Intervention de Laurence Boone

Réunion du lundi 18 juillet 2022 à 17h00
Commission des affaires européennes

Laurence Boone, secrétaire d'État :

Merci pour ces questions. Si je ne réponds pas à toutes, je serai ravie de vous rencontrer ou de vous envoyer des éléments de réponses complémentaires.

Mme Le Grip demande un point sur l'élargissement et les procédures d'adhésion, alors que des conférences intergouvernementales se tiendront demain à Bruxelles.

Trois pays ont démarré les négociations d'adhésion : la Turquie, le Monténégro et la Serbie. Deux ont obtenu le statut de candidat, l'Albanie en 2014 et la Macédoine du Nord en 2005, et les négociations vont s'ouvrir. Deux pays sont considérés comme des candidats potentiels : la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo.

Il faut distinguer les différentes étapes : les discussions pour avoir accès au statut de candidat ; celles pour passer du statut de candidat à l'adhésion ; l'adhésion effective. Les démarches sont assez longues.

Quelles sont les réactions et réflexions de nos partenaires concernant la Communauté politique européenne ? Une réunion sera organisée par la présidence tchèque les 6 et 7 octobre prochains. Lors de la réunion informelle des ministres de la justice et des affaires intérieures à Prague, la semaine dernière, chacun a pu s'exprimer. Ce chemin de discussion et de dialogue avec différents pays qui ont, ou n'ont pas, vocation à rejoindre l'Union européenne me semble bienvenu car même pour ceux qui ont vocation à la rejoindre, le processus d'adhésion est très long – dix à vingt ans. En conséquence, nous risquons de perdre certains d'entre eux, que d'autres pays seront très contents de récupérer. En outre, pour ceux qui n'ont pas nécessairement vocation à rejoindre l'Union européenne, le dialogue et des partenariats éventuels sont importants dans différents domaines : sécurité, climat, énergie, transports… Il faut compléter ces discussions, de façon inclusive, en écoutant les citoyens mais aussi les pays aux portes de l'Europe, dont nous avons intérêt à ce qu'ils soient plus attachés à elle qu'à la Russie ou à la Chine.

Je comprends que vous m'interpelliez sur l'Azerbaïdjan, mais dans le contexte de la guerre en Ukraine, le dialogue avec ce pays est important pour deux raisons. La première est notre stabilité régionale, l'Azerbaïdjan étant un pays important du Partenariat oriental, tout comme l'Arménie, avec laquelle l'Union européenne a aussi fait beaucoup d'efforts de normalisation. La seconde est la diversification de nos sources d'approvisionnement. Comme pour tous les pays frontaliers de l'Union européenne, dans le cadre de ses discussions pour un nouvel accord avec l'Azerbaïdjan, l'Union est bien entendu attentive au respect de l'État de droit et des droits de l'homme.

M. François m'a interrogée sur Frontex, et je l'en remercie. C'est vrai, la mission de Frontex est difficile, et l'a été rendue plus encore par la crise en Ukraine. Depuis plusieurs années, l'Agence est confrontée à des critiques, liées au retard dans la mise en œuvre de son nouveau mandat, mais surtout à des allégations de mauvaise administration qui ont fait l'objet d'une enquête menée par l'Office européen de lutte antifraude. C'est dans ce contexte que, le 28 avril dernier, le directeur exécutif français, Fabrice Leggeri, a dû présenter sa démission. Ce n'est absolument pas dû au fait qu'il soit français, mais à des dysfonctionnements liés à des agissements personnels. Cela ne constitue pas une perte pour la France : penser le contraire serait se méprendre sur le fonctionnement et l'indépendance des agences européennes. En outre, beaucoup de directeurs généraux, dans de nombreuses institutions européennes, sont français.

Madame Oziol, vous m'interrogez sur la révision des traités. C'est la première fois depuis de nombreuses années que l'on évoque une telle révision. Mais tous les pays n'ont pas la même position, et celle du Parlement européen n'est pas forcément celle des parlements nationaux, ni celle des États du Conseil de l'Union européenne… Bref la question doit faire l'objet, vous vous en doutez, d'un dialogue avec tous nos partenaires européens.

Les règles budgétaires ont montré leur flexibilité pendant la crise, puisqu'elles ont été suspendues plusieurs années. La Commission présentera un projet de révision à l'automne, qui sera à nouveau discuté par les Vingt-Sept. Il nous faudra trouver un équilibre sur trois points : un équilibre entre la soutenabilité et la croissance ; des règles budgétaires qui permettent les investissements dans la transition énergétique, le numérique et la défense – domaine dans lequel l'Allemagne va investir 100 milliards supplémentaires ; l'appropriation de ces règles par les citoyens, des règles trop complexes n'étant pas compréhensibles et pouvant apparaître comme arbitraires.

Vous avez également parlé d'Europe sociale. Il convient de saluer les travaux de la présidence française certes, mais aussi du commissaire à l'emploi et aux droits sociaux Nicolas Schmit. En effet, l'organisation sociale est très différente d'un pays à l'autre de l'Union. Ainsi, les pays nordiques – qu'on ne peut pas accuser de ne pas être sociaux ! – ne voulaient pas d'un salaire minimum : ils traitent la question par un système de négociations entre employeurs et salariés qui fonctionne très bien et ne souhaitaient pas se faire imposer ce salaire minimum et des règles qui ne correspondent pas à leur modèle social. Au final, le texte réalise un bon équilibre, adapté aux pays dotés de salaires minimaux par la loi mais aussi à ceux qui ont un modèle différent.

S'agissant des travailleurs numériques, il va également falloir clarifier les positions nationales, qui divergent. Le 9 décembre 2021, la Commission européenne a proposé un ensemble de mesures, dont une directive, visant à améliorer les conditions de travail sur les plateformes numériques. Les propositions sont structurées autour de trois axes : clarifier le statut de l'emploi des travailleurs des plateformes ; aider les travailleurs à mieux comprendre la gestion du travail par les algorithmes – attribution des tâches, fixation des prix ; enfin, garantir le droit au recours des travailleurs.

Il s'agit d'une approche par le statut, qui pose le principe d'une présomption de salariat fondée sur plusieurs critères, alors que le modèle français repose sur une approche par les droits, notamment en matière de négociation collective. Les discussions sont toujours en cours. La présidence tchèque va les poursuivre et souhaite obtenir un accord d'ici à la fin de l'année.

Monsieur Alfandari a évoqué de nombreux sujets, dont la révision des traités. Sur ce dernier point, il n'y a ni totem, ni tabou. La seule question qui vaille, avant celle des moyens, est celle des objectifs : qu'attendons-nous d'une révision des traités ? Il est effectivement assez incroyable qu'un seul pays puisse bloquer tout un accord européen sur la taxation des géants du numérique. Ce peut être une piste de réflexion.

La conférence sur l'avenir de l'Europe procède véritablement d'une envie de renouveler la démocratie et de faire participer plus de citoyens, sans remettre en cause le rôle du Parlement. Elle a rencontré un vif succès et nombre d'États membres de l'Union européenne attendent désormais des résultats. Je distinguerai trois types de mesures : celles qui ont déjà été prises et sur lesquelles il importe de faire un travail de communication ; celles qui peuvent être prises sans changer les traités, et doivent l'être vite, pour montrer qu'on écoute les citoyens ; et enfin celles qui nécessiteront une révision des traités.

S'agissant de la Communauté politique européenne, il importe de mener un travail interministériel et d'entendre tous les pays qui sont susceptibles d'y participer, en les traitant sur un pied d'égalité. C'est un projet de fond.

Face à la Russie et à la Chine, il faut renforcer notre autonomie stratégique et notre souveraineté, à la fois dans le domaine de la défense – c'est l'objet de la boussole stratégique, à laquelle la guerre en Ukraine donne beaucoup plus d'acuité – de l'énergie – la souveraineté énergétique passe par la transition énergétique – du numérique – avec des règlements qui protègent les citoyens européens et qui permettent aux entreprises européennes de se développer – et sur le plan social.

Madame Regol, notre objectif, en matière de transition écologique, est de trouver un équilibre entre les besoins de production, l'avenir des agriculteurs, l'avenir des pêcheurs et la protection de la biodiversité. Les transformations touchant l'agriculture et la pêche doivent être progressives, si nous voulons que chacun puisse s'y adapter et que tous les Français les acceptent.

L'accord de commerce avec la Nouvelle-Zélande, qui n'est encore que de principe, est une bonne nouvelle car c'est le pays dont les règles environnementales sont les plus proches des nôtres. Il est la preuve qu'un accord commercial peut être respectueux de l'environnement et du développement durable. Il intègre l'accord de Paris, prévoit des protections pour nos filières agricoles sensibles et soutient nos exportations agricoles et agroalimentaires en protégeant plus de 200 indications géographiques, comme le comté ou le jambon de Bayonne. S'agissant des agneaux, comme vous le savez, Monsieur Chassaigne, les quotas n'ont jamais été atteints par le passé.

Le paquet « Fit for 55 » est la traduction européenne des accords de Paris. Ces derniers ont défini une ambition extraordinaire au plan mondial et laissé à chaque nation le soin de définir sa méthode. Pour moi, il y a une parfaite cohérence entre les accords de Paris et nos politiques en matière de transition énergétique.

On ne peut pas dire que la France applique le droit européen à la carte. Il peut arriver que l'on soit rappelé à l'ordre, comme cela arrive aussi à d'autres pays : cela n'a rien d'anormal. Notre volonté de faire de l'Europe la championne de l'État de droit ne fait aucun doute. En témoignent la réforme de l'élargissement et les mesures prises envers la Pologne et la Hongrie : il a été acté que les pays qui ne respectent pas l'État de droit ne peuvent bénéficier de fonds européens. Le plan national de relance et de résilience hongrois est suspendu et, bien que celui de la Pologne ait été accepté, les versements n'ont pas eu lieu parce que le gouvernement polonais refuse d'appliquer les mesures qui lui ont été indiquées.

Monsieur Chassaigne, la France a effectivement activé le mécanisme de protection civile de l'Union européenne le 14 juillet pour bénéficier du soutien d'avions bombardiers d'eau. En réponse à cette requête, la Grèce a déployé deux Canadair en Gironde, qui prêtent main-forte à nos équipes. Le Gouvernement a remercié nos amis et partenaires grecs pour cette démonstration de solidarité. Je rappelle que nous avions aidé la Grèce en août 2021, lorsque c'est elle qui devait faire face à de terribles incendies : le mécanisme fonctionne donc bien. Le système européen d'observation Copernicus a également été mobilisé pour réaliser une cartographie de l'incendie. L'Espagne, le Portugal, la Slovénie et l'Albanie, qui font également face à de graves incendies, ont aussi bénéficié d'aides européennes.

La France s'est activement mobilisée, en 2019 et 2020, pour renforcer ce mécanisme de protection civile, notamment la réserve de capacités d'urgence européenne, RescEU, qui est mobilisable en soutien de celles des États. Ce que je peux vous dire au sujet du volontariat, c'est qu'un arrêt de la Cour de Justice de l'Union européenne prévoit d'appliquer la directive « temps de travail » aux volontaires, ce qui perturbe un peu le modèle français du volontariat. Nous avons porté votre proposition au niveau européen afin d'élaborer un texte relatif au volontariat. Pour l'heure, nous n'avons pas assez de soutiens mais nous allons poursuivre nos efforts.

Madame Youssouffa, le versement des fonds européens à Mayotte a effectivement été suspendu en 2022. L'État a pris ses responsabilités et créé un GIP, « l'Europe à Mayotte », qui travaille avec la collectivité. L'Agence France Trésor a fait une avance pour compenser l'interruption des versements des fonds européens. Nous avons bon espoir que ces versements reprennent en 2023.

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