Intervention de Didier Lemaire

Séance en hémicycle du jeudi 1er décembre 2022 à 15h00
Juridiction spécialisée dans les violences intrafamiliales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Lemaire :

En 2021, en France, plus d'une femme sur cinq et près d'un homme sur six, âgés de 18 à 74 ans, ont déclaré avoir subi une violence intrafamiliale – psychologique, physique ou sexuelle – avant l'âge de 15 ans. Plus d'une femme sur quatre et un homme sur cinq déclarent avoir subi au moins une fois, depuis l'âge de 15 ans, des violences psychologiques au sein du couple, infligées par leur partenaire.

Les violences intrafamiliales sont un fléau auquel on peine aujourd'hui à apporter une réponse judiciaire efficace. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la majorité travaille sur la question des violences intrafamiliales depuis plus de cinq ans : en effet, le Président de la République a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes la priorité de son combat pour l'égalité entre les femmes et hommes. Ainsi, depuis 2017, d'importants efforts ont été fournis en la matière : déploiement d'outils de protection comme les téléphones grave danger et les bracelets antirapprochement, développement des formations délivrées aux magistrats, création des filières de l'urgence dans 123 tribunaux judiciaires. La politique pénale en matière de violences intrafamiliales s'est durcie, en témoignent le nombre de procédures rapides pour juger les auteurs de tels actes, en augmentation de 182 %, et le nombre de condamnations, en hausse de 99 %.

Mme la Première ministre a également confié à notre collègue Émilie Chandler, députée du groupe Renaissance, et à la sénatrice Dominique Vérien une mission dont l'objectif est de dresser un bilan du traitement judiciaire des violences intrafamiliales et de formuler des propositions concrètes pour mieux traiter ce contentieux. Pourtant, monsieur le rapporteur, vous avez choisi de déposer votre proposition de loi sans en attendre les résultats. Je connais votre implication sur ce sujet, comme celle de nos collègues Guillaume Vuilletet et Guillaume Gouffier Valente, et je comprends votre impatience.

Votre proposition de loi a le mérite d'exister, et je ne peux que me réjouir de votre initiative, qui s'inscrit finalement dans la même démarche que celles menées par le Gouvernement depuis plus de cinq ans. Votre texte vise à créer, dans le ressort de chacune des trente-six cours d'appel, un tribunal des violences intrafamiliales qui aurait à connaître des délits constitutifs d'une atteinte à l'intégrité de certaines personnes déterminées, et qui serait composé d'un juge aux violences intrafamiliales, d'un président et de deux assesseurs. J'ai également pris connaissance de vos amendements, examinés en commission des lois, visant à créer une formation dédiée au sein de chaque tribunal judiciaire. C'est bien, mais malheureusement incomplet.

Ainsi, nous regrettons que vous omettiez le caractère très éclaté du contentieux des violences intrafamiliales – ou alors, que vous ayez choisi de ne traiter que partiellement le sujet, en retenant uniquement le champ pénal et une partie du champ civil, sans inclure, par exemple, l'ensemble des mesures éducatives.

Proposer de créer une juridiction spécialisée consacrée aux violences conjugales est un objectif louable, que nous partageons d'autant plus que le décloisonnement de ce contentieux nous semble être un axe majeur de l'efficacité d'un dispositif tendant à assurer un traitement plus rapide et plus efficace des violences intrafamiliales, et une meilleure prise en charge des victimes. Mais en l'état, la proposition de loi conduirait nécessairement, pour les acteurs de la justice, à un manque de vision globale de chaque dossier. Or ce n'est absolument pas ce dont les victimes ont besoin dans ces situations.

Dès lors, vous comprendrez, monsieur le rapporteur, que nous ne puissions pas voter en faveur de la proposition de loi que vous nous soumettez aujourd'hui. Afin qu'il n'y ait pas le moindre doute, je tiens à préciser que nous sommes évidemment prêts à continuer d'avancer, ensemble, sur ce sujet. Seulement, il nous paraît plus raisonnable d'attendre le résultat de la mission menée par nos collègues parlementaires, qui permettra non seulement de disposer d'un bilan du traitement judiciaire actuel de ce contentieux, mais également de formuler des propositions concrètes et adaptées.

En conséquence, le groupe Horizons et apparentés ne soutiendra pas le texte.

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