat indigne, parce que ces situations sont inacceptables et doivent cesser, quel que soit leur nombre.

De la même façon, nous devons nous intéresser à la minorité de locataires malhonnêtes, qui nuisent non seulement aux propriétaires, mais aussi aux autres locataires, par l'appréhension qu'ils suscitent chez les bailleurs et qui les pousse à augmenter leurs exigences, voire à ne pas louer leurs biens. Si notre marché locatif regorge de certificats, de garanties, de cautions, d'attestations et autres justificatifs, c'est qu'il n'y a pas assez de confiance entre les propriétaires et les locataires. Ceux qui sapent cette confiance sont ces locataires minoritaires, qui grugent les propriétaires et profitent d'une procédure longue et complexe pour agir en toute impunité. Qui en paie les conséquences ? L'immense majorité des locataires bons payeurs.

La lenteur et la lourdeur des procédures de règlement des conflits locatifs entament la confiance que nos concitoyens ont dans la justice et les institutions. C'est pourquoi cette proposition de loi aborde cette zone grise longtemps délaissée par l'aspect des relations entre locataires et bailleurs.

Du côté des locataires, nous avons pris, ces dernières années, des mesures pour sécuriser leur accès au logement : l'encadrement des loyers en zone tendue, créé par la loi Elan et prorogé jusqu'en 2026 par la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS) ; la garantie Visale (visa pour le logement et l'emploi), qui permet un cautionnement plus fiable des locataires ; le plafonnement de la hausse des loyers en dessous du taux d'inflation pendant un an, dans le cadre de la loi sur la protection du pouvoir d'achat.

Pour ce qui est des propriétaires, nous attendons d'eux des efforts importants en matière de mise à niveau énergétique du parc locatif. Tous les logements G seront concernés dès 2025 et les logements F à compter de 2028. Soit au bas mot 1,5 million de logements du parc locatif privé.

Il y a un équilibre à trouver entre les protections accordées aux locataires et les efforts supplémentaires demandés aux propriétaires. Dans un contexte tendu, la simplicité d'options comme le parc des meublés de tourisme ou celui des résidences services pourrait détourner les bailleurs de l'investissement locatif. Il importe donc de leur envoyer un signal en agissant sur le contentieux locatif, dont l'excessive complexité, la longueur, la lourdeur, le coût et l'incertitude des procédures sont sources d'appréhension. Tout bailleur potentiel pressent que, en cas de litige avec un locataire, les voies de recours seraient tortueuses. Remédier à ces injustices, tel est le sens de la proposition de loi.

Nous ne supprimons aucune des étapes de la procédure du contentieux locatif, aucune des protections accordées au locataire. Nous proposons simplement de faire en sorte d'obtenir plus vite des décisions exécutoires, car les procès interminables ne profitent à personne.

Je me prononcerai en faveur des amendements qui concourent au renforcement de la défense de la propriété privée et à la lutte contre les squats. Je serai favorable également à ceux, issus de bancs différents, qui proposent d'aller plus vite, sans porter atteinte aux droits fondamentaux des parties en présence.

Les auditions ayant montré que l'article 3 ne permettrait pas d'accélérer les procédures contentieuses, j'en proposerai la suppression. Je proposerai également d'aménager la rédaction de l'article 4, afin de laisser au juge la possibilité de mieux apprécier la situation de chaque partie.

La lecture des amendements m'a laissé penser que ce débat donnera lieu à l'expression de positions idéologiques radicalement différentes, certains semblant vouloir défendre les squats, allonger les procédures ou, simplement, ne pas parler de ces petits propriétaires en difficulté au simple motif qu'ils sont propriétaires.

J'ai néanmoins le sentiment qu'une grande majorité d'entre vous souhaite que le législateur renforce la protection du domicile, sanctionne sévèrement le squat, accélère les procédures et fasse tout ce qui est en son pouvoir pour répondre à ces situations de détresse psychologique et sociale, quand bien même elles seraient peu nombreuses. Ceux qui les subissent et qui en ont témoigné nous regardent et comptent sur nous.

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