Intervention de Arnaud Le Gall

Réunion du mercredi 20 juillet 2022 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Le Gall, rapporteur :

Je prends avec humour les propos de M. Dumont, même s'il s'agit de choses très sérieuses. Je n'ai pas eu l'intention de faire un cours ; j'ai souhaité tenir un discours politique. Trop souvent, on insiste sur le caractère technique de dispositions pour occulter le fait qu'il s'agit en réalité de choix politiques. À force de saucissonner les sujets en mesures techniques supposées dépourvues d'importance, on en arrive à avaler des choses énormes.

Comment ne pas saisir les conséquences potentielles de flux financiers internationaux tellement déséquilibrés qu'ils représentent 300 % du PIB mondial ? Il est important de débattre de la réglementation de la finance internationale et du rôle que doit jouer la BRI. Il ne s'agit pas de remettre en question l'existence d'une institution centrale pour la réglementation interbancaire, et notamment pour la coordination des banques centrales. Il s'agit de dire qu'il y a de nombreuses manières d'assumer son rôle.

C'est une chose de lutter contre les cryptomonnaies non adossées à des banques centrales – ce à quoi nous sommes favorables – ou de se pencher sur les transactions à haute fréquence – qui constituent un énorme problème et qui n'ont pas été limitées, contrairement à ce que l'on entend souvent. C'en est une autre de considérer que, pour lutter contre l'inflation, il faut seulement augmenter les taux d'intérêt. Ce n'est pas un choix technique ; c'est un choix politique qui signifie des dizaines de millions de pauvres en plus en Europe.

Qu'il me soit donc permis de poser de telles questions, tout en ayant précisé au préalable qu'il n'y a pas lieu de s'opposer à ces accords, et particulièrement au second, qui permettra aux travailleurs concernés de bénéficier de la sécurité sociale.

La question de la dette n'est pas technique, elle non plus. On peut s'endetter pour investir face aux défis qui nous concernent tous, notamment dans la transition écologique – je partage les très bons objectifs que vous avez mentionnés, Madame Sebaihi –, mais ne nous mentons pas, les financements correspondants ne sont pas prévus. On peut, en sens inverse, faire de la dette un argument pour revenir à des politiques d'austérité. Certains dogmes ont en effet été suspendus durant la pandémie, parce qu'il n'y avait pas le choix. Mais ces modifications n'ont pas été inscrites dans le droit européen, ni dans les règles de fonctionnement de la BCE, et il est évident que l'on va en revenir à une politique d'austérité dans les années qui viennent, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle européenne. Comment va-t-on répondre à l'explosion des prix et aux pénuries ?

En ce qui concerne l'indépendance énergétique, Mme Sebaihi a bien souligné le problème qui consiste à alimenter la machine de guerre de la Russie en lui achetant du gaz. L'effet des sanctions est tel sur son prix qu'à la fin de cette année la Russie aura une balance commerciale qui n'aura jamais été aussi bénéficiaire depuis des décennies. Les Russes importent en outre très peu, ce qui peut leur poser un problème. Je ne dis pas que les sanctions sont totalement inefficaces.

Il faut pouvoir ne plus être dépendant des importations de gaz russe, mais il ne faut pas remplacer une dépendance par une autre – par exemple vis-à-vis du gaz naturel liquéfié (GNL) des États-Unis ou en étant obligé d'aller faire des génuflexions au Proche-Orient. Pour cela, il faut investir dans l'autonomie énergétique. C'est aussi simple que cela.

Derrière bien des accords que d'aucuns peuvent considérer comme purement techniques, on trouve en fait des enjeux très politiques.

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