Intervention de Olivier Dussopt

Séance en hémicycle du mercredi 20 juillet 2022 à 15h00
Mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat — Article 4

Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion :

Je veux réagir aux interventions liminaires sur l'article 4 et répondre par anticipation à plusieurs amendements qui abordent parfois les mêmes sujets et sur lesquels je serai, par la suite, un peu plus bref.

Il convient de rappeler d'où nous venons et la situation dans laquelle nous sommes. La direction générale du travail (DGT) examine avec attention 171 des principales branches professionnelles : effectivement, M. Dharréville l'a évoqué à l'instant, après la dernière revalorisation automatique du SMIC le 1er mai dernier, 145 branches présentaient au moins un niveau de rémunération inférieur au SMIC. Cela ne signifie aucunement – il est toujours utile de le rappeler même si personne ne l'a dit – que des salariés sont payés en deçà du SMIC, fort heureusement car ce serait illégal, mais cela correspond dans les branches dont les minima de rémunération sont inférieurs au SMIC, à un nivellement des carrières et à une impossibilité de gagner en revenus avant plusieurs années d'expérience. Cela représente non seulement un véritable déficit d'attractivité mais surtout une absence de perspectives pour les salariés concernés.

Le 1er mai, 145 branches avaient au moins un minima inférieur au SMIC. À l'heure où nous parlons, ce sont non plus 112 branches – chiffre relevé au 1er juillet – mais 98 branches qui sont dans ce cas. C'est la démonstration qu'entre le 1er mai et le 15 juillet, 47 branches ont accompli le travail nécessaire pour se mettre en conformité avec la loi, soit un tiers des branches concernées en l'espace de quelques semaines. Ces chiffres prouvent aussi que peu de branches, finalement, ne jouent pas le jeu de l'application de la loi que ce soit en matière d'ouverture de négociations ou de maintien des minima à un niveau inférieur au SMIC.

Si l'on examine plus finement la situation des branches, on constate qu'en réalité seules dix-sept d'entre elles présentent au moins un minima inférieur au SMIC depuis plus de neuf mois et deux depuis dix-huit mois. Il convient de souligner ces chiffres car il ne faudrait pas laisser penser qu'une immense majorité de branches se complaît à conserver de manière durable des niveaux inférieurs au SMIC.

Plusieurs critères permettent au Gouvernement de restructurer les branches et de fusionner celles qui sont déficitaires ou défaillantes avec des branches proches en matière d'activité et respectueuses de la réglementation : le nombre d'accords, l'absence de diversité des thèmes sur une échelle de trois ans ou encore une forme d'atonie du dialogue social. Nous proposons d'ajouter un quatrième critère : le fait de présenter durablement un minima inférieur au SMIC. Le présent projet de loi n'explicite pas précisément ce terme « durablement » : signifie-t-il un an, un an et demi ou deux ans ? Nous ne l'avons pas précisé dans la loi car nous considérons que cette notion relève d'une discussion et d'un dialogue social avec les organisations professionnelles et syndicales, c'est-à-dire du niveau réglementaire.

Je peux vous assurer que l'outil sera efficace à chaque fois qu'il sera mobilisé. Pourquoi ? Parce que le constat d'un maintien durable à un niveau inférieur au SMIC sera dressé par un décret qui sera accompagné du projet de fusion. Ainsi, une branche faisant l'objet d'un décret de constatation et ne réagissant pas sera automatiquement fusionnée, puisque le projet de fusion accompagnera le décret. Cet outil permettra de susciter le dialogue social afin d'obtenir un niveau de rémunération au moins égal au SMIC, quel que soit le niveau de la branche.

Quelques remarques pour conclure : tout d'abord, il y a un désaccord entre ce que propose la majorité et ce que réclament plusieurs orateurs. Nous considérons que la loi ne détermine pas le niveau des salaires – à l'exception du SMIC – et que celui-ci relève du dialogue social. Nous considérons également que l'indexation automatique des branches sur l'inflation ou sur un autre indicateur serait néfaste pour le dialogue social dans la mesure où elle empêcherait une branche de procéder à des revalorisations différenciées des niveaux de rémunération. L'attractivité d'une carrière passe aussi par des augmentations différenciées qui prennent en considération l'expérience et les différents moments d'une carrière.

Pour le reste, nous partageons beaucoup de ce qu'ont rappelé M. Turquois et Mme Pasquini – pardon, madame, si j'écorche votre nom, ce serait involontaire – à la fois quant à la volonté d'encourager un dialogue social le plus nourri possible et quant à la nécessité d'offrir au sein des branches des carrières attractives et dynamiques, en somme des perspectives aux salariés qui en relèvent. Il faut, comme vous l'avez dit madame, que les qualifications acquises dans une branche, ainsi que l'expérience et l'ancienneté trouvent une traduction concrète sur la feuille de paie et permettent de franchir des niveaux supérieurs au SMIC, de gagner en salaire au fur et à mesure de l'apprentissage et de la qualification.

Nous faisons le choix du dialogue social, que nous motivons et encourageons au moyen d'une disposition nouvelle, acceptée par les partenaires sociaux qui ont tous été consultés. Elle permettra, lorsque nous constaterons qu'une branche ne joue pas le jeu du minima au moins égal au SMIC, de procéder à sa restructuration et à une fusion avec une branche respectueuse de ce principe.

Telle est la voie que nous proposons : garantir au moyen du dialogue social des minima conventionnels au moins équivalents au SMIC.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion