Intervention de Patrick Pouyanné

Réunion du mercredi 23 novembre 2022 à 13h45
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies :

Nous n'investirons pas dans la centrale de Penly. Entre 2007 et 2008, mon prédécesseur s'était interrogé sur l'opportunité d'investir dans les énergies décarbonées, et notamment dans le nucléaire. En effet, l'un des savoir-faire de notre entreprise est de gérer des projets géants, de plusieurs milliards d'euros, de construction de plateformes pétrolières ou d'usines de GNL par exemple. Cette capacité nous a semblé un atout pour une industrie nucléaire qui n'avait pas construit de projets depuis des années. Il nous semblait que nous pouvions donc apporter notre savoir-faire, que nous mettons fréquemment en avant, par exemple au Qatar, où nous avons pris une position majeure dans les projets de GNL. Nous avons avant tout vendu la capacité de nos ingénieurs à piloter le projet, notre capacité d'ensemblier. Par ailleurs, à cette même époque, un certain nombre de pays du Moyen-Orient s'intéressaient au nucléaire. Mon prédécesseur souhaitait donc apporter à ces pays un investissement dans les énergies décarbonées et notamment dans le nucléaire. Finalement, aucune entreprise française n'a obtenu le marché d'Abu Dhabi. En France, nous devions détenir 8,33 % de la société chargée de construire l'EPR de Penly. Cette société a finalement été dissoute à la suite de Fukushima. Pour d'autres raisons, je n'étais pas spécialement partisan de l'investissement dans le nucléaire. Les obligations résiduelles à long terme me paraissaient par exemple complexes à intégrer à notre bilan. Nous avons donc décidé de mettre un terme à cette expérience, qui n'avait de toute façon pas rencontré un franc succès.

Il ne faut pas négliger le poids qu'a eu Fukushima dans les décisions de nombreux pays. Cet événement majeur, en effet, survenait dans un pays occidental. Ce n'était pas le cas de l'accident de Tchernobyl, que nous avions mis le compte d'un moindre contrôle et d'une moindre maîtrise de la sûreté nucléaire. Le Japon, au contraire, est considéré comme un pays à l'avant-garde de la technologie. Nous avons pris conscience que ce risque existait et n'avons pas souhaité poursuivre ces projets, ni inscrire ce risque dans le bilan du groupe. J'estime d'ailleurs que la gestion de ces risques relève largement des États.

Les énergies renouvelables soulèvent la question de l'occupation de l'espace. Or, nos pays européens sont marqués par des conflits d'usage fréquents. Aux États-Unis, l'organisation de l'espace en raison de sa densité, est bien plus propice à l'installation des infrastructures d'énergie renouvelable. Par conséquent, en Europe, les procédures d'autorisation sont souvent très longues. Malgré les simplifications, il faut quatorze autorisations pour implanter une usine solaire en France. Même si j'entends qu'il soit nécessaire de considérer les intérêts de toutes les parties prenantes, ces délais s'opposant à l'urgence de la transition climatique. En France, le ratio du nombre de personnes dans la filiale renouvelable en France et en Europe par rapport aux mégawatts que nous installons est deux fois plus élevé que dans les autres pays.

Le débat en France sur l'éolien est légitime. Il est très difficile pour les acteurs privés de vouloir planifier l'espace. Si l'on souhaite accélérer la construction d'énergies renouvelables, nous devons trouver un moyen d'articuler correctement la planification de l'espace, qui peut relever des collectivités territoriales. Ainsi, en Allemagne, les régions doivent désormais allouer 2 % de leur territoire à la construction de ces infrastructures. Par ailleurs, il serait sans doute pertinent de concentrer les nuisances induites par les éoliennes, de même que nous avons concentré les risques sur quelques sites industriels, plutôt que de tenter de les disperser. Nous devons en effet accélérer le rythme d'installation, qui atteint seulement la moitié chaque année de ce que nous devrions faire pour respecter notre trajectoire. La problématique n'est pas financière. Depuis quatre ans, nous n'avons installé que la moitié des infrastructures que nous avions prévues.

Enfin, le foncier français pour fabriquer des énergies solaires coûte beaucoup plus cher que dans d'autres pays en raison de réglementations interdisant la construction sur certains terrains, ce qui aboutit à une augmentation des prix des terrains adéquats. La résolution de ce problème de nature économique pourrait permettre une accélération du programme d'énergies renouvelables.

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